Marie S. 08/12/2021

En extase sans ecstasy

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Marie sort souvent en soirées techno. Elle ne se drogue pas et préfère rester spectatrice des effets des substances sur ses amis.

23 heures, un verre de cidre à la main, je lance le nouveau son de I Hate Models, génie de la techno, à fond dans l’appartement. Mes potes fument dans la cuisine et commencent à se demander quand et comment ils réussiront à acheter de la drogue. MDMA, ecstasy ou bien coke ? La liste est courte, ils savent précisément ce qu’ils désirent. Pas de commande, ils verront directement à la soirée.

Je ne me sens pas concernée par cette discussion. Je n’ai jamais pris de drogues dures. Mis à part boire de l’alcool, fumer deuxtrois joints et manger un space cake – ce qui fut d’ailleurs une très mauvaise idée. Les drogues ne m’intéressent pas. J’ai beaucoup trop peur de perdre le contrôle. J’ai besoin de tout gérer et savoir ce que je fais.

Minuit 30, nous arrivons à dix dans le métro. Nous parlons fort. L’alcool commence à faire effet. Des regards, des jugements et même des sourires. On parle vraiment fort. « Vous allez arrêter de gueuler », nous crie un homme d’une quarantaine d’années avec beaucoup d’impatience.

Les gens dansent, les gens sont beaux

Après une demi-heure de métro, nous arrivons au club, situé à côté de Paris. Il est 1 heure, nous faisons la queue, puis mettons nos affaires au vestiaire. Nous voulons être libres de nos mouvements. Direction la salle, nous nous dirigeons tout de suite devant le son. Le club se remplit petit à petit. Les gens dansent, les gens sont beaux. Je fais des allers-retours entre le bar, le son et le fumoir extérieur pour prendre l’air. Il fait extrêmement chaud dans le club.

Je danse. Nous dansons. Mes potes se baladent aussi. Notre point de repère : devant le DJ à droite. Le temps passe très vite et l’alcool coule à flots. Même si les tarifs sont relativement élevés. Note à moi-même : moins dépenser. Curieusement, je ne me sens pas très ivre. Ce n’est pas plus mal. Je peux vivre ma nuit à fond. La soirée bat son plein, nous sommes tous heureux d’être là. Mes potes sont à fond. Ils décident de partir à la recherche d’ecsta.

Ils veulent vivre leur soirée autrement

3 h 30, début d’un nouveau set. C’est l’entrée d’une DJ américaine très attendue. Elle met le feu à la salle. Je reviens du fumoir, où je m’aérais l’esprit. La musique est extrêmement forte, les basses résonnent dans ma tête – heureusement que j’ai des boules Quies – et je déambule dans le club à la recherche de mes potes. Je les vois au loin danser, rire, boire, s’embrasser… Je comprends. Ils ont enfin réussi à trouver ce qu’ils recherchaient tant.

J’imagine un instant ce qu’ils ressentent. Quels effets la drogue leur procure ? Comment se sentent-ils intérieurement ? Sont-ils heureux ? Je me questionne et danse en même temps. Le son est fort, mais qu’est-ce que c’est bon. Les DJ donnent leur max. Je me sens bien, mes potes se sentent bien. Du moins, ils ont l’air.

Luc et Julie ont l’habitude d’en prendre. Ils rigolent et dansent. Qu’est-ce qu’ils sont beaux ! Robin et Baptiste, c’est sûrement la troisième fois. De temps en temps, ils désirent vivre leur soirée d’une autre manière. Ils cherchent à décupler leurs émotions et leurs ressentis. Leurs sens sont plus prononcés. Les visuels du mapping en 360 degrés les font partir très loin. Juliette, c’est sa première fois, mais elle n’a ressenti que très peu d’effets. Blandine a décliné l’offre, ce n’était pas le moment pour elle d’essayer.

Je veille sur mes amis sous drogue

Je suis spectatrice de tout cela. Mes amis sont dans un monde parallèle. Baptiste a besoin de protection, qu’on lui tienne la main. Il a besoin de sentir qu’il n’est pas seul dans ce moment. Robin danse seul, les yeux fermés. Il est dans sa bulle. Julie fait des câlins à tout le monde. L’ecstasy contient de la MDMA, plus connue sous le nom de « drogue de l’amour ». La musique les emmène loin. Pourtant, elle m’emmène loin aussi. Je me sens bien, je me sens à ma place entourée de mes proches.

Qu’ils soient drogués ou non, je les contemple danser avec beaucoup d’amour. On se regarde, on rit, on se prend dans les bras, on danse. J’apprécie d’être la personne qui ne prend rien, je sais qu’il ne peut rien leur arriver si je suis là. Je n’irais pas jusqu’à dire que je les surveille mais je suis attentive à leurs manières d’agir. Je fais attention à eux, on ne sait jamais.

J’ai besoin de ressentir mes émotions

Je sors en soirées techno depuis quelques années maintenant et je n’ai jamais ressenti l’envie de me droguer. Ce n’est pas pour moi. J’ai besoin de ressentir mes émotions. Je ne veux pas qu’elles soient trafiquées. J’ai ce besoin d’apprécier la musique sans déformation. Il est important pour moi de comprendre ce que je vis et d’être maître de mes émotions et agissements. Je me sens libre d’écouter de la musique électronique et de danser dessus sans aucune gêne, ainsi que sans drogue.

Il est 6 heures, place au dernier set. Je tiens toujours debout. Je commence à fatiguer, mais ce dernier DJ mixe à la perfection. Mes potes se sentent toujours aussi bien, chacun dans leur bulle, pourtant réunis par cette drogue. Ils se comprennent.

Yasmine s’est intéressée au monde de la nuit. Elle a interrogé des teufeurs et teufeuses sur leur façon de faire la fête et notamment sur la place qu’occupe la drogue dans leurs soirées.

Aperçu d'une foule de spectateurs en plein concert, 3 garçons portant des bracelets de festival en train de danser, peintures sur les joues, bouteilles d'eau à la main, sourires.

7 kilomètres parcourus en l’espace de sept heures, il ne faut pas trop en demander à mon corps. Il est 6 h 30, je fatigue. Quatre autres de mes potes qui n’ont pas consommé de drogues fatiguent aussi. Il est l’heure de rentrer et de laisser les autres vivre leur trip jusqu’au bout. Je dis au revoir à tout le monde, ils vont bien, ils apprécient toujours autant leur soirée. Tout va bien, je suis rassurée, je peux rentrer sereine.

J’ai passé une très bonne soirée. Nous montons dans le métro. Les gens partent au travail alors que nous, nous allons dormir. Une fois à l’appartement, je mange une bricole, me démaquille, me brosse les dents et direction le lit. Il est 7 h 30, le jour se lève et, pourtant, je plonge dans un sommeil rempli de rêves.

Bip. Bip. Un nouveau message, c’est mon pote Baptiste. « On est parti du club à 7 heures et on a fait after chez Julie, c’était stylé. J’ai passé une trop bonne soirée, la redescente se fait en douceur. Maintenant, on part dormir, il doit être 9 heures, ça pique. Des bisous. »

Marie, 22 ans, étudiante, Paris

Crédit photo: Unsplash // CC Artem Bryzgalov

 

L’usage des drogues illicites

Une drogue « illicite », c’est quoi ?

Une drogue « illicite », c’est un produit addictif dont la consommation et la vente sont interdites par la loi (le cannabis, la cocaïne, l’ecstasy…) L’alcool et le tabac sont eux aussi reconnus comme des drogues, mais ne sont pas interdits : ce sont des drogues « licites ».

Les jeunes n’en consomment pas plus qu’avant

La consommation de drogues illicites chez les jeunes est stable depuis des années, même si elle est plus élevée que dans le reste de la population. Contrairement à la consommation d’alcool et de tabac, plus les Français·e·s vieillissent, moins ils et elles usent de drogues illicites.

Elles ont moins d’impact sur la société que l’alcool

Les drogues illicites sont à l’origine d’environ 1 000 décès en France par an, contre 41 000 pour l’alcool. Elles coûtent 8 milliards d’euros à l’État (prévention, soins etc.), contre 120 milliards pour l’alcool.

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