Coanis C. 06/02/2023

2/2 Dans ma tête, je suis déjà ailleurs

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Coanis doit emménager dans son propre appartement en terminale. Elle se projette déjà dans sa vie d’adulte, loin des tensions avec sa mère.

Indépendante. Sans le connaître, j’adore ce mot. C’est ce que je veux. Pour l’année prochaine, mon année de terminale, on m’a proposé un logement pour que je vive seule et que je sois autonome. Dans ma tête, je m’imagine partir dans une grande ville, loin, pour faire mes études.

Je ne sais pas si je me sentirai seule ou si je vais regretter. J’en ai un peu rien à faire. Je veux juste vivre MA vie sans regret. J’ai hâte qu’on me fasse confiance et d’avoir de la liberté. Je ne parle pas d’un caprice. Aujourd’hui, je ne me sens pas à 100 % libre. On restreint mes envies, les adultes partent du principe que je suis une ado, donc peu importe ce que je dirai face à eux, j’aurai toujours tort.

Mes deux grands frères sont proches de moi. Ils comprennent mon envie de partir, ils sont passés par là aussi. Ils me soutiennent et espèrent juste que je ne vais pas regretter. Mais, avec ma mère, c’est plus compliqué.

Le parent qui ramasse pour les deux

Mes parents ne sont plus ensemble et mon père habite à Madagascar. Je le vois une fois par an, quand il vient en France. Il loge chez sa mère à Bordeaux et y reste généralement quelques mois. C’est important de garder le lien, même si je suis habituée à ne pas beaucoup le voir.

Il connaît la relation que j’ai avec ma mère, ça le rend triste pour moi. Il sait que ça ne va pas et que c’est pour ça que je veux partir, il me soutient et trouve que c’est une bonne idée. Je reste sa petite fille donc il a un peu peur, mais il me fait confiance.

J’idéalise le père absent. Je me sens plus proche de lui que de ma mère. Les mamans qui restent « ramassent pour les deux ». Elle tient le rôle du seul parent autoritaire, un peu sur mon dos pour les mauvaises choses — l’école par exemple. Elle se concentre sur le résultat et pas trop sur comment je me sens.

Se laisser un peu d’air

Entre mes 3 et 9 ans, je ne l’ai presque pas vue. Ça nous a éloignées, je lui en ai beaucoup voulu. Je ne comprenais pas pourquoi elle n’était plus à la maison. Elle était bloquée en France et moi dans mon pays, à Madagascar. Elle a dû partir en France pour avoir plus d’argent et ne pouvait pas se permettre de nous prendre avec elle, ça revenait trop cher.

On a une assistante sociale depuis mon arrivée, qui m’aide à lui dire des choses. Mais lors de mon passage au collège, notre relation s’est dégradée. J’ai voulu lui faire comprendre que son absence avait été un vrai manque pour moi. Au lieu de lui expliquer, je me suis énervée. Au lieu de comprendre, elle aussi s’est énervée. En écrivant ça, je comprends que c’était sûrement à cause de moi.

Quand on lui a proposé que j’aie un logement pour devenir autonome dès la terminale, elle n’était pas d’accord, mais finalement elle s’est faite à l’idée. Je pense que ça nous fera du bien à toutes les deux, de nous éloigner. Elle pourra souffler et penser à elle. J’appréhende, mais je pense à moi aussi. Je reviendrai la voir, après tout c’est ma maman et je l’aime. En plus, je suis la petite dernière et sa seule fille.

Mon indépendance étudiante

Dans ma tête, je m’imagine partir à Toulouse. J’espère avoir ma fac pas très loin de mon futur appartement, ou avoir un arrêt de bus à côté. Je ne sais pas précisément ce que je ferai, peut-être une école de commerce. J’étais partie pour des études de médecine mais j’ai abandonné l’idée. Trop dur, trop long, trop exigeant. Je n’en demande pas beaucoup pour l’instant mais j’ai vraiment de grands rêves : assouvir ma soif de liberté, avoir une belle voiture, voyager, avoir mon diplôme… Faut que je m’y mette, j’ai mal commencé l’année avec 12,47 de moyenne.

Une fois installée dans ma vie étudiante, je serai déjà indépendante. J’aurai déjà passé mon code et mon permis en terminale. La journée, j’irai en cours, et je rentrerai chez moi pour me reposer un peu avant d’aller travailler. Le soir après le travail, je sortirai de temps en temps avec ma meilleure amie. Certains week-ends, si je n’ai pas trop de devoirs, j’irai voir mon copain qui habite à trois heures de Toulouse ou il viendra me voir. Quand je pense à tout ça, ce que je veux, c’est juste une vie simple et normale.

Coanis, 16 ans, lycéenne, Montpellier

Crédit photo Pexels // CC MART PRODUCTION

 

 

La crise d’ado, on casse le mythe ! 

Les parents, les médias, et même les professionnel·les de santé nous bassinent avec ce rite de passage : la crise d’adolescence.

Cette invention culturelle invisibilise totalement la santé mentale des jeunes : sautes d’humeur, troubles du comportement alimentaire, déprime…

60 % des lycéen·nes ne consultent pas de spécialistes quand elles et ils ressentent ces symptômes. Un·e jeune sur sept souffre de trouble mental.

Fuir le cocon familial 

Un logement surpeuplé, des parents sur le dos ou des disputes à gogo peuvent être des raisons de quitter le nid. Deux tiers des plus de 18 ans rêvent de partir de chez leurs parents. En réalité, seulement 50 % d’entre elles et eux s’installeront ailleurs après le bac.

En attendant les résultats de Parcoursup, tu peux imaginer ta future vie en suivant @etre_etudiant.

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