Mathilde R. 21/10/2017

J’te parle ! Tu peux répondre ? Salope !

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Depuis quelques jours les hashtags #balancetonporc et #metoo tournent sur les réseaux. Laissez-moi vous raconter une fin de soirée ordinaire... avec l'angoisse de rentrer seule chez moi à Nanterre.

22h44. J’ai choisi le wagon avec le plus de personnes possible parmi ceux qui se sont présentés devant moi sur le quai de la Défense. Je rentre. Je m’assois stratégiquement à côté d’une femme pour éviter le groupe de cinq mecs qui m’ont l’air légèrement alcoolisés.

Ils me dégoûtent

J’aurais dû retirer mes écouteurs, quelle conne, je les aurais entendus avant. Tant pis. Ignorance totale. Surtout aucun regard, sinon ils vont penser que je m’intéresse à eux. Temps d’arrêt de trois minutes à Nanterre Préfecture. La bande de fêtards en profite pour faire des allers-retours dans notre wagon.

Ils crient, chantent et lancent des regards remplis de désir à toutes les filles présentes. Ils me dégoûtent. J’ai envie de leur parler, de les engueuler. Non, je me retiens. Mais maintenant qu’ils gênent tout le monde, je ne peux plus m’empêcher de les regarder avec mépris.

L’un d’eux me fixe et me demande d’un ton agressif : « Qu’est-ce t’as toi ? » Je ne réponds pas. Tais-toi, retiens-toi, sinon ça ira plus loin et tu veux seulement rentrer chez toi. Je répète cette phrase dans ma tête et détourne le regard. C’est bon, Nanterre-Université, plus qu’un arrêt avant de descendre. Bingo, les abrutis descendent tous à cet arrêt.

Tu peux répondre ? Salope ! »

Le soulagement. C’est bon, je peux même remettre mes écouteurs. Quoique, un seul, on ne sait jamais. Je descends à Nanterre-Ville. Allez, dans sept minutes, c’est terminé.

« L’oppression, la peur, la détresse, le stress, la paranoïa et l’appréhension ». Lydia nous raconte ce qu’est être une femme dans le métro.

C’est toujours pareil : la boule au ventre, les jambes légèrement tremblantes, je marche d’un pas décidé. Je sens une présence derrière moi. Pas assez proche pour m’affoler, pas assez loin pour être tranquille. J’accélère le pas. J’ai mal aux pieds, mais peu importe. « Bonsoir ! ». Oh non, ils se sont donnés le mot ce soir ou quoi ? Il continue : « Oh ! J’te parle ! Tu peux répondre ? Salope ! » Il finit par se taire et repartir en direction de la gare.

J’aimerais voir leur tête s’ils voyaient leur fille ou leur sœur à ma place

Je ne comprends pas. Ils croient quoi exactement ? Qu’on va faire connaissance entre deux passages piétons ? J’aimerais bien voir la tête qu’ils feraient s’ils voyaient leur fille ou leur sœur à ma place. J’en peux plus. Bon, c’est passé, je me ressaisis et continue mon chemin.

Toujours tout droit, le pas pressé, j’ai hâte d’être à la maison. Dernière précaution : ne pas emprunter le petit parc, faire le tour par la grande rue. Plus que 50 mètres, une minute. Les clés, la porte d’entrée, bien la refermer derrière moi. Enfin, c’est bon, en sécurité, il ne m’est rien arrivé.

Fin de soirée ordinaire.

 

Mathilde R., 20 ans, étudiante, Nanterre

Crédit GIF Giphy // Broad City

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2 réactions

  1. Cette fin de soirée ordinaire, sans parler de la soirée qui s’est passé avant, ni même de la journée, et de la journée d’après.
    Sans pouvoir s’échapper, car demain sera surement pareil, même dans un autre pays.

  2. Prend un tazer fille, crame les, ils deviendront peut-être des hommes. Même bourré comme un coin je me serais pas permis de faire ça.

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