Mima A. 10/06/2025

Connexion internet (il)limitée

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En République démocratique du Congo, Mima a connu une enfance à l’air libre, loin des écrans. En France, elle a adapté ses habitudes à un environnement où les interactions sociales dans l'espace public sont plus rares.

« Mima, viens on va dehors ! Il ne fait pas froid, l’air est bon, le ciel est rempli d’étoiles et il y a tout le monde. » C’est le signal ! Sans hésiter, je prends mon petit tabouret rouge en plastique. Je m’empresse de mettre mes claquettes Hello Kitty et de sortir. J’ai 10 ans.

En République démocratique du Congo, chaque fois que l’électricité nous faisait faux bond, tous les résidents du petit immeuble de deux étages où je vivais sortaient et se réunissaient devant le portail, leurs chaises ou leurs tabourets en main. 

Certains sortaient avec leur lampe de poche pour éclairer le dehors. D’autres allumaient des bougies et s’assuraient que leur flamme restait allumée malgré le vent léger. Une fois qu’on était réunis, celui ou celle qui voulait prendre la parole pour partager un potin, un témoignage ou nous raconter une blague tapait des mains pour avoir l’attention de tout le monde. 

Les lumières étaient automatiquement braquées sur cette personne et le silence régnait en attendant qu’elle se mette à parler. Comme dans les films américains où tous les ados sont assis autour d’un feu de camp et partagent quelque chose d’unique. C’est avec ce genre de moment de convivialité que j’ai grandi, à Kinshasa. À ce moment-là de ma vie, internet n’avait aucune place. Je savais que ça existait mais cela m’importait peu car je n’en avais pas besoin. 

Temps d’écran septuplé 

J‘utilisais souvent le téléphone de mes proches. Je jouais à Subway Surfers, My Talking Tom ou Talking Angela sur l’iPhone 4 de mon grand frère. Mon temps d’écran ne dépassait presque jamais quatre heures voire cinq heures par semaine. J’avais autre chose à faire. J’avais un monde à découvrir, des amis à me faire, de l’air frais à respirer 

Je suis arrivée en France avec ma mère et mes deux frères il y a de cela sept ans. J’étais impressionnée, et heureuse d’être enfin en France. J’étais dans la Ville lumière, la ville de l’Amour, la ville de la Dame de fer ! Beaucoup rêveraient d’être à ma place. Mais mon arrivée en France m’a en quelque sorte changée. Je me suis vue devenir une autre personne. 

Lorsque je me réveille, ce que je fais en premier lieu c’est de regarder mon téléphone. Même si je ne réponds pas aux messages, c’est déjà un réflexe nouveau pour moi. Je dépasse mon ancien temps d’écran en un seul jour. Je ne joue presque plus à aucun jeu.

Silence réel, relations virtuelles 

J’ai remarqué qu’ici, en France, les gens n’ont pas que ça à faire, de socialiser avec les autres. Dans le RER, tout le monde est dans sa bulle, le téléphone en main et les écouteurs branchés. 

Certains se plaignent du fait que plus personne ne prenne le temps de relever sa tête et de regarder l’environnement. J’aurais voulu être capable de donner des conseils ou de faire partie de celles et ceux qui agissent pour que ça change… Malheureusement, maintenant, je fais aussi partie des personnes qui ne relèvent pas la tête. 

Peu à peu, je me suis renfermée sur moi-même. Je n’ose plus approcher les personnes. Je ne suis plus curieuse d’apprendre à connaître les gens, de découvrir le monde qui m’entoure, car rien ne me pousse à le faire. Tout le monde paraît occupé ou désintéressé du reste.

Il n’y a pas que du négatif avec internet. J’ai peut-être perdu mes bonnes habitudes, mais je les ai échangées contre certaines qui ne sont pas mal. J’ai découvert une nouvelle sociabilité à travers les réseaux sociaux. Je me suis fait des amis dans le monde entier. Sur chaque continent, j’ai un ou une amie. Leila, par exemple. C’est mon amie espagnole que j’ai rencontrée sur TikTok. On parle presque tout le temps 

Mima, 17 ans, lycéenne, Boussy-Saint-Antoine

Crédit photo Pexels // CC SHVETS production

 

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