Heiji C. 17/09/2024

Cacher sa féminité pour jouer en ligne

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Pour éviter les agressions sexistes sur les jeux vidéo en ligne, Heiji a mis au point deux stratégies : couper son micro ou changer de jeu.

« Tu devrais être à la cuisine ! » ; « Ça sert à rien de jouer. On a déjà perdu avec elle ! » Voilà le genre de phrases que j’entends quand je mets mon casque pour jouer à Valorant ou Rocket League. J’ai commencé les jeux vidéo quand j’avais 11 ans sur Xbox. C’est quand je me suis mise sur PC que les insultes ont commencé.

Depuis cette époque, je ne cesse d’entendre des insultes ou des bruits d’animaux quand je vais en tchat vocal de jeu. Certains hommes me rabaissent. Car oui, la plupart du temps, ce sont des hommes. Beaucoup partent du principe que leur expérience de jeu est gâchée, rien que par mon genre. Ça ne m’est jamais arrivé de me prendre des insultes sexistes d’une femme…

Quitter le vocal

Un jour, je lance une partie de Overwatch 2, qui est un jeu en cinq contre cinq. Naïvement et instinctivement, je fais l’erreur de parler dans le tchat vocal de groupe. Et là, tout s’effondre. Je suis couverte d’insultes par trois joueurs. Après quelques minutes, je décide de quitter le vocal. Les insultes continuent dans le tchat écrit. Malgré la violence des propos, celles-ci sont plus faciles à éviter.

Certains jeux sont dits « acceptables » pour les femmes. Par exemple, on peut jouer à Pokémon, Animal Crossing ou même Mario Party sans aucune représaille. Certains modérateurs sont assez bienveillants pour comprendre l’impact de ces situations et donc agir en conséquence.

En revanche, certaines communautés sont plus violentes. Selon mon vécu, Valorant et Rocket League ont les plus sexistes. J’adore ces jeux mais j’évite d’y parler en vocal. Parfois, je coupe carrément mon micro.

Quand j’avais 11-12 ans, c’était pire. Je recevais encore plus d’insultes dues à ma voix aiguë. Les hommes se permettaient encore plus de me rabaisser. Certains m’insultaient par rapport à mon genre. La violence des propos tenus a diminué grâce à ma voix qui est devenue plus grave. Malheureusement, au fil du temps, j’ai commencé à m’habituer aux insultes. Je ne prends même plus la peine de répondre.

« J’étais master du game »

Je pense que certains joueurs ont peur de perdre leur « supériorité ». Il y en a beaucoup qui pensent que les jeux vidéo doivent rester un « truc d’hommes ». Une fois, on était en game sur Valorant et, au milieu de la partie, il y a un gars qui me dit que je jouais bien. J’étais master du game. En gros, c’est moi qui avais tué le plus de personnages. Pendant toute la partie, il m’a dit : « Ouah, t’es trop fort ! » Je n’avais pas parlé jusque là et, quand tu vois mon pseudo, Alien, tu ne peux pas savoir que je suis une femme.

En fin de partie, je leur dis : « Bien joué ! » D’un coup, il change complètement de ton. Il me dit que ce n’était que de la chance, que j’arrivais toujours au moment où les personnages étaient low HP, c’est-à-dire qu’ils n’avaient presque plus de vie.

Sur les réseaux sociaux, les femmes qui jouent aux jeux vidéo sont souvent rabaissées et humiliées à la moindre parole. Souvent, elles ne prennent même pas la parole sur ces polémiques par peur que les choses empirent. Heureusement, les mentalités évoluent petit à petit. Ces dernières années, j’ai de moins en moins d’insultes sur les jeux. Sur les trois derniers mois, j’ai dû me faire une vingtaine de nouveaux potes. Avant, ce n’était pas possible.

Heiji, 17 ans, volontaire en service civique, Évry-Courcouronnes

Crédit photo Pexels // CC RDNE Stock project

 

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