Le jour où j’ai dit : « Papa, j’aime les filles »
En 2012, j’avais 14 ans. Je savais que j’aimais les filles mais je ne l’avais pas encore dit à mes parents. Pour ma mère, ça allait passer. À l’époque, elle revenait d’une manifestation en faveur du mariage homosexuel avec des arcs-en-ciel sur les joues. Mais pour mon père, j’avais peur. Un jour, à table, le sujet du mariage homosexuel apparaît. Il va en parler. Mon corps s’est tendu pour l’écouter. Il a dit : « Si un jour j’apprends que toi ou ta sœur vous êtes homo, je serais triste. » Mon cœur s’est arrêté. Une vague de tristesse a envahi mon torse mais, avant d’avoir eu le temps de m’écrouler, mon père a continué : « Je serais triste de savoir que la vie sera plus difficile pour vous à cause des cons ! » Je me suis tue, mais toute mon âme hurlait « Papa, je t’aime ! »
Je voulais le dire à mes parents mais, comme tout le monde, j’avais peur. Comme ce n’était pas pressé, j’ai attendu. Je m’étais dit que je leur dirai quand j’aurais une copine pendant plus de deux mois. En gros, quand j’aurais une histoire sérieuse.
J’ai longtemps attendu le bon moment
Lorsque je l’ai finalement dit à mon père, ce n’était ni préparé, ni le bon moment. J’avais fait une énorme bêtise. Il avait découvert que je fumais et que je sortais en douce depuis plusieurs nuits. Il m’hurlait dessus en me demandant : « Pourquoi tu fais tout ça ? Pourquoi tu gâches ta vie ? » À ce moment, il fallait que je trouve une réponse, même un mensonge, sinon il allait péter un câble. Alors j’ai dit la première chose qui m’est passée par la tête, un truc assez gros pour détourner l’embrouille : « Papa, j’aime les filles. »
J’ai explosé en sanglots. Mon père m’a prise dans ses bras en me disant qu’il m’aimait. Même s’il était toujours en colère, j’avais échappé au pire. J’ai toujours eu une relation complexe avec lui. À ce moment-là, ça faisait deux ans qu’on s’engueulait beaucoup, qu’on était violent l’un envers l’autre, qu’il n’avait plus confiance en moi et que je me demandais s’il m’aimait. Mais, ce jour-là, c’était particulier. Au moment le plus dur de notre relation, il m’a dit qu’il m’aimait. J’ai longtemps attendu le bon moment, tout ça pour le dire au moment où ça sort. Un coming-out, ce n’est pas toujours prévu.
Les semaines qui ont suivi, c’était le néant. On n’en a pas reparlé. Pas parce que c’était tabou, mais parce que ce n’était pas nécessaire. On savait tout maintenant, on n’avait rien à dire de plus. La vie a repris son cours. Pas de nouveauté, pas de changement et c’est tout ce qu’on voulait.
La fierté sur son visage
Quelques années plus tard, à 17 ans, je suis sortie avec une fille. Elle venait souvent chez moi, donc chez mes parents. Un jour, au moment de partir, alors qu’elle était en retard pour son train, mon père a proposé de nous amener à la gare. J’ai refusé mais il a insisté. Je me suis retrouvée sur le quai, gênée au moment du bisou. Je n’avais jamais embrassé quelqu’un devant mes parents. Mais bon, je devais la quitter pour plusieurs mois donc je l’ai embrassée.
À l’époque, je n’y faisais plus attention mais deux filles qui s’embrassent, c’est original, ça attire les regards, pas forcément méchants mais quand même. Et mon père n’aime pas être au centre de l’attention. Son premier réflexe a été de s’éloigner d’un pas. Il a pris conscience de la violence de son geste.
Lucas n’a pas eu la même chance. Mis dehors par sa mère après son coming-out, il a pu compter sur l’aide de Typhaine, sa meilleure amie. Elle nous l’a raconté.
Et là, mon père, l’homme le moins militant que je connaisse, a bombé le torse et affiché sa fierté sur son visage, l’air de dire : « Ouais, c’est ma fille et sa meuf ! Ça vous pose un problème ?! » C’était touchant car il ressentait l’envie de fuir mais son amour l’a poussé à rester. Un coming-out, ce n’est pas toujours prévu. Mais, généralement, ça finit bien quand on s’aime.
Morgane, 21 ans, volontaire en service civique, Paris
Crédit photo Unsplash // CC Isi Parente
Ton témoignage est très touchant, j’ai eue les larmes aux yeux. Mon coming-out (comme tu dit, cela ne se prépare pas et nous ne savons jamais comment entreprendre le truc). A mes 17 ans, environ, j’avais annoncée mon homosexualité à mon père qui l’avais plutôt bien pris mais lorsque j’ai mal lancer le sujet de l’homosexualité à ma mère ça a été un véritable coup dur. Elle m’a rejetée, elle me détestée, elle me disait un tas de remarques méchantes sur les lesbiennes; puis, avec les années, et les 3 copines que j’ai eue (qui ce sont bien moquées de moi) et même en étant célibataire aujourd’hui, avec beaucoup de temps et le recul, ma mère a fini par m’accepter. Même si, lui prouver qu’un jour, je l’espère, je rencontrerais une fille bien qui m’aimera vraiment et qui soit sincère avec moi sans me planter un couteau dans le dos, je doute qu’elle puisse l’a rencontrer un jour, mais j’espère de tout mon coeur et de toute mon âme que la roue tournera et que je connaîtrais le Véritable Amour avec un grand « A » et que ma mère kiffera ma copine 😉
Trop top c’est vraiment une chance de vivre dans un entourage qui accepte la vrai nature de tout un chacun. Dommage que ce ne seras jamais le cas pour certains comme moi…
Très touchant, bravo aux parents pour leur intelligence