Du vol aux 10k grâce à TikTok
C’était un jour comme un autre. On pensait passer tranquille. Comme d’habitude. Le vigile du Monoprix a remarqué qu’on avait beaucoup trop d’articles par rapport à ce qu’on avait pris. Il nous a ramenés dans un bureau en haut, a pris nos sacs et nous a menacés d’appeler la police ou nos parents.
J’étais stressé. Je me disais que j’allais décevoir mes parents. On l’a supplié pour qu’il ne les appelle pas. Je préférais encore qu’il appelle la police. Je lui ai expliqué pourquoi je volais et là, il nous a expliqué son histoire. Il avait fait tout un parcours pour venir depuis le Congo. Il nous a dit qu’il travaillait dur pour que ses enfants n’aient besoin de rien et ne volent pas.
Ça m’a fait penser à mon père et à mon histoire. Aux Comores, je mangeais un repas par jour. Deux quand mes parents avaient eu plus de récoltes dans la semaine. Mon père est parti vivre en France quand il faisait ses études, je n’étais pas encore né. Au bout de plus de dix ans, il a eu la nationalité française et il s’est débrouillé pour nous faire venir en avion par la Réunion. Je me suis remis en question. Je me suis dit que le vigile avait raison et que c’était mieux de trouver quelque chose pour faire de l’argent, au lieu de voler.
Gagner de l’argent légalement
J’avais 15 ans et j’ai commencé à essayer quelques trucs. J’achetais des faux AirPods ou des fausses TN à Clignancourt et je les revendais sur Facebook, Leboncoin et tous les sites où on pouvait vendre des trucs. Je me faisais 80 balles par mois à peu près, ça me faisait de l’argent de poche.
Avec une partie, j’investissais dans d’autres trucs pour les revendre. Je suis monté jusqu’à 100, et une fois 130 euros en un mois. Je réinvestissais beaucoup et je gardais le reste pour m’acheter à manger et des vêtements ou accessoires de marque à Go Sport. C’est grâce à ce parcours que je suis devenu la personne que je suis aujourd’hui. J’ai développé des compétences. Ça pourra me servir plus tard si je refais du commerce.
Un moment, j’ai voulu arrêter la revente de faux vêtements. Je voulais gagner de l’argent légalement en étant mineur. J’ai regardé une vidéo YouTube qui expliquait comment faire. C’était un truc simple. À ce moment-là, TikTok commençait à exploser. Je publiais des edits de vidéos de foot. Ce sont des petits montages que tu fais toi-même pour créer des vidéos courtes. Au début, je ne gagnais pas d’argent mais je faisais quand même entre 100 000 et 500 000 vues.
Un jour, un label de musique m’a contacté. Il voulait que je place deux ou trois de ses musiques en fond dans mes vidéos. Grâce à ça, je pouvais enfin monétiser mon contenu. En échange, ils prenaient 30 % et moi le reste. En un an, je pense que je me suis fait 10 000 euros, à même pas 18 ans.
Plus que le salaire d’un prof
Certaines vidéos ont atteint 2 millions, voire 5 millions de vue. Avec ça, j’ai aussi appris à faire du montage de vidéos et à concevoir des miniatures. Carrément, les autres chaînes qui faisaient la même chose me demandaient comment je faisais pour attirer l’œil des spectateurs pour les faire cliquer sur mes vidéos. Plusieurs faisaient déjà la même chose que moi quand j’ai commencé, mais j’ai réussi à me différencier. Il fallait aussi observer ce qui marche bien. J’ai remarqué que les vidéos longues avaient un plus gros taux d’engagement donc j’en ai fait plus.
J’essayais de poster trois vidéos par semaine, avec le lycée à côté. J’ai commencé à lâcher les cours quand je me suis dit qu’en un mois, je pouvais toucher plus que le salaire d’un prof. Ma filière ne m’intéressait pas. Les profs étaient absents et il y avait trop de stages à faire. J’ai fini par arrêter. Je me suis rendu compte que je ne voulais pas être salarié et que je voulais lancer mon business et devenir auto-entrepreneur.
Aujourd’hui, j’ai plusieurs idées en tête, toujours dans l’entreprenariat. Je ne veux pas bosser pour un patron et avoir une vie monotone. Je sais que ça fait cliché, mais je pense à mettre ma famille à l’abri. Et pas que mes parents.
Enzo, 18 ans, en formation, Evry
Crédit photo Unsplash // CC Ritupon Baishya
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