Éléana L. 17/06/2024

Borderline à 17 ans

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TPB. Trois lettres pour « trouble de la personnalité borderline ». Éléana a découvert qu’elle était atteinte de ce trouble lorsqu’elle a été admise à l’hôpital. Un épisode synonyme à la fois de mauvais souvenir et de soulagement.

Je suis seule sans force avec une seule envie. Celle d’être assez défoncée pour ne pas penser à la vie que j’ai. Autour de moi, mon monde s’effondre. Mon premier réflexe est de m’asseoir et de vider une première plaquette de médicaments. Puis une deuxième, une troisième et une quatrième. En me relevant, difficilement, je me dirige vers ma chambre pour récupérer une bouteille d’eau et avaler tout ce que j’ai dans la bouche. Puis je m’allonge. En attendant la fin du monde.

Dans ce grand lit, seule, je me sens mal et isolée. Malgré les plaquettes de médocs que je me suis enfilées. Il me faut moins de tristesse. Plus de dopamine, plus de joie, plus d’envie. Il me les faut maintenant. Alors je me lève et j’attrape la MDMA, de l’ecstasy. Il m’en reste un peu dans la poche, assez pour me faire une trace. Une seule. Mais, c’est celle de trop.

À l’hôpital après un black-out

Le trou noir. Les souvenirs sont troubles. Quand je me réveille, je me débats. Je m’entends hurler : « Je ne veux pas aller là-bas, je ne suis pas folle. » Je deviens violente. Plusieurs personnes sont autour de moi. Ils me prennent de force et m’attachent à ce qui ressemble à un lit à barreau. Je suis encore seule.

Je suis faible. Je lutte contre le sommeil pour maintenir mes yeux ouverts. Je comprends que je suis à l’hôpital. À l’hôpital psychiatrique pour adultes, dans une chambre vide, assez grande, toute blanche, une salle de bains en face de moi. Je n’ai plus trop de souvenirs. Avec le temps, certains reviennent en flash : je me vois à la maison, dans l’ambulance, je vois les attaches, les bleus.

À ce moment-là, le temps est un concept. Je ne maîtrise plus rien. Je me réveille. Je suis seule, encore seule, mais au moins je ne suis plus attachée. Je me lève pour voir où je suis. Je me dirige vers la salle de bains et me regarde dans le miroir. Je vois un cadavre… Je suis blanche, maigre, avec un énorme bleu sur le bras. Est-ce que je suis folle ?

Le diagnostic tombe

Les jours suivants, la peur ne me lâche pas. Les gens me font peur. Parfois, je peux sortir prendre l’air. Je me grille une clope, une deuxième, une troisième. Je ne reste pas tranquille bien longtemps. Un autre patient, puis une autre et encore un autre me grattent une clope. J’apprends à les esquiver. Dehors, je les évite. Quand je suis dans ma chambre, je m’enferme. Ce qui est drôle dans cet hôpital, c’est que c’est un carré. Chaque « sortie » amène à une entrée, car chacune d’entre elles est en direction de la cour extérieure centrale.

Je finis par voir mon psychiatre. Je le connais. Je l’ai déjà vu une fois dans un autre hôpital. Je me sens en confiance. Avec lui, je me lâche : « Qu’est-ce que j’ai ? J’en ai marre d’être folle. » Il me répond : « Je peux enfin vous donner votre diagnostic : vous êtes borderline. » J’entends ce mot et je sens d’un coup, d’un seul, mon cœur s’apaiser. Je ne suis pas folle.

À ce soulagement s’ajoute une impatience : celle de sortir au plus vite. Je veux sortir, je veux sortir, je veux juste sortir. Après une semaine, je déambule dans l’hôpital. Ces murs blancs sont les mêmes qu’hier. Cet homme assis à terre est toujours là. Je prends toujours mes traitements pour mieux vivre le fait d’être ici. Je n’en peux plus. J’ai conscience de ce que j’ai et j’apprends à me contrôler, alors pourquoi suis-je encore ici ? On m’autorise enfin à sortir au bout de quelques jours. Aujourd’hui, grâce à ces mots, à ce diagnostic, je gère davantage mes crises et je comprends enfin mieux qui je suis. Ça change tout.

Éléana, 17 ans, volontaire en service civique, Lille

Crédit photo Pexels // CC cottonbro studio

 

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