Cerise M. 27/02/2014

Vous avez dit « quartiers populaires » ? Je ne sais plus où j’habite !

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Aujourd'hui, j'habite dans une banlieue difficile de Grenoble. Quand on vient des riches pavillons ça change ! Mais j'aime cette vie de quartier, et j'aimerais faire plus pour changer les préjugés que les gens peuvent avoir à l'égard de ces quartiers dits populaires. Et aussi le quotidien des gens qui y vivent.

Je vis dans une banlieue dite « difficile », avec des tours, des barres, du trafic de drogue et des jeunes en scooters. Je viens d’une banlieue pavillonnaire, avec des lotissements, des squares, des échanges cordiaux entre voisins et des familles multi-motorisées. J’ai fait l’inverse de ce qui se fait d’habitude : moi, j’ai voulu me faire violence, j’ai voulu m’engager dans un quartier, j’ai voulu bousculer mes préjugés et connaître d’autres modes de vies.

Alors depuis un an, je vis là. Je ne me suis jamais faite agressée, même quand je rentre pompette à pied à 4 heures du matin. J’ai monté mon projet de logement avec mes copains, on a organisé ce beau temps fort en fin d’année et y’avait plein de monde. C’était une belle réussite. En tout cas, les partenaires étaient contents, les financeurs aussi, et nous, ça nous allait bien.

Entre nous, mais pas avec les 2000 habitants des tours

P**** mais non, c’est pas ça ce dont j’avais envie, c’était pas ça que je voulais quand je disais que je me ferai violence. Le trafic d’en face, on ne le voit pas. On vit bien, nous, dans notre joli immeuble. On s’entend bien tous entre nous. Mais les deux mille habitants dans les tours, comment vivent-elles ? Qu’est-ce qu’elles font au quotidien ? Est-ce qu’elles travaillent ? Est-ce qu’elles étudient ? Qu’est-ce qu’elles étudient ? Ces jeunes là, pourquoi ils traînent ?

Oui je sais : « Ils n’ont pas de boulot alors ils dealent ! » Comment je fais si je veux les connaître ? Et puis d’ailleurs, pourquoi je veux les connaître ? Après tout on pourrait pas rester chacun chez soi, et pas s’embêter avec ces questions ? Qu’est-ce que je cherche à me prouver en voulant « les » rencontrer ? De qui je parle quand je dis « eux » ? Est-ce que c’est normal d’en faire un tout alors que ce sont tous des individus ? C’est n’importe quoi en fait, cette expression horrible : « Les habitants des quartiers populaires ». Personne ne devrait être ramené uniquement à son lieu de résidence.

Où tu vis, où sont tes chances ?

Moi qui pensais que j’avais oublié tous mes préjugés, en fait, je suis formatée. Moi aussi j’ai fait ces amalgames, et moi aussi j’ai cru que les problèmes sociaux étaient liés aux problèmes urbains. J’y ai tellement cru que j’ai voulu résoudre tous les maux des cités en devenant urbaniste. D’ailleurs je veux toujours l’être. Parce que oui, je pense que la ville est un endroit magnifique, riche socialement, culturellement, urbanistiquement, environnementalement et tout ce qui finit par « -ment ».

Et même si je ne veux plus associer les personnes physiques et les milieux urbains, je crois profondément que le milieu dans lequel tu vis conditionne ta situation sociale. Alors c’est un peu l’histoire de la poule et de l’oeuf. Est-ce que c’est parce que tu vis ici que tu as moins de chances, ou est-ce que c’est parce que tu as moins de chances que tu vis ici ? J’en sais rien, et après tout je m’en fous.

Ce que je veux faire, c’est changer quelque chose dans ces quartiers, pour que leurs habitants puissent enfin être considérés comme des « habitants de telle ville », et pas comme des « habitants des quartiers ». Je veux que ces quartiers ne soient plus assimilés à des problématiques sociales. Et je vous vois venir : « On pourrait faire de la mixité sociale ! » Mais ça, c’est vide de sens à force d’être politisée au sens sale du terme.

Deux mille idées…

Les solutions, au lieu de les chercher ailleurs et notamment dans les strates du pouvoir, qu’il soit local ou national, je regarde par la fenêtre et je les vois. Les deux mille individus qui vivent en face de chez moi, c’est autant de magnifiques idées pour changer les choses. Ce sont deux mille idées pour réinventer le quartier, pour reconstruire un environnement agréable, pour s’approprier l’espace public. Ce sont deux mille idées pour changer la ville, et pour changer la vie.

 

Cerise, 22 ans, étudiante en urbanisme, Grenoble

Illustration Flickr CC Thomas Geiregger

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1 réaction

  1. belle réflexion

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