Félicie N. 31/12/2022

Ils m’appelaient « la géante »

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Au collège, Félicie faisait 1m75 et on se moquait d'elle. Depuis, elle a pris sept centimètres... et confiance en elle.

J’étais « la géante » de ma classe. Ça me blessait et me faisait culpabiliser sur ma taille. En cinquième, les personnes de mon âge étaient toujours plus petites que moi. Une fille nouvelle, qui était mon amie et que j’avais intégrée à la classe pour pas qu’elle soit seule, s’est mise à me lancer des critiques avec ses nouveaux amis.

Ils me traitaient de « poteau », « grande perche », « girafe », « asperge », car j’étais trop grande et trop fine. Ils me disaient : « Mange plus, au lieu d’être un squelette. » Ce qui me complexait beaucoup car je mangeais beaucoup et mon corps ne prenait que peu de poids.

Les complexés me harcelaient

J’avais la boule au ventre à chaque fois que j’étais en cours ou que j’attendais que le prof arrive dans les couloirs. Je me demandais ce que j’avais fait pour qu’on me critique. Lorsque je répondais par « qu’est-ce qu’il y a, vous êtes jaloux ? », ils ne savaient pas quoi répondre. Les critiques continuaient, même lorsque je les ignorais.

Grâce à mes meilleures amies qui m’ont soutenue, j’ai porté plainte chez le CPE en janvier de l’année-là. Elles disaient que ça devait s’arrêter et qu’ils devaient prendre conscience de leurs mots, arrêter ces critiques pour se sentir forts et importants.

Le CPE m’a convoquée seule pour que je lui explique ce qu’il se passait et, après avoir convoqué les trois élèves, il m’a expliqué leurs situations. J’ai appris que le garçon de ma classe était complexé par sa petite taille et son poids, et qu’il rejetait sa colère contre moi pour se sentir mieux. Que mon ancienne amie voulait être acceptée par son groupe d’amis. Il m’a aussi dit qu’ils ne se rendaient pas compte de comment je pouvais me sentir.

Ils ont arrêté de me lancer des critiques ou des piques, mais ils n’ont eu aucune sanction et se sont juste fait réprimander sur leurs comportements. J’ai été déçue, mais, d’un autre côté, je me suis sentie soulagée qu’ils aient changé leur comportement et évolué pour que personne d’autre ne se retrouve dans cette situation. J’ai pu bien finir mon année, même si je n’allais plus trop vers les élèves de ma classe.

Apprendre à prendre soin de soi

J’ai appris à ne plus faire attention aux critiques, en me centrant sur comment je me sens dans mon corps, comment en être fière et ne plus me comparer aux autres. Je vais passer ma vie dans ce corps, je veux en prendre soin, l’aimer et surmonter les différentes épreuves de la vie. Pour grandir avec ce que j’ai vécu, sans que ça ne soit un poids qui me bloque dans ce que je veux faire ou être.

J’ai pu m’en détacher et être plus positive en passant plus de temps seule à réfléchir sur le passé, en m’inspirant de mes amies, et en suivant des comptes sur les réseaux sociaux qui sont dans l’acceptation, la prise en confiance et le body positive. Je fais des compliments à mon corps, j’accepte ceux qu’on me fait, et je me félicite de chaque chose que j’ai accomplie pour renforcer l’estime que j’ai envers moi-même. Je note les choses positives que j’ai faites dans un petit journal que je garde bien caché.

La fierté d’être grande

Je m’efforce de devenir ma propre amie, en me chouchoutant, en passant des moments où je prends soin de mon corps ; en faisant des soins, des masques, ainsi que de la détente après une journée de cours. Je savoure des pâtisseries, fais des sorties avec mes meilleures amies et regarde un film, un anime ou une série qui me plaît. Je me lance des petits défis sportifs : sortir faire de la marche, de la course une heure le week-end ou faire 30 minutes de sport après les cours et les devoirs.

Depuis onze ans,je fais aussi de l’équitation. J’aime la relation de confiance mutuelle entre le cavalier et le cheval, le fait qu’il ressente nos émotions et les comprenne.

Raphaël a dépassé ses complexes en jouant avec les vêtements de sa sœur et un peu de maquillage. Depuis, il « brille ».

Capture d'écran de l'article "Me saper pour mieux m'accepter", publié le 18 mai 2022 sur la ZEP. Un visage de garçon souriant dans un rond violet foncé tenu par deux mains violet clair. Derrière se trouve un jaune moutarde. A côté se trouve un garçon de dos qui se fait maquiller par une fille aux cheveux longs.

Ça m’a pris quelques années à appliquer tout ce que j’avais mis en place. Ce processus est un travail que je fais chaque jour. Mais, aujourd’hui, j’entretiens une relation de confiance et saine avec mon corps. Je n’ai pas, ou peu, de pensées négatives sur lui. J’accepte ma taille (aujourd’hui, je fais 1m82), et le fait que je peux porter des talons. J’ose plus parler aux autres, je m’affirme plus.

J’ai fait face à des remarques comme « Tu es très grande pour une fille » d’une personne dans la rue et « Elle est géante la madame » d’un petit. Ça ne m’atteint plus, ce sont juste des faits. Qu’ils en apprennent plus sur ce qui est pratique en étant grande : pouvoir attraper des objets en hauteur, pouvoir regarder où l’on va lorsqu’il y a beaucoup de monde, ou retrouver des personnes. Être grande, c’est devenu une fierté.

Félicie, 17 ans, lycéenne, Yvelines

Crédit photo Pexels // CC Erika Fletcher

 

 

Moqueries sur la taille = réflexe patriarcal et hétéronormatif

Être grand, c’est être protecteur, fort et dominant… Bref, c’est un truc de garçon.

Quand le rapport s’inverse, les filles qui dépassent la moyenne de taille sont moquées parce qu’elles ne rentrent plus dans le moule patriarcal.

Résultat : 20 % des mecs déclarent ne pas vouloir sortir avec une fille plus grande qu’eux. Considérer une fille comme « trop grande », c’est ne la voir que comme un sujet qui doit plaire aux hommes.

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