Étudier au lycée français de Tanger
Cette année, la ZEP fait sa rentrée au Maroc, et pas n’importe où : dans le plus vieux lycée français du pays, le lycée Regnault de Tanger.
Fatine a 18 ans, elle est marocaine et étudie au lycée français. Est-ce que c’est un avantage d’y être scolarisée ? « Sûrement pour mes études, mais pas forcément avec les Marocains. Je sens de plus en plus le décalage, en famille ou ailleurs. » Dès qu’elle sort du lycée, elle a l’impression de se balader avec une étiquette de « Marocaine francisée » collée sur le front.
« Ce décalage, il est plutôt avec mon pays. Même si je “vis français” au lycée, je me sens plus proche de Tanger et du Maroc », analyse Manon, 18 ans également, de nationalité française.
Yara, 17 ans, française aussi, ressent ce décalage. « Née ici, je n’ai rien connu d’autre mais je me sens vraiment à part. Un isolement qui vient de mon éducation à la française au milieu d’une ville marocaine. »
La question de la langue joue un vrai rôle dans cette quête d’identité. Les élèves du lycée français de Tanger sont tiraillé·es entre deux, voire trois langues différentes :
– l’arabe de tous les jours, qu’on parle à l’épicerie du coin ;
– l’arabe littéraire, qu’on peut apprendre en cours ;
– et le français qu’on entend partout, dans les couloirs du lycée et de la maison.
De quoi avoir l’impression de perdre son identité ou sa culture, comme le racontent Mamoun, Narjis et Baptiste.
« On a des cours d’arabe, mais je trouve qu’on nous apprend mal. L’arabe, c’est un peu une langue secondaire au lycée français », estime Narjis, Marocaine de 17 ans. « On nous prépare surtout à étudier en France, et c’est ce que je vais faire, pour mon futur professionnel. »
Mamoun, 18 ans, ne parle pas bien l’arabe : il a été à l’école française toute sa vie. Et toute sa famille aussi, avant lui.
Baptiste, lui, a beaucoup bougé à cause du travail de ses parents. Il est français, est arrivé à Tanger il y a quatre ans, et s’est retrouvé confronté à la barrière de la langue dans la vie de tous les jours. « J’ai demandé à être inscrit en cours d’arabe, mais c’était en troisième, et il n’y avait plus de cours pour débutants à ce niveau-là. »
Aujourd’hui, il fréquente plus d’étrangers que de Marocains. « J’ai du mal à sociabiliser avec des gens qui ne parlent pas français, sans parler la langue du pays. »
Narjis, Manon, Fatine, Yara, Mamoun et Baptiste, de 17 à 18 ans, élèves au lycée français de Tanger (Maroc)
Illustration © Léa Ciesco (@oscael_) // Musique Kiala Ogawa
Journalistes : Aïda Amara et Elliot Clarke