Sur le campus, je gère une épicerie solidaire
Début septembre, la mort dans l’âme, mais ne sachant pas quoi faire « de mon année », je suis allée chercher un dossier pour m’inscrire à la fac. En attendant dans les couloirs, je suis tombée sur l’annonce d’une association, l’Afev, cherchant un service civique pour coordonner l’épicerie sociale et solidaire de l’Université de Poitiers. Un petit tour sur internet et un entretien plus tard, mon contrat était signé, et la fac oubliée.
Un impact direct sur le quotidien des étudiants
Au tout début, j’ai appris qu’on allait coordonner l’épicerie en binôme. On avait un petit local, on ne commençait pas tout de suite, ça avait l’air plutôt cool. Dès la semaine suivante, j’ai un peu paniqué. Il y a avait beaucoup de choses administratives à gérer : les livraisons, les commandes, la caisse… Je me sentais dépassée, c’était beaucoup d’informations d’un coup. J’avais aussi l’impression de faire beaucoup de bureaucratie, de brasser de l’air pour pas grand-chose.
Puis, nous avons ouvert une première fois, puis, une deuxième, une troisième. Et là, j’ai compris que si, j’étais utile. Que justement, notre travail, à mon camarade et moi, avait un impact direct sur le quotidien de ces étudiants en difficulté sur le plan financier. Que si nous n’étions pas la, que si nous ne brassions pas tous ses papiers barbants, ils ne mangeraient pas à leur faim. Et ça, ça fait vibrer.
Nous avons très rapidement pris nos marques, à déambuler entre nos frigos et nos étagères. En prenant nos marques, nous avons également gagné en assurances et en autonomie, ce qui nous a permis d’avoir plein d’idées et d’astuces pour améliorer notre offre, notre installation, etc.
Un étudiant peut ne pas manger que des pâtes
Des personnes très différentes fréquentent cette épicerie : des boursiers, des non boursiers, des jeunes nouvellement arrivés en France, des étudiants déjà parents… Leur point commun : tous ont moins de 150 € par mois pour vivre (loyer déduit). Nous accueillons des jeunes en licence, des doctorants, des trentenaires ou quarantenaires reprenant leurs études… Certains font leurs courses le plus rapidement possible, en silence. Parfois, la communication est compliquée. La barrière de la langue nous force à trouver des solutions. Avec José, étudiant d’origine hispanique, nous devons écrire les chiffres et lui montrer les pièces pour lui expliquer le montant de ses courses. Il nous arrive d’avoir de vrais habitués, qui nous font la bise avec de grands sourires, même lorsqu’on les croise dans un recoin de la fac. Philippe, un étudiant en 3ème année de licence s’est même inscrit pour devenir bénévole à l’AFEV. Certains, dans un joli esprit de solidarité, nous apportent même parfois des produits dont eux ne se servent pas, pour d’autres bénéficiaires.
Au-delà leur procurer des denrées alimentaires, j’ai l’impression de créer du lien social. De rompre, certes modestement, l’isolement de ces quelques jeunes qui viennent nous voir. Et surtout, de les aider à échapper à cette réalité de l’étudiant qui ne mange que des pâtes, parce que sans personne ressource.
Ma part dans la chaine de la solidarité
Plus les ouvertures se multiplient, plus je me dis que j’ai bien fait de ne jamais m’inscrire à la fac pour vivre la formidable aventure service civique. Et je ne me suis jamais sentie aussi engagée, avec l’envie d’apporter, à force de petites actions, ma part dans la chaine de la solidarité.
Après oui, il y a les bacs de légumes, les cartons de nourriture à porter, le matériel à nettoyer… Travailler à l’épicerie, ce n’est pas uniquement faire des sourires en pesant des boites de conserve. Mais c’est une activité qui malgré tout me plait. Si un jour, j’ai l’opportunité de rentrer dans le vaste réseau des épiceries solidaires, je la saisirai. Pour l’instant, cette vie associative et ces projets tous plus utiles les uns que les autres me donnent envie de m’orienter vers l’animation sociale ou culturelle.
Mon service civique n’est pas terminé. L’épicerie a encore de nombreux jours d’ouverture devant elle, mais je suis déjà nostalgique. J’ai déjà tellement reçu humainement, psychologiquement parlant ! Une des plus belles expériences de ma vie.
Anaïs, 20 ans, volontaire en service civique, Poitiers
Crédit photo Anaïs