Mon métier : chercheuse d’emploi
Naïvement, je pensais qu’avec un bac +5 en Économie touristique à la Sorbonne, deux ans en alternance chez Air France, un an d’alternance en agence de voyages et divers stages, ça aurait été facile de trouver mon premier emploi. Mais pour l’heure, les portes de l’emploi me sont impénétrables. Traverser la rue pour trouver du travail il disait ? Et pourquoi pas claquer des doigts ou frotter la lampe du génie aussi ? Trouver du travail, c’est pas aussi simple que ça. Ça se saurait.
Pourtant, je passe des entretiens. Six en deux mois, et une vingtaine de candidatures envoyées pour des postes de consultante, de chargée de projet fonctionnel, de chargée de recrutement. Passer un entretien d’embauche, c’est crevant. Aussi bien à cause du temps de préparation que je ne saurais chiffrer, que par le stress que ça engendre. Avant la date cruciale, ça demande un travail de recherches sur l’entreprise, sur le poste visé, mais surtout sur soi.
Jouer un rôle pour coller au poste voulu
Un entretien, c’est une mise à nu qui requiert une bonne connaissance de soi-même, de ses capacités et compétences, de ses qualités et défauts, de ses émotions, sa personnalité, etc. À force de préparer et de passer des entretiens d’embauche, j’ai l’impression de jouer un rôle pour coller au poste voulu. J’ai cherché à me connaître et j’ai découvert quelqu’un qui, en entretien, n’est pas moi.
La série télévisée Bref, créée par Kyan Khojandi, a fait un épisode sur les entretiens d’embauches. Ironique et absurde, un épisode très efficace qui en dit beaucoup sur les mécanismes et processus de recrutement.
Lola dans la vie de tous les jours, c’est une personne discrète, qui observe, analyse et écoute, qui intériorise énormément, qui ne sourit pas beaucoup et qui ne se mêle pas aux autres. Au niveau vestimentaire, c’est quelqu’un qui s’habille « normalement » sans prise de tête, en mode jean, t-shirt, baskets, qui ne suit pas vraiment les diktats et les tendances de la mode.
Lola en entretien, c’est au contraire une personne bien apprêtée, selon des codes vestimentaires imposés : tailleur pantalon, derbies en cuir, cheveux bien coiffés, maquillée, etc. Et c’est surtout une personne qui paraît épanouie, spontanée, souriante, dynamique, qui a confiance en elle et qui prend de l’assurance. Mais cette fille, ce n’est pas la Lola de tous les jours. Peut-être qu’au fond, c’est la personne que j’ai toujours voulu être ? Ça m’effraie.
Il y a encore quelques temps, avant même de passer la porte de l’entreprise, ma gorge se serrait à mesure que j’avançais. Par peur de ne pas être à la hauteur, par peur de ne pas coller à l’image que les recruteurs attendent. J’ai réussi à reprendre le dessus sur moi-même et à véritablement m’affirmer avec aplomb grâce à une astuce toute simple : je bois de l’eau dès que je sens que ça monte. Aussi stupide que ça puisse paraître, ça marche vraiment.
Malgré tous mes efforts, les recruteurs optent pour le silence radio
J’assimile les entretiens d’embauche à des pièces de théâtre où les actes sont prédéfinis, sans entractes pour reprendre son souffle. Ou à un ring de boxe où le candidat affronte ses interlocuteurs et pare chaque coup lancé sous la forme de questions, de commentaires, de remarques. Tous mes entretiens reprennent le même schéma. Premier contact physique : « Bonjour » avec sourire et enthousiasme. Premier passage sur le grill : « Présentez-vous, puis je vous parlerai du poste et de l’entreprise. » Deuxième passage : « Pourquoi avez-vous postulé pour le poste ? » Je fais une compilation de toutes les compétences et connaissances acquises et mises en pratique au cours de mes différentes expériences, enfin la question qui tue : « Quelles sont vos prétentions salariales ? » J’y réponds en ayant l’air de savoir de quoi je parle parce que je me suis longuement renseignée sur les salaires de l’entreprise pour le poste, merci Glassdoor. Dernier passage sur le grill : « Avez-vous des questions ? » Je liste toujours en amont quelques questions à poser pour montrer l’intérêt que je porte au poste et à l’entreprise sur la formation, sur les évolutions possibles, sur l’ambiance de travail, sur la culture d’entreprise, etc.
Marion a décidé d’opter pour une tenue décontractée lors d’un entretien d’embauche. Elle pensait être jugée sur ses compétences… pas sur son apparence vestimentaire : « Sweat à capuche, mon style n’a pas plu aux recruteurs »
Deux jours maximum après chaque entretien, je prends toujours soin d’envoyer un mail de remerciements. Ça me permet de rappeler aux recruteurs qui je suis et de réitérer mon intérêt pour le poste. Si je n’ai pas de nouvelles dans la semaine qui suit, j’envoie un mail de relance, voire je laisse un message vocal.
Malgré tous mes efforts, les recruteurs optent pour le silence radio. Ça leur évite de justifier un refus. Et quand je parviens à avoir un recruteur au téléphone, c’est toujours le même discours : « Je suis sous l’eau en ce moment, je dois faire le point sur les candidatures et je vous rappelle. » Mais ils ne disent jamais quand ils rappellent. Et ils ne rappellent pas. C’est un échec, mais en plus de ça, je reste dans le flou total, sans aucune explication. Est-ce que c’est ma personne qui ne plaît pas ? Est-ce que ce sont mes compétences ? Qu’est-ce que je fais de mal ? Je ne le saurai pas parce que les recruteurs ne se sentent pas concernés, ne prennent pas la peine d’envoyer un mail ou de décrocher leur téléphone pour apporter une réponse.
Lola, 23 ans, en recherche d’emploi, Paris
Crédit photo Unsplash // CC Tim Gouw
Bonjour Lola,
Etant recruteur, certains recruteurs ne font pas de débrief, mais je crois que ça change.. une nouvelle génération de recruteurs est en poste, et on essaie au maximum de répondre aux questions.
Jeune diplômé, j’ai eu les mêmes difficultés (trop diplômé, pas assez expérimenté!); effectivement pour décrocher un job, c’est à force d’avoir fait des entretiens que j’ai compris quel discours adopté face aux recruteurs ou opérationnels.
Le monde professionnel est un jeu de rôle, il faut le comprendre; et il faut être égoïste dans un certain sens, car c’est un peu une jungle: pour 1 poste, il y a 200 candidats… gardez ce ratio en tête! continuez à postuler, gardez confiance, même si c’est difficile!
Idem Sarah, continuez, et vous trouverez. même si c’est dur. (et ce n’est pas du piston forcément qui fait que vous n’ayez pas un job, bien que ça existe à tout niveau)
Bonsoir Lola! Et bien votre style d’écriture, le flux de vos mots, franchement J’Adore !!! Avez vous penser à vous convertir en tant qu’écrivain ? Oui je sais avec tous vos diplômes, connaissances, stages, vos expériences très très enrichissantes, vous pourriez me dire:quelle absurdité ! Mais pourtant, vous avez des capacités dans ce domaine !!
Pour les lyonnais voici un site qui pourrait vous intéresser :
http://www.ieva.asso.fr/
Nous sommes 44 bénévoles, notre association Ieva a remis 4500 personnes aux travail depuis 22 ans. Bon courage !
Vous connaissez village de l’emploi ? Ils prennent des diplômés à partir de Bac +2 et les forment à des postes très attractifs en relation avec de grandes entreprises.
Lola, je te remercie grandement pour ton témoignage, car personne ne me croit concernant la difficulté de rechercher du travail. Et, comparé à toi, tes stages, tes diplômes et tes expériences c’est pire que moi. Moi je ne dispose que d’un Bafa, d’un Niveau Bac Pro, de plusieurs stages et de beaucoup de motivation; mais chaque fois c’est la même chose. J’envoi lettre/CV chaque début d’années pour les vacances d’été en centre de loisirs ou colo, je relance par mail, par téléphone (et/ou sur leur site internet) et toujours les mêmes réponses : « si nous avons besoin, ont vous rappellera », et, résultat : ils ne te rappellent jamais (même si tu montre ta détermination, et ton envie de travailler). Et, pas la peine de compter sur Pôle Emploi/Cap Emploi ou la Mission Locale, pour nous aidez a trouver un boulot/formation, tu leur dis ce que tu veux faire, et ils te trouvent des métiers/formations qui n’ont rien à voir. Après avoir cherché ce que je souhaitais faire de ma vie, j’ai enfin trouvé. Devenir Animatrice d’ateliers d’écriture et travailler à temps partiel en vente culturelle* (* Fnac, Cultura, Geek Store, Micromania). Mais pour trouver une formation ou un stage dans la vente c’est plus de galère que de postuler dans l’animation banale pour se faire de l’expérience. Comment veux-tu que nous ayons l’envie, la motivation, la détermination et la persévérance fr tenter encore et encore pour décrocher quelque chose, quand pour se faire de l’expérience, ils ne nous prennent pas. Cet année, et depuis 2009 que je dispose de mon BAFA, je n’ai eue que 2 entretien; mais la première question qu’on m’ai posé été : « connaissez-vous le rythme scolaire? ». Comment voulez-vous que je sache comment cela se passe, étant donné que je n’ai aucune expérience et que je fais tout pour m’en faire ? Ils sont drôles les directeurs (rices) d’école ou de centres de loisirs/point jeune, fais du bénévolat pour te faire de l’expérience (voilà ce que l’on me sors à chaque fois). J’ai 27 ans, je n’ai jamais travaillé, j’ai juste fait des stages en secrétariat au lycée, en animation radio et participer à un « documentaire » sur la déscolarisation; que veux-tu que je fasse, en ayant rien ? Et le pire, c’est que nombreux des étudiants, comme toi, qui sont full au niveau des diplômes et de l’expérience, galèrent davantage que les personnes comme moi. Je te remercie beaucoup de ton témoignage, je ne suis plus la seule à toujours répéter que led entreprises nous font croire qu’ils nous rappelleront, qu’ils sont intéressés par notre profil, et qu’au final, ils en n’ont rien à faire et prennent d’autres personnes* (*sûrement pistonné). Nous vivons dans une société, ou que l’on soit qualifié ou non, nous ne pouvons pas rentrer dans le monde du travail, car ils ne nous laissent pas notre chance que nous puissions nous en sortir. Courage à toi Lola, j’espère que la jeunesse, que nous et tous les autres, auront la chance de s’en sortir et qu’on nous laisse l’opportunité de faire nos preuves en nous prenant !