ZEP 22/09/2021

En permission, chaque minute compte

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Huit heures au chrono. Pour Bachir et Jean-Pierre, la permission ressemble à une course contre la montre pour renouer avec leurs proches.

« Le 3 septembre 2020, j’ai mis le premier pas dehors. La permission, c’était magnifique. J’avais peur, parce que ça faisait cinq ans que je ne connaissais pas la vitesse, le vent qui tapait fort sur mon visage… J’avais peur, mais je me sentais tellement libre. Comme si je flottais. Mais j’avais quand même la prison dans ma poche, parce que le papier c’était comme si c’était la prison. J’avais plein d’interdictions. »

« Une fois le premier pied dehors, c’est la course contre la montre parce qu’on a que huit ou neuf heures maximum. »

« Je suis arrivé, il était exactement 8 h 40. À la maison, il y avait toute ma famille. Les parents, les sœurs, les frères, les oncles, les tantes… tout le monde était là. Tout le monde a sacrifié une journée de travail pour moi. Ça m’a rappelé les dimanches en famille et ça m’a fait plaisir que tout le monde soit chez moi. Je n’ai jamais vu ma famille réunie et autant heureuse en même temps. »

« C’est un nouveau monde pour moi. J’arrive avec tout le modernisme qu’il y a. Je n’ai même pas vu le tramway, puisque je ne suis pas allé à Paris. Il a été fait quand j’étais en prison. J’aurais bien voulu faire le tour de Paris en tramway, mais je n’ai pas pu. Ça, je le ferai quand j’aurai dix jours. » 

« C’était la meilleure journée de ma vie parce que j’ai l’impression que ça les a un peu rendu heureux que je sois là. J’ai pris conscience que cette peine-là pèse plus pour la famille dehors que pour moi. » 

Voir ma famille me laisser devant la prison, ça voudrait dire que je suis un chien…

« Ils m’ont beaucoup soutenu et j’aimerais bien leur apporter ce que eux m’ont donné. Ils m’ont tous donné de leur temps, de leur énergie, de leur soutien. Il n’y a en a pas un qui n’a pas fait quelque chose pour moi. »

« Mes enfants m’ont raccompagné mais ils m’ont laissé au pont. J’ai allumé une cigarette, je les ai embrassés. J’avais le cœur gros, mais ça m’a fait moins mal que si je les avais laissés devant la porte. Voir ma famille me laisser devant la prison, ça voudrait dire que je suis un chien… c’est pour ça que je préfère revenir tout seul. »

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« Il faut baisser le pantalon, le slip… il faut tout baisser. C’est là qu’on comprend qu’on est de retour, qu’on a des obligations. Là on repense à ce qu’on a fait dans la journée, on remet tout en mémoire… et ça, ça fait mal. »

« Pour moi c’est un premier pas, ça veut dire qu’ils me font confiance comme ils m’ont laissé sortir. Ça veut dire que ça avance pour mon projet d’aménagement de peine, donc je n’ai pas eu de contrecoup. J’ai pensé à tout ce que j’avais fait, j’ai trouvé que c’était parfait. J’ai déjà un pied qui est dehors. »

 

Bachir et Jean-Pierre, 33 et 73 ans, en détention, Île-de-France

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya) // Musique Kiala Ogawa

Journalistes : Elliot Clarke et Nathalie Hof

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