Lola C. 22/09/2022

Mes crises de boulimie, loin des regards

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Lola a du mal à se nourrir. En plus de son mal-être, elle doit affronter les jugements des inconnus et les moqueries de ses camarades.

Je suis anorexique/boulimique. Quand je trouve que j’ai trop mangé et que la culpabilité devient ingérable, je me fais vomir. Mes crises de boulimie se manifestent très souvent. Tous les soirs, je me mets à manger sans réussir à m’arrêter. Et les crises d’anorexie suivent.

Le soir, quand ma mère et mon frère dorment, je me retrouve seule. Vers minuit, comme ça, je sais que personne ne peut me voir et me juger. Ça arrive loin de tous les regards.

Mon poids est une obsession. Je le contrôle tous les jours avant et après avoir mangé, je sais ce que je dois prendre comme quantité pour ne pas grossir. Je ne veux pas prendre un gramme de plus, par peur de me trouver deux fois plus grosse que je ne me trouve déjà.

« Il faut manger ! »

Ta famille, tes amis… Les gens proches de toi sont rares à comprendre la gravité de la situation, ils pensent que ce n’est qu’une phase et que ça va passer. C’est blessant. Alors qu’il faut savoir que tu vis avec ça constamment : tu te rabaisses face aux autres, tu te détruis mentalement et physiquement… Ce n’est pas facile, surtout quand on ne te comprend pas.

Ce sont surtout les personnes âgées dans la rue, les restaurants, les hôpitaux… qui te jugent et te dévisagent. Certaines viennent même te critiquer ou faire des remarques, peut-être parce qu’elles s’inquiètent ou se posent des questions, mais c’est très déplacé. On me dit très souvent : « Tu as faim ? » ; « Il faut manger ! » ; « Regarde comme tu es mince ! » Pour un rien.

Dans ces moments, je voudrais leur dire que ça ne m’aide pas. Au contraire, ça empire les choses, ça me donne de la culpabilité et mes crises vont survenir beaucoup plus vite. Le plus compliqué, c’est le collège… Les collégiens n’ont pas de pitié, ils te jugent sans savoir ce que tu vis : les remarques, les blagues (pas drôles), les regards, les moqueries…

32 kilos pour 1m55

C’est un grand combat que nous, personnes anorexiques, devons affronter souvent seules. Mais il y a des gens qui te comprennent, et qui vont t’aider à prendre du poids, à aller mieux. Moi, c’est ma mère et mon frère.

La première fois que je suis allée à l’hôpital, c’est parce que ma mère a vu que mon corps était très mince. Elle avait déjà remarqué que j’avais perdu du poids mais elle ne savait pas que c’était aussi grave. J’ai atterri à l’hôpital un peu avant le premier confinement, j’étais dans les alentours de 32 kilos pour 1m55.

Très souvent, après avoir perdu trop de poids, je me retrouve à l’hôpital. La plupart des patients viennent te voir et tu commences à comprendre que tu es « différente ». Que toi, tu as des problèmes physiques et mentaux. La première fois, j’ai voulu sortir de là le plus vite possible.

Ils posent leurs conditions

Ma famille m’aide pour affronter les regards pas supportables, ceux qui te dévisagent de la tête au pied comme une bête de foire. Ma mère et mon frère ne me font pas sentir malade, ils me font penser à autre chose. On fait plein de trucs que j’aime bien, mais avec des conditions : je dois manger une assiette à chaque repas sans me faire vomir après.

Pendant longtemps, Victoria a subi insultes et moqueries sur son poids. Une rencontre l’a aidée à se réconcilier avec son corps.
Une femme aux formes généreuses se tient droit, les mains sur les hanches. L'image illustre la confiance en soi d'une personne grosse.

Pour mes crises de boulimie, ils ne peuvent pas faire grand-chose, ils me font souvent des compliments, ou me prennent en photo pour que je me trouve belle. Et bien sûr, à force de reprendre du poil de la bête, les crises s’estompent.

Lola, 15 ans, lycéenne, Trilport

Crédit photo Pexels // CC cottonbro

 

Détruisons les clichés sur les TCA

Les TCA ne sont pas qu’une phase ou une crise d’ado
S’ils sont majoritairement diagnostiqués chez les moins de 24 ans, ils touchent aussi beaucoup d’adultes (en particulier la boulimie). Du coup, les adultes sont moins souvent diagnostiqué·es à cause de cette idée reçue.

Les TCA ne touchent pas que les filles
20 % seulement des diagnostics de TCA concernent des garçons. En réalité, le pourcentage de garçons malades est plus élevé : ils sont moins diagnostiqués que les filles à cause de ce cliché.

Guérir de TCA n’est pas qu’une question de volonté
Comme pour n’importe quel trouble ou maladie psy, il ne suffit pas de faire des efforts pour s’en sortir : c’est un combat qui se joue au niveau physique, mental, et qui dépend aussi de l’entourage et de l’accompagnement. D’ailleurs, certains TCA peuvent être génétiques, ou déclenchés par d’autres maladies physiques.

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