Léa S. 27/02/2021

1/2 Même en SVT, les règles sont taboues

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Avoir ses règles, c'est être exposée aux moqueries, et au manque d'information. Léa en a fait les frais au collège.

Un jogging gris. La pire idée de ma vie ! J’avais sport, je ne me rappelle plus ce qu’on faisait, mais ce dont je me souviens très bien, c’est de la tenue que je portais : un foutu jogging gris. On était toutes au vestiaire et, quand on est sorties, les garçons étaient déjà dans le gymnase de Pantin, assis, en ligne. On a dû passer devant eux. Ils ont tous vu la tâche que j’avais aux fesses. C’était le quatrième jour de mes règles. D’habitude, le quatrième jour, c’est la fin, donc je n’avais pas mis de protection.

Je n’avais rien remarqué. On courrait pour s’échauffer et certains garçons rigolaient mais je ne comprenais pas pourquoi. J’ai su quand un garçon m’a demandé si je m’étais fait caca dessus. J’ai toute suite voulu mettre le petit gilet noir que j’avais pris ce matin-là, mais je l’avais prêté à une copine et, comme j’étais trop timide et trop gentille, je n’osais plus lui redemander.

La fin du cours est arrivée, nous sommes rentrés au collège pour la récréation. Là, des garçons de classes supérieures sont venus me voir pour savoir si c’était vrai, si je m’étais vraiment fait caca dessus. Ils se moquaient de moi. J’ai pleuré, j’avais honte de me faire remarquer. D’habitude, je me fais toute petite.

La première fois, j’avais mis plusieurs slips

Le CPE est venu me demander ce qu’il se passait. Je lui ai d’abord menti car j’avais honte. Je ne voulais pas lui dire de peur que, lui aussi, se moque. Ça m’embêtait aussi que ce soit un homme, j’avais peur qu’il ne comprenne pas. Finalement, il m’a forcée à lui raconter. Heureusement, il ne s’est pas moqué. Il a convoqué les garçons et leur a dit que ce n’était pas bien ce qu’ils m’avaient fait. Il ne s’est pas étalé sur le sujet. Je suis rentrée chez moi désespérée, je culpabilisais d’avoir mes règles.

« Cachez ce sang ! » est un épisode de Libres !, la série Arte d’Ovidie et Sophie-Marie Larrouy. Adaptée d’une BD, chaque épisode déconstruit une injonction, un cliché ou un tabou concernant les femmes, leur corps ou leur sexualité. Le tout avec humour et légèreté.

J’avais 11 ans quand j’ai eu mes règles pour la première fois, en CM2. Je n’avais aucune idée de comment ça se passait, de ce que je devais faire. La première fois, j’avais mis plusieurs slips, croyant que c’était une protection, mais quand je suis revenue de l’école ma mère l’a découvert. Elle m’a lavée puis m’a montré comment on mettait une serviette. J’avais essayé plusieurs fois avant d’avoir mes règles, mais je les mettais à l’envers, le collant au-dessus. Elle m’a expliqué que ça allait m’arriver tous les mois, que quand ça arriverait, je devrais me laver régulièrement, genre matin et soir.

À un moment en CM1, on a eu une après-midi consacrée à ces sujets, seulement les filles. Des dames du planning familial avaient ramené des tampons et des serviettes pendant que les garçons étaient sûrement en train de parler de spermatozoïdes. C’est au collège que le sujet est vraiment devenu tabou. C’est normal en même temps, on n’a aucun cours sur ça. Même en SVT, on n’en parle pas ! Seulement de la reproduction et des chromosomes.

Je n’en ai plus honte

À partir de la quatrième, j’ai eu mal au ventre et au dos chaque mois. Mes copines, elles, ont commencé à toutes les avoir. Entre nous, on a commencé à en parler. Maintenant, on se le dit quand on est indisposées. On se demande si on a des tâches sur les fesses quand on a nos règles. Mais on le fait en messes basses, on ne veut que les garçons le sachent.

Du coup, la dernière fois qu’un garçon de ma classe m’a reparlé de cette histoire de tâche, quatre ans plus tard, je lui ai dit très clairement que c’était à cause de mes règles. Il m’a dit que je mentais, alors qu’il ne connaît rien à ce sujet. Aujourd’hui, je ne m’en cache plus, je n’en ai plus honte et, surtout, je continue de porter des joggings gris.

Ça reste super tabou alors que toutes les femmes ont leurs règles. Ça fait la moitié de l’humanité, alors pourquoi on ne pourrait pas en parler ? C’est grave, ça peut conduire à des drames. Au Kenya, une fille s’est suicidée parce qu’elle a été humiliée par sa prof à cause de ses règles. Elle lui a dit qu’elle était sale. Le pire, c’est que sa prof était une femme ! Cette histoire était partout sur Instagram. Ça m’a choquée et je me suis dit qu’il fallait en finir avec ce tabou.

Léa, 15 ans, collégienne, Pantin

Crédit photo Pexels // CC Karolina Grabowska

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3 réactions

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  2. Les études ont montré que les filles que l’on prépare à avoir leurs règles plutôt que de leur expliquer le jour où ça arrive développent moins souvent un dégoût des règles et de leur corps.

    Il est clair aussi que l’on devrait parler des règles aux garçons, pour qu’ils ne trouvent pas ça dégoûtant.

    Cependant (j’ai écrit un article sur mon blog à ce sujet si ça t’intéresse) on a déjà fait des progrès considérant la loooongue histoire du tabou autour des règles (considérées comme impures encore aujourd’hui dans des régions comme le Népal, par exemple), notamment dans l’Antiquité où on leur attribuait des pouvoirs magiques comme déclencher des tempêtes (si-si !)

  3. Bonjour ! Les garçons ados sont ignorants sur les filles , mais ce n’est pas de leur fautes , les parents eux même ne transmettent pas à leurs enfants cette histoire de règles. C’est vrai aussi que les ados entr’eux sont impitoyables , je le reconnais , pour ma part en tant qu’ado et homme aujourd’hui à 66 ans il y a toujours du tabou sur les femmes , exemple , l’illégalité des sexe , inferieusiser les femmes , voilà un tabou qu’il faut détruire . Les passent leur temps à se battent pour quoi ? Elles ont bien plus de courage que les homme et je l’ai constater à maintes reprises . Vive les femmes . Bruno FACHE.

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