Sixto C. 02/05/2022

À 17 ans, je vis dans les années 80

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Sixto s’est toujours senti en décalage avec les gens de son âge. Lui, il rêve d’une époque qu’il n’a jamais connu.

Je suis vieux ? Mais je n’ai que 17 ans ! J’aurais, en tout cas, aimé naître avant. Je me rappelle d’un soir, je devais avoir entre 7 et 10 ans, j’ai regardé La Boom. Film des années 80, qui raconte l’histoire d’une Parisienne de 15 ans, ses amours et ses emmerdes. Je crois que ce soir-là, quand j’ai vu les décors, les vêtements, les soirées, les filles, les motos, la façon de parler, c’est la première fois où je me suis dit que je n’aimais peut-être pas les mêmes choses que les enfants de mon âge.

Le déclic Bebel

Mon héros, celui qui m’a donné envie de faire du cinéma, c’est Belmondo, Bebel. Là aussi, un des premiers films marquants que j’ai vu, voire qui a changé ma vie c’est L’homme de Rio. Je me revois à 5 ans dans l’avion, mon père, ordi à la main, me disant : « Tiens j’ai un film pour toi, regarde .» Et là… Bebel, ses cascades, son sourire, ses courses, sa façon de jouer, ses habits, Rio, le voyage, l’aventure. Tout m’impressionnait. Je voulais être comme lui.

C’est en écrivant ce texte que je me rends compte d’une chose, ce n’est pas La Boom ou Belmondo qui m’ont « changé », j’ai juste toujours été comme ça. Attention, je ne suis pas complètement différent des « autres », j’aime aussi les mêmes choses qu’eux. C’est dans le fond, parfois, que je suis différent.

Homme des années 80

J’aime les années 70 et 80, pour leur style, leur musique, leur cinéma, leurs arts… Et pour plein d’autres choses. J’aurais aimé aller en boîte, mon 501 bleu clair, veste en cuir noir, chemise ou polo. Danser, mixer du Soul Makossa, du Last Night A DJ Saved My Life, ou encore du Dancer… Rentrer vers 5 heures sur ma XT500 avec une fille, mettre un vinyle de Weldon Irvin, des Pink Floyd ou de Sixto Rodriguez, et faire l’amour.

J’aurais aimé le lendemain aller dans un autre pays, faire de la musique ou travailler sur un film, pensant à cette fille, ne sachant si j’allais la revoir. Essayer de l’appeler ou de lui envoyer un fax. Puis, revenir sur Paris et lui envoyer une cassette de Cymande et Funkadelic.

Bref, cliché, mais c’est ce que j’aurais aimé. Être libre putain, mais libre dans les années 80. Ce sont mes années de référence. J’aurais été le précurseur de l’électro, de la house, j’aurais samplé les meilleurs sons de funk. Putain qu’est-ce que c’est bon la funk. Les Daft m’auraient samplé ou adoré. Mes films auraient été des références.

Mais en fait non. J’ai 17 ans et on est en 2021. Qu’est-ce que j’ai raté…

Je m’habille, enfin j’essaie, dans le style 70-80. Par exemple, je n’ai pas de smartphone, j’ai un vieux téléphone à clapet. Le truc où tu dois appuyer cent fois sur une touche pour avoir un V. Mais ça me va. J’écoute ma musique sur un iPod. Je télécharge mes sons sur mon ordi et je les transfère sur l’iPod, rien de très compliqué. C’est parfois relou, mais ça me va. Ça me va parce que je m’en fous.

Les soirées des darons

En soirée généralement, je suis le gars qui a les réfs musique, ciné, celui qui vous balance les « sons de vos darons ». Généralement, les gens adorent, mais parfois ça ne passe pas. Je ne veux pas être prétentieux, surtout pas. C’est l’image que les gens me donnent, et c’est ce que je suis, sûrement.

Je pourrais, quitte à sacrifier une soirée, aller à un dîner de « darons » et parler, parler. J’aime parler politique, société, et discuter jusqu’à tard de ça. Petit, je restais à tous les dîners de mes parents à écouter dans mon coin, à admirer. Je me rappelle, chez moi, avec leurs potes. On parlait années 80, leur enfance. Alors, je posais des questions dont j’avais la réponse, juste pour voir dans leurs yeux le bonheur de parler de leur génération, de leurs années. Et je m’imaginais, moi, dans les rues de Paris, style de l’époque : le moi que je décris depuis le début.

Bref, je reviens à mon histoire.

Ils cherchaient le nom d’un chanteur connu qu’ils adoraient.
 Murray Head
 Ouais putain c’est ça, comment tu connais, tu m’épates.
C’était simple, je connaissais le nom de celui qui chantait Never Even Thought, simple, sans prétention.

Des trucs de vieux

« Le L. » Voilà comment un pote m’appelle. J’en rigole bien sûr. L pour la filière littéraire au lycée. C’est censé me décrire. J’aime surtout me balader. Prendre mon livre, aller sur la coulée verte, me poser sur un banc et lire mon livre. De même quand je suis en vacances. Je passe des heures à me balader. Un truc de vieux, sérieux ?

Au lycée, Fanny ne trouve plus sa place, au milieu des ados de son âge. Comment assumer de ne pas se fondre dans la « masse » ?

Capture d'écran de la miniature de l'article "À 15 ans, je suis en total décalage avec ma génération !" Au premier plan, l'image d'un selfie d'une jeune fille sur son téléphone. Derrière, la jeune fille qui se photographie.

Je vais tout le temps au ciné seul. Surtout parce que personne veut m’accompagner, mais ça me va. Je fais ça depuis mes 11, 12 ans. Je partage mes émotions avec moi-même, mais là aussi, ça me va. Ça a sûrement des répercussions sur moi : d’être souvent seul. Mais ça, c’est une autre histoire.

J’écoute parfois la radio. Surtout l’émission de Édouard Baer, Lumière dans la nuit. Elle n’existe plus depuis quelques années mais qu’est-ce qu’elle était bien. Grâce à mon père et à mon frère, abonnés au Monde, à Libération, à L’équipe et à So Foot, je lis de plus en plus les journaux. Soit en papier, sinon le plus souvent sur mon ordi. J’aime le théâtre, j’en ai fait pendant cinq; six ans. Puis, j’adore la poésie et la peinture aussi. J’essaie de faire pas mal d’expos mais je ne suis pas content de moi, je devrais en voir plus. J’adore Matisse, Korovine, Cézanne ou encore Monet. Voilà pourquoi je suis un « L ».

Sur le plan social, ça va très bien. Même si la plupart des soirées me font chier, ça ne me gâche pas la vie.

Putain, je suis vraiment vieux ?

Sixto, 17 ans, lycéen, Paris

Crédit photo Pexels // CC Tima Miroshnichenko

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