Mon frère en prison, ça a complètement changé notre relation
Moi, c’est Dounia. J’ai 17 ans et j’habite à Aubervilliers dans le 93. J’ai un grand frère qui s’appelle Islem. Il y a trois ans de différence entre nous. On a toujours eu une complicité de frère et soeur, très proches. J’allais le voir à ses entraînements de boxe quand il s’entraînait. J’étais fascinée de voir mon frère boxer, mettre les gants face à d’autres garçons. Pour moi, je le voyais comme le plus fort. Quand il avait des matchs de foot, j’allais le regarder, je l’encourageais, je le voyais courir sur le terrain comme une fusée, à toute allure. On sortait aussi avec mon père au parc en vélo. On faisait des courses et il me laissait gagner parce qu’il savait que j’étais une mauvaise perdante. Il a toujours été protecteur avec moi, même un peu trop collant.
En 2015, d’un coup, je ne l’ai plus vu. Comme s’il s’était envolé. J’ai demandé plusieurs fois à ma mère où il était et elle me répétait sans cesse qu’il était en vacances chez son copain. Puis, trois mois après, j’ai appris qu’il était en prison. On ne voulait pas me dire pourquoi, ni même quand il sortirait. Je lui écrivais souvent, mais j’ai jamais eu la force de lui envoyer ce que je lui écrivais. Je l’avais quelques fois au téléphone et je faisais comme si ça allait, comme si je supportais le fait qu’il soit loin de moi. Mais non, loin de là. Je me suis renfermée sur moi-même. J’allais plus au collège. Quand j’y allais, c’était pour me battre pour des futilités, me faire exclure des cours parce que je foutais la « merde ».
Neuf jeunes incarcérés pour des peines de deux à quatres ans à la prison de Fleury-Mérogis ont raconté la prison de l’intérieur lors d’ateliers ZEP. Publiés dans Libération, leurs témoignages nous plongent dans leur quotidien : la cantine, le téléphone, le parloir, le mitard, l’hygiène, la solitude…
Puis, 9 mois après, il est sorti. Mais ça n’a pas arrangé les choses, ça les a empirées au contraire. Il avait changé, je ne reconnaissais plus mon frère. Ce n’était pas ce frère que j’avais laissé. Je ne le reconnaissais pas mentalement comme physiquement. Grand de taille, tout maigre, yeux cernés, cheveux longs. C’était la guerre entre nous. Il m’insultait pour un rien quand je ne l’écoutais pas, me tapait dessus quelques fois, des gifles.
J’ai eu peur qu’il retourne en prison…
Le temps est passé, je ne m’étais pas calmée en cours et un jour, mon collège a décidé de me passer en conseil de discipline et m’a virée. Ça a été un petit déclic pour moi, j’ai essayé de me reprendre en main. Je me suis inscrite à la boxe, ça été un refuge un peu. Ça m’aidait à lâcher toute ma haine et ma colère, et à éviter mon frère. Puis, il y a eu ce moment où il a eu trois jours de jugement d’affilée. Ça ne sentait pas bon du tout. À la fin de la deuxième journée de jugement, il est rentré dans la chambre en me disant : « Je peux rester avec toi ? » Je lui ai répondu qu’il pouvait. Il est resté à fumer par la fenêtre, en me demandant si ma journée s’était bien passée, ce que j’avais fait au travail aujourd’hui. Je trouvais ça assez bizarre. Je lui ai demandé comment s’était passé son jugement et c’est là qu’il m’a dit que le juge demandait quatre ans ferme de prison.
Je le regardais, j’avais plus les mots, aucune parole voulait sortir de ma bouche. Il m’a regardée avec les yeux qui brillaient. Il avait les larmes aux yeux et puis, il est sorti de ma chambre. Le lendemain, le jour de son dernier jugement, il m’a appelée, il m’a donné de l’argent, m’a dit de faire attention et de pas faire de bêtises, puis m’a serrée fort contre lui. Et c’est en sortant de chez moi, en pleurs, que j’ai compris que c’était peut-être la dernière fois que je voyais mon frère avant quatre longues années.
Son ami vivait mal la prison. En bon pote, Wahib l’a soutenu du mieux qu’il pouvait, jusqu’à sa sortie. En donnant de l’argent, et de son temps. J’ai aidé mon pote incarcéré à ne pas sombrer
Finalement, il a échappé à cette peine. Il est ressorti avec trois ans de prison avec sursis. Quand il me l’a annoncé au téléphone, j’étais soulagée, je pleurais mais de joie, de soulagement. Je me disais que cette histoire qui nous suivait depuis cinq ans était enfin dernière nous. Depuis, il est gentil avec moi, il ne m’insulte plus, ne me tape plus, il ne passe plus ses nerfs sur moi. Il m’aide à faire la vaisselle, le ménage, il vient faire les courses avec moi, il rigole. Ça peut paraître bête et sans intérêt mais venant de lui, c’est vraiment un changement qui me fait plaisir à voir, j’ai retrouvé la complicité que j’avais avec mon frère, et même en mieux.
Je réalise aujourd’hui que parfois, l’amour fraternel peut faire plus de dégâts que l’amour entre deux amoureux.
Dounia, 17 ans, volontaire en service civique, Aubervilliers
Crédit Photo Unsplash // CC Francesca Runza
Ton histoire est très touchante jai 34 ans et mon petit frère est rentré y a seulement 5 mois et pas encore condamné jai le droit d y aller mais seulement il m a refusé le parloir sa fait mal car nous faisions beaucoup de fêtes ensemble et nous étions comme deux amis….j ai peur qu il y ai un changement…
C’est super touchant et émouvant !
J’ai adoré ton histoire franchement c’est beau et réel ! Dans la vie à un certain âge il faut savoir avancer et arrêter de figer sur le passé et c’est comme ça qu’il ira de l’avant. C’est vraiment bien et magnifique qu’il s’en soit sorti ! Et il a de la chance d’avoir une petite sœur si mature et compréhensive ! Bonne suite à tous les deux.
Sa ma bocoup touché je vous souhaite tout le bonheur et vivre bien et plu de bêtise pour ton frère
S était une belle histoire passionnent,j aime pas beaucoup lire main je t avoue que la façon donc tu racontes les chose m incite a lire deux fois plus. Je pense que tu peux devenir un bon écrivain. Courage a toi et ton frangin, et qui face plus de bêtise inutile qui risque de vous séparer encore une fois, la vie et trop court, profite un max et fait plaisir à votre maman.