« Des bains de sang pour soigner l’épilepsie »
On a tout essayé pour soigner mon épilepsie. Quand j’étais petite, tout le monde disait que j’étais une petite fille joyeuse. J’ai perdu mon sourire à 4 ans lors de ma première crise d’épilepsie. J’étais assise sur un lit et, tout à coup, je ne pouvais plus bouger. Mon corps ne répondait plus. Mes parents sont arrivés, ils étaient choqués. Ils ne comprenaient pas ce qui m’arrivait.
Après des examens, on a compris que j’étais épileptique. Une crise d’épilepsie, c’est comme si j’ai de l’électricité dans mon corps. Ça arrive n’importe quand. En France, au début de ma maladie, j’ai été hospitalisée dans un hôpital pour enfants parce que je faisais beaucoup de crises. Très tôt, j’ai pris beaucoup de médicaments. Le matin et le soir.
Malgré ça, ma situation ne s’améliorait pas. Alors, ma mère a décidé de m’envoyer au Sénégal pour me soigner. Elle voulait que j’y vois des « serignes », des guides spirituels pour les musulmans au Sénégal.
À 10 ans, j’ai pris l’avion toute seule pour aller vivre chez ma marraine, la sœur de mon père, à Rufisque, une ville dans la région de Dakar. Elle aussi était épileptique. Elle m’a raconté qu’elle s’était guérie en prenant les médicaments que les serignes lui conseillaient.
Tuer un mouton
Quand on m’a emmenée les voir, ils portaient de longues robes. Je ne comprenais pas ce qu’ils disaient. Il fallait que je sois voilée pour les voir. Ils nous ont conseillé d’acheter un mouton, de le tuer et de se baigner dans son sang. J’ai aussi dû prendre des bains avec des pages du Coran. Et j’ai appris à prier en arabe. Ils m’ont donné des médicaments mais pas comme ceux de France. Je faisais tout ce qu’ils me disaient, mais ça ne servait à rien. Rien ne changeait. Je suis restée là-bas pendant quatre ans.
Ma mère et mon frère me manquaient. Je suis rentrée en France avec mon père. Depuis mon retour, j’appelle souvent ma marraine pour avoir de ses nouvelles. Pour savoir si elle se porte bien, comment va sa santé. Elle est précieuse pour moi. Elle a toujours été là. C’est comme ma deuxième maman. Elle sait que ma maladie est difficile parce qu’elle a vécu la même chose.
Je vais bientôt retourner vivre au Sénégal avec ma mère. Je vais l’aider avec sa boutique de vêtements. Je vais retrouver ma marraine. Je vais recommencer à voir des serignes. J’espère que ça va marcher, même si des fois je n’y crois plus.
Petit à petit, je le vis mieux. J’ai toujours ce petit truc de tristesse. Je me dis que je ne vais jamais guérir. Que je ne peux pas avoir une vie normale comme les autres. J’espère que ça va bientôt partir. Je ne vais pas abandonner maintenant. J’ai une vie qui m’attend dehors.
Khadija, 19 ans, en recherche d’emploi, Athis-Mons
Crédit photo Unsplash // CC Mohammed Azzouz
À lire aussi…Vivre au bled pour découvrir ma culture, par Séchoine, 13 ans. Partie au Sénégal pour des vacances, elle y restée sept ans et y a découvert son autre culture.