Ma sœur a été mariée de force, ça l’a tuée
J’ai cinq sœurs. L’une d’elle s’appelle Nassra. Arrivées à l’âge adulte, ma mère a annoncé à mes sœurs qu’elles devaient au plus vite trouver un mari car, dans ma famille, une femme qui n’a pas de mari est une femme idiote (ne cherchez pas à comprendre).
Alors on a annoncé à ma sœur Nassra qu’elle allait être mariée de force avec un homme. Ma mère avait fait la connaissance d’une femme fortunée lors d’une fête qui se plaignait de ne pas trouver de femme pour son fils. Ma mère a directement sauté sur l’occasion pour toucher plus d’argent grâce à la richesse de cette femme et organiser le mariage forcé. Nassra n’était pas d’accord, elle a refusé ! Ma mère est devenue folle de rage et a décidé de jeter ma sœur à la porte ! Et elle a contacté tous les autres membres de la famille pour faire pression sur elle. Ma sœur a alors été hébergée par l’une de ses amies d’enfance.
Moi, je ne pouvais rien dire car j’étais enfant et, dans ma famille, les enfants n’ont pas leur mot à dire face à leurs aînés (ne cherchez pas à comprendre, vraiment).
Elle a dû renoncer à ses rêves pour mener une vie de femme mariée
Ma sœur a fini par craquer et accepter le mariage… Elle a dû renoncer à ses études, à ses rêves pour mener une vie de femme mariée qu’elle n’a pas voulue. Elle avait beau essayer de voir le côté positif, rien à faire…
Surtout qu’elle avait épousé un bon à rien sans l’aide d’une femme (un fils à maman si vous voulez). Il m’arrivait de rendre visite à ma sœur, on discutait de tout et de rien, elle me racontait tout ce que son époux ne savait pas faire ! Il ne savait pas comment utiliser un aspirateur, ni un fer à repasser, et encore moins une machine à laver ! En cuisine, il ne savait faire que du riz et encore il le cramait de temps à autre… Bref, il n’avait jamais appris à se débrouiller seul. Sa mère faisait tout.
Nassra a fini par tomber en dépression car elle avait renoncé à ses objectifs pour avoir une vie comme celle-ci. Elle a voulu faire passer le bonheur de ma mère et de son mari avant le sien. Pleine de regrets et de chagrin, elle a fini par se suicider… J’étais petit, je ne savais pas ce qu’était une dépression. Il est vrai que je la voyais triste, mais je ne pensais pas que ce serait aussi grave.
Le poids des traditions, Chaïma en sait quelque chose. Sa famille ne veut pas qu’elle tombe amoureuse de n’importe qui, et certainement pas d’un Noir. Pour Chaïma, chacun devrait avoir « le droit de choisir qui aimer, fréquenter, ce n’est pas aux autres de décider ».
Quant à ma mère, elle nous disait que c’était de notre faute, qu’on l’avait incitée à faire ça. Encore aujourd’hui, je me demande comment une mère peut dire ce genre de choses à ses propres enfants… Elle nous a tous portés fautifs de sa mort.
J’avais cinq sœurs. L’une d’elle s’appelait Nassra.
Nad, 20 ans, en formation, Marseille
Crédit photo Unsplash // CC maxime caron
C’est vraiment triste ton histoire
Très triste. Ça s’est passé où précisément et quand? J’aimerais juste comprendre le contexte car travaillant en RDC dans un peu programme adressant cette question de mariages precoces et forcés d’enfants