Odré B. 05/06/2023

Découvrir que j’étais lesbienne a changé ma vie

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Un article sur internet a aidé Odré à assumer son homosexualité. Depuis, elle est une militante fière, amoureuse et épanouie.

En me baladant sur Twitter, je tombe sur un article : « Suis-je lesbienne ? » À la vue de ce dernier mot, mon cœur rate un battement et mon pouls s’affole. Ce n’est pas la première fois que je vois ce titre, mais je n’avais jamais cliqué. Par peur principalement. Peur du regard des autres, de sortir de la norme, mais surtout de la possibilité que j’aurais pu me mentir à moi-même pendant 21 ans d’existence.

Ce jour-là, la curiosité prend le dessus et je me mets à lire. Au fur et à mesure de la lecture, des prises de conscience et des questionnements m’assaillent. Je pense à mon rapport aux hommes : je n’arrive pas à imaginer être en couple avec eux, ils ont tendance à me dégoûter… D’un autre côté, je me sens illégitime à me définir comme lesbienne car j’ai eu de nombreux crushs masculins. Mais cet article aborde justement le fait que de nombreuses lesbiennes ont relationné avec des hommes avant de comprendre qui elles étaient.

À la fin de cette lecture éprouvante, je me sens soulagée, j’ai obtenu des réponses à des questions laissées en suspens durant trop longtemps. Directement après, je m’abonne à des comptes de lesbiennes sur Twitter et trouve de nombreuses personnes partageant une expérience similaire à la mienne. Plus que des bribes d’expériences, je découvre une culture lesbienne qui comble un vide en moi.

Moi, porte-parole lesbienne

Un mois après cette lecture et en partie grâce à ce que j’ai appris de ces rencontres virtuelles, je me sens prête à me définir comme lesbienne. J’en parle à mes amies, qui l’accueillent avec joie et fierté. Dans les semaines qui suivent, c’est physiquement que je m’assume. Je me fais percer, me rase les tempes, m’habille de manière moins féminine. Je me sens de plus en plus moi-même.

En avril 2021, je participe à la création d’un collectif nommé Riposte Lesbienne car je ressens un besoin de militer pour nos droits, mais également de placer les lesbiennes au centre de ma vie. Ce même mois, je fais mon coming-out auprès de ma famille. Je le fais par messages en allant droit au but, je n’ai pas envie de rendre ça solennel. Une fois envoyés, je jette mon portable en poussant un petit cri d’excitation. Les réponses arrivent sans tarder : « Je m’en doutais » ; « L’important c’est que tu sois heureuse. » Leurs messages me surprennent, pourtant il n’y avait pas de raison que ça se passe mal. Seulement, dans une société où l’hétérosexualité est la norme, je n’imaginais qu’une réaction négative.

J’ai toujours été timide, mais depuis cet épisode je m’assume encore plus. Lors d’un rassemblement pour la journée internationale de visibilité lesbienne à Toulouse, je prends la parole devant une centaine de personnes. Le soutien et la fierté communautaire me donnent du courage. À ce moment-là, je réalise à quel point le lesbianisme est important dans ma vie.

 

Il y a deux ans, je me rase les cheveux pour la première fois et je m’habille de manière masculine. En plus de lesbienne, j’adopte un nouveau mot pour me définir : celui de « butch », qui caractérise les lesbiennes dites masculines, les lesbiennes « visibles ». Je me sens plus que jamais moi-même.

Aujourd’hui, j’ai un groupe de potes lesbiennes qui sont extrêmement importantes dans ma vie, une vraie communauté, comme je n’en connaissais pas avant. Une petite amie dont je suis follement amoureuse et avec qui je me vois faire ma vie entière, ce qui me paraissait inconcevable quand je me disais hétéro. Je suis militante à Act Up Sud-Ouest, une association de santé communautaire LGBTQIA+ dans laquelle je me sens à ma place. Ma personnalité, mon apparence physique, les personnes qui m’entourent et ma manière d’appréhender la vie… Le lesbianisme a tout changé, c’est la meilleure chose qui me soit arrivé.

Odré, 23 ans, en recherche d’emploi, Toulouse 

Crédit photo Pexels // CC Külli Kittus

 

« Les lesbiennes ne sont pas des femmes » : tu connais Monique Wittig ? C’est elle qui a prononcé cette phrase.

Ça te choque ? On t’explique son raisonnement, et pourquoi cette pensée est féministe.

C’est en 1978 que Wittig prononce cette phrase. À l’époque, le lesbianisme est encore plus invisibilisé qu’aujourd’hui : l’homosexualité est officiellement considérée comme une maladie mentale, il n’existe (quasi) aucune représentation lesbienne dans la culture ou dans les médias, les couples de femmes ne peuvent ni se marier, ni avoir d’enfants.

Pour Monique Wittig, l’hétérosexualité, c’est carrément un régime politique. La société est organisée autour de deux populations bien distinctes : d’un côté les hommes, et de l’autre les femmes. Chacune a un rôle assigné (dans la famille, à la maison, au travail…), et des traits de caractère supposés. Toutes ces caractéristiques sont complémentaires : quand les hommes sont puissants, les femmes sont douces. Quand les hommes occupent la sphère publique, les femmes restent à la maison pour organiser la vie de famille.

Dans cette logique, une femme n’est considérée comme femme qu’en complément d’un homme. Pour Wittig, les lesbiennes sont donc des révolutionnaires, puisqu’elles osent sortir du cadre hétéro qu’impose la société : elles échappent donc aussi à la reconnaissance du statut de femme. Être lesbienne devient une identité.

 

Pour en apprendre plus sur le sujet, on te conseille quelques livres :

Trouble dans le genre, de Judith Butler (1990)
La pensée straight, de Monique Wittig (1992)
Le génie lesbien, d’Alice Coffin (2020)
Sortir de l’hétérosexualité, de Juliet Drouar (2021)

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