Sasha R. 18/11/2021

Mes amis qui militent… et ceux qui s’en foutent

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Nouveau lycée, nouveaux amis, mais moins d'engagement. Sasha les adore mais aimerait qu'ils partagent son attachement à la défense des droits LGBTQI+.

J’ai deux groupes d’amis, deux mondes diamétralement opposés. Les premiers, je les connais depuis toujours. Ils viennent du 3e arrondissement de Paris, donc plutôt aisés. Gabriel est le plus grand cinéphile que je connaisse, fan de friperies et de musique électro. Solal adore les animés, aime le rangement et la propreté autant que moi. Ana a un cœur plus grand qu’elle, ne range jamais sa chambre, joue du piano et chante sous la douche en cachette. Leur particularité ? Leur engagement. Dans toutes les causes, pour tous les droits… C’est en partie ce qui nous a rapprochés.

J’ai du mal à me taire, j’ai mes opinions, et les débats sur certains sujets me semblent indispensables. La discussion qui ressort en ce moment est la question de l’orientation sexuelle. Mon groupe d’amis est composé de cinq garçons et deux filles. Quatre sur les sept sont bisexuels. J’admire énormément qu’ils l’assument avec fierté, malgré tous les préjugés qui pèsent sur nos épaules. Les trois autres sont hétérosexuels mais on est là, tous ensemble. On fait face comme un bloc aux remarques et aux attitudes déplacées.

Cette confiance absolue et ce soutien indéfectible des uns pour les autres nous lie, en plus du reste. Plusieurs fois, nous sommes allés manifester, avec #NousToutes, pour le climat, la Gay Pride… Parfois, sans savoir que nous participions aux mêmes rassemblements. C’est cet engagement qui parfois dénote avec les autres jeunes de notre âge. Ce fossé peut être dur à occulter lorsque je passe d’un groupe à l’autre.

Qu’est-ce qui les pousse à être plus politisés ?

Jusqu’à cette année, ma bande d’amis, c’était eux ! Mais, depuis, ça a changé du tout au tout. Ils ont changé de quartier, et sont maintenant dans le 20e arrondissement. À l’exception d’Ana qui, par chance, est dans le même lycée que moi. On se retrouve après les cours, pour manger, ou en soirée. Nouveau lycée, nouveaux amis… Et la transition entre ces deux univers est parfois compliquée.

Certains midis, les différences de conversation peuvent être perturbantes. Mon nouveau lycée est dans le 4e arrondissement, un quartier chic, nous sommes tous plutôt privilégiés. Une grande majorité réussit scolairement. Certains d’entre nous paraissent parfois plus jeunes que leur âge et il n’y a pas beaucoup de diversité. Ce nouveau groupe n’a pas vraiment de nombre défini et varie au gré des rencontres et des « options » choisies. Cette bande est néanmoins majoritairement féminine. Je ne peux pas dire que la différence de milieu social soit énorme, mais elle est quand même présente. Est-ce que l’engagement dépend réellement de ça ? Mes autres amis sont aussi plutôt aisés, alors qu’est-ce qui les pousse à être plus politisés ?

Des conversations moins « profondes »

Nous nous voyons tous les jours, échangeons principalement sur le quotidien, les devoirs, la famille… Cela ne fait pas longtemps que je les connais, mais je les apprécie beaucoup. Je ne compte plus le nombre de fous rires, ils sont vraiment très chouettes. Nous nous amusons beaucoup, même si nous n’abordons jamais vraiment de sujets de conversations un peu plus « profonds ».

C’est en étudiant à Paris qu’Elsa a découvert le militantisme, l’engagement politique, la camaraderie. Un passage à l’acte essentiel qui lui permet d’assumer et défendre ses idées. Illustration de l'article d'Elsa qui a appris à militer à la fac.

Nous ne partageons pas forcément les mêmes valeurs. Ils ne se moquent pas de mes engagements ou de ce que je peux dire, simplement j’ai ce sentiment qu’ils ne me prennent pas au sérieux ou juste qu’ils ne se rendent pas compte.

Cataloguée comme « l’engagée de service »

Je pense toujours à l’orientation sexuelle, aux « blagues » ou à cette attitude dédaigneuse souvent caractéristique de notre âge. Il semble normal pour certains d’entre eux de dire « PD » à l’un ou l’autre, comme si le fait d’être homosexuel était une insulte. Voire de déterminer une orientation sexuelle selon le style, la façon de parler, la manière de se tenir. Un déjeuner m’avait particulièrement choquée et je m’étais écriée sur le nombre d’horreurs qu’ils avaient sorties à la minute. J’ai alors été cataloguée comme « l’engagée de service ». En fait, je n’ai plus été invitée.

Suite à cet événement, je n’ai rien dit pendant un temps. Un peu plus tard, il y avait une manifestation LGBT, à laquelle nous voulions participer avec mes anciens amis, malgré le Covid. Essayant de réunir le plus de personnes possible, j’ai demandé si les nouveaux voulaient se joindre à nous. Les « flemme », « autre chose à faire tu comprends », « je vois d’autres personnes » m’ont beaucoup surprise. J’ai abandonné, puis je m’en suis voulue. Tout ça juste par peur d’éventuelles disputes ? Je ne pense pas que les personnes de mon lycée soient fermées à la conversation. En discutant, elles pourraient peut-être aussi mieux me comprendre. Moi, j’aimerais simplement connaître leur réelle opinion sur le sujet. Opinion qu’ils, je pense, ont tendance à cacher, peut-être pour les mêmes raisons que moi.

Une chose est sûre, j’ai hâte de pouvoir descendre dans la rue pour manifester à nouveau et je ne veux plus laisser mes convictions de côté pour pouvoir appartenir à un groupe !

Sasha, 16 ans, lycéenne, Paris

Crédit photo Unsplash // CC Norbu Gyachung

 

La jeunesse réinvente la politique

Les jeunes ne sont pas apolitiques
La jeunesse souffre d’un préjugé : elle se serait désintéressée de la politique par manque de confiance. La sociologue Anne Muxel observe l’inverse : c’est justement cette méfiance qui fait que la jeunesse se politise, qu’elle cherche des nouveaux modes de représentation et d’engagement.

Les jeunes ne se tournent plus vers les partis
Il y a quelques décennies, les jeunes se politisaient majoritairement à travers les partis. Aujourd’hui, ils ne sont que 12 %. Beaucoup préfèrent s’engager à travers des manifestations, des associations ou des pétitions.

Les manifs sont la 1ère source de politisation
La moitié des 18 – 30 ans a déjà participé à une manifestation. Ils et elles citent ces événements comme leur principal moyen d’expression politique. Et pour cause : cette génération n’a connu que des crises. Elle a grandi au rythme des manifestations, contre le CPE (contrat première embauche), contre le FN (ex Rassemblement National), contre la guerre en Irak…

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