Clémence P. 30/11/2021

La campagne, mon remède contre l’éco-anxiété

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Clémence a grandi dans un village normand, presque en autosuffisance. Une enfance qui lui donne des outils pour gérer son éco-anxiété, contrairement à ses ami·e·s de Paris.

« Dans quarante ans, on est tous foutus » ; « On arrive en haut de la courbe de croissance. Si ça continue comme ça, c’est impossible de s’en sortir » ; « Avec deux degrés de plus, c’est des inondations, des tempêtes, des réfugiés climatiques et des crises politiques sans précédent. » Nous sommes attablés au restaurant universitaire, avec mon groupe d’amis de la faculté, et les phrases fusent au fil de la discussion. Ces mots, je les entends de plus en plus dans les discussions entre potes, en repas de famille, au café.

Elles paraissent anodines et, pourtant, leur accumulation provoque un sentiment grandissant : l’éco-anxiété, ou solastalgie.

Écologie : anticiper les modes de vie alternatifs

Qualifiée de sentiment de détresse face au dérèglement des écosystèmes, cette éco-anxiété se manifeste par des insomnies, un sentiment de tristesse et de colère perpétuels, et crée des « climato-déprimés ». Autour de moi, il y a des fans de Jancovici et de ses graphiques déprimants, des anti-nucléaires, des personnes qui prévoient déjà leur vie dans un écovillage ou une ZAD (zone à défendre). Le constat perpétuel apporté par les différents rapports écologiques apporte une vision du futur bien sombre.

Un peu plus tard, pendant que je marche sous la pluie, des gouttes dégoulinant sur mon ciré, je lève les yeux et observe le grand panorama vert que le bocage normand offre à chacun de ses habitants. La campagne, pour un Parisien, c’est plein de clichés : il n’y a que des filles ou des fils d’agriculteurs, pas de transports, et c’est très bien pour un week-end ou une petite semaine seulement. Pour moi, y avoir grandi me permet de faire face aux constats écologistes alarmants, aux discussions déprimantes avec des amis militants, et m’a donné toutes les clés pour anticiper les modes de vie alternatifs, qui deviendront essentiels dans les années à venir.

Avant de partir pour les études et la faculté, c’est en Normandie que j’ai eu la chance de grandir. Mes journées étaient rythmées par la gestion des chevaux de la maison, par les horaires aléatoires des bus, et par les animaux en tout genre. Ainsi, s’il paraît aujourd’hui difficile de se protéger psychologiquement de ces différents constats écologistes, j’ai réussi à retirer du positif dans tous les bilans apportés par mon entourage. Tout d’abord, des solutions existent : les écovillages fleurissent un peu partout en France, proposant une autosuffisance, un modèle économique alternatif et une vie communautaire très active.

Cette vie se rapproche de ce que j’ai appris naturellement en grandissant en pleine campagne : manger les aliments cultivés soi-même, savoir vivre en hameau ou tisser des liens avec les habitants proches. Alors qu’en ville, il est compliqué de dire simplement bonjour à ses voisins, la vie en campagne est faite d’entraide, de partage, de mutualisation de boîtes d’œufs et de bouteilles de lait, de nuits passées à plusieurs près du vétérinaire venu assister un vêlage. C’est pouvoir se réveiller le matin dans un silence total, loin des klaxons de la ville.

Petite, le matin, je marchais dans les cailloux et la rosée pour aller prendre mon bus. Le soir, on rentrait entre enfants des trois ou quatre familles du hameau pour aller partager un goûter collectif, puis retourner chez soi aux alentours de 19 heures. Nous n’étions jamais seuls, nous partagions des travaux – comme la décoration de notre abribus en Marsupilami – et cette proximité acquise durant toute notre enfance nous a toutes et tous marqués.

Mes amis prévoient leur futur face à l’effondrement

Mon enfance est un véritable remède face au constat alarmant de mes amis. Je me sens déjà prête, habituée au quotidien de la vie en autonomie, presque en autosuffisance. Même si le supermarché n’est jamais très loin : la voiture reste nécessaire à un habitant de campagne, preuve que les solutions pour une autonomie complète ne sont pas encore totalement trouvées.

Mes amis prévoient déjà leur futur face à l’effondrement : Théo pense aller vivre en écovillage ou en ZAD d’ici vingt à trente ans, après des études et un métier lui permettant d’économiser assez pour y vivre plusieurs années. François se renseigne sur les formations d’horticulture et de gestion de jardin, lui qui a toujours grandi en milieu urbain. Et moi ? Le journalisme est un métier facilement compatible avec la vie en communauté et une aide manuelle : savoir se renseigner sur la source de ses informations, pouvoir préparer des supports pédagogiques pour les habitants à venir, apporter à chacun l’actualité dans un monde où l’information continue ne sera peut-être plus possible. En attendant tout ça, vivre à Paris est une expérience hors du commun, et mes acquis ruraux ne sont jamais loin pour rester détachée de toute l’agitation urbaine.

Consciente de tous les enjeux environnementaux qui se jouent actuellement, maîtrisant les graphiques et les rapports sortant quotidiennement, mon enfance à la campagne est un véritable rempart contre la déprime écologique, un antidote apportant une réelle positivité. Contrairement à des amis urbains réellement paniqués de ne pas être utiles le jour J, je garde dans un coin de ma tête toutes mes connaissances. Cela me permet de rester constamment fixée sur mes objectifs de vie… et d’être consciente des changements climatiques des années à venir.

Sensible à l’écologie, Nicolas a lui aussi décidé de changer ses habitudes de consommation. Il raconte comment il est passé de végétarien à « détritivore ».

Le GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a publié six rapports d’évaluation depuis 1990, dont le dernier, révélé en août 2021, est des plus alarmants. Parallèlement, le nombre de consultations psychologiques liées à l’éco-anxiété a augmenté. 85 % des Français, en 2018, se déclaraient inquiets face aux conséquences du dérèglement climatique.

Savoir déconnecter de ce genre d’informations, revenir à la terre et à la nature comme on peut le faire hors des villes, permet de rester presque imperméable aux effets que peuvent avoir ces articles sur notre joie de vivre. Les modes de vie alternatifs s’imposeront à nous quand il le faudra. Pour le moment, il faut aussi savoir se protéger des constats alarmants, même si cela n’empêche personne de s’interroger sur sa capacité à savoir cultiver des pommes de terre le moment venu.

Clémence, 20 ans, étudiante, Paris

Crédit photo: Pexels // CC Erik Mclean

 

L’éco-anxiété

C’est quoi ce truc ?

L’éco-anxiété, c’est un sentiment d’angoisse que ressentent certaines personnes en pensant aux bouleversements climatiques. Dans le monde, 75 % des jeunes jugent le futur « effrayant » et 45 % disent souffrir d’éco-anxiété.

L’éco-anxiété n’est pas une maladie

Contrairement à ce qu’on peut parfois lire sur les réseaux, l’éco-anxiété est une angoisse, pas une pathologie. C’est un peu comme le vertige… beaucoup de gens en souffrent, et ils et elles ne sont pas malades pour autant.

Il faut différencier éco-anxiété et collapsologie

Toutes les personnes qui souffrent d’éco-anxiété ne croient pas pour autant à la fin du monde et à l’effondrement de nos civilisations. Certaines crises d’éco-anxiété peuvent parfois mener à la collapsologie, mais ce sentiment peut aussi se transformer en envie et en espoir d’avoir un impact positif sur l’environnement.

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