Lucette N. 01/04/2022

Le cancer de ma mère, on l’a vécu à deux

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Quand le diagnostic est tombé, la vie de Lucette a basculé. Avec le recul, le cancer de sa mère a transformé sa vie d'ado, mais l’a surtout fait grandir plus vite.

À 12 ans, j’ai appris que ma mère avait le cancer du sein. J’ai vite compris que cet obstacle allait radicalement changer ma vie. Je suis passée de la parfaite famille avec une belle maison et un grand jardin à des parents séparés, que je voyais une semaine sur deux. J’ai dû rapidement devenir autonome. J’ai voulu aider et servir à quelque chose. Accompagner ma mère dans cette épreuve, à mon échelle. Être là quand elle rentrait des chimiothérapies, l’aider dans les tâches ménagères. Mais aussi rire de cette foutue maladie.

Dédiaboliser ce cancer

Il était nécessaire pour ma maman de dédiaboliser ce cancer. Il y a eu beaucoup de moments où nous avons ri. Un jour, nous allions rejoindre des amis en Espagne. Ma mère, ayant des traitements lourds, était chauve. Un enfant, surpris de la voir sans cheveux, l’a surnommée « señora calva », ce qui signifie « dame chauve ». Nous l’avons donc appelée comme ça tout au long du séjour.

Je ne pouvais pas accompagner ma mère à l’hôpital : c’était impossible et elle ne voulait pas non plus que je sois avec elle dans cet endroit. Malgré tout, je la voyais de plus en plus : on partait plus souvent en vacances, on faisait plus d’activités mère–fille, de concerts, de shopping… On profitait de chaque moment comme si c’était le dernier. D’une certaine façon, le cancer nous a rapprochées, ma mère et moi.

Je ne pensais plus ni au cancer, ni aux cours

Cette maladie a eu un impact sur mes notes. Quand cette épreuve est arrivée dans ma vie, j’étais en cinquième. Je ne m’investissais plus dans ma scolarité, je n’avais plus envie d’avancer. Ça m’a beaucoup perturbée : on se dit toujours que ça ne peut qu’arriver aux autres.

Puis, je me suis reprise en main. Un cancer fatiguait déjà ma mère, je n’allais pas lui ajouter le stress de mes mauvaises notes. Alors, j’ai rapidement rattrapé le travail que je n’avais pas réalisé et, au second trimestre de cinquième, j’ai réussi à avoir les félicitations.

Quand j’allais à mes activités extra-scolaires, le tennis, la danse, je lâchais prise. Je ne pensais plus, ni au cancer ni aux cours. Je faisais le vide, je me défoulais.

J’ai appris à travailler seule, à gérer mes sentiments

Mes amitiés ont, elles aussi, été influencées. Ça m’a permis de faire le tri dans mes « amis ». Les vrais m’ont soutenue et sont toujours restés à mes côtés. Ils m’écoutaient quand j’avais besoin de parler, on sortait pendant des après-midis quand ma mère était à l’hôpital… Ça me permettait de décompresser.

Ma mère a rechuté, peu après. Elle a dû se faire retirer le sein malade. Elle a ensuite pu bénéficier d’une reconstruction mammaire et, aujourd’hui, elle est guérie, plus de cancer ! J’aimerais juste rappeler l’importance des dépistages : plus le cancer est détecté tôt et plus les chances de guérison sont importantes. Pour vous rassurer, ma maman a fait plusieurs mammographies et m’a assuré que ce n’était pas douloureux.

Emma a vécu le cancer de son père avec une colère qu’elle cherchait à cacher. Quand elle a compris d’où sa colère venait, elle a pu guérir en même temps que son père.

Profil gauche d'une jeune fille qui jette un regard énervé et tendu vers la gauche. En fond, on aperçoit l'image floutée d'un homme qui porte un bonnet gris.

Le cancer de ma mère ne m’a pas apporté que des mauvaises choses. Je suis devenue plus autonome et je me suis endurcie : j’ai appris à travailler seule, à gérer mes sentiments et à ne pas faire confiance aux gens trop rapidement. Ça m’a permis de réaliser l’importance de profiter de son entourage tant qu’il est encore temps, de vivre comme on veut sans perdre notre temps sur des petits détails, et de se moquer du regard des autres. Le cancer de ma mère m’a fait grandir.

Lucette, 16 ans, lycéenne, Île-de-France

Crédit photo  Pexels // CC Cottonbro

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