Macron ou Le Pen ? Plutôt m’abstenir
2022, c’est l’année où j’ai pu voter pour la première fois. Voter ou pas ? La question s’est d’abord posée pour moi qui n’ai jamais été familière avec la politique. Pour moi, la politique, c’était le truc des autres. Le truc d’une élite masculine privilégiée passée par l’ENA et Sciences Po, alors que j’ai vécu toute ma vie dans des quartiers populaires du 93. J’ai commencé à vraiment m’y intéresser quand j’ai réalisé que les personnes au pouvoir pouvaient prendre des décisions qui nous concernent tous et que le seul moyen de faire entendre nos voix était de voter aux élections.
C’est grâce à plusieurs journalistes que je suis sur Instagram (Lauren Bastide, Nesrine Slaoui, Salomé Saqué) que j’ai réalisé l’importance du vote. Cette année, je me suis particulièrement éduquée à la politique grâce aux médias et aux réseaux sociaux. J’ai regardé presque toutes les interviews de candidats d’HugoDécrypte pour me faire un avis.
Je devais voter à gauche
Pour la présidentielle, c’était une évidence : je devais voter à gauche. J’avais initialement prévu de voter Arthaud ou Poutou, qui sont pour moi les plus révolutionnaires. Mais j’ai vite compris que si j’espérais voir une gauche radicale au pouvoir, je devais voter Mélenchon. J’ai toujours été révoltée par le fait que l’argent soit un frein dans ma vie : payer mon permis, payer une école, partir à l’étranger… Je dois toujours prendre cet obstacle en compte car je ne viens pas d’une famille aisée. Une gauche radicale au pouvoir est le meilleur moyen d’y remédier. Mélenchon voulait instaurer une aide de 1 063 euros par mois pour les étudiants de moins de 25 ans indépendants de leurs parents.
Sur les réseaux sociaux, la plupart des gens comptaient voter pour lui, donc je trouvais que c’était plus stratégique de faire pareil. Ma mère, ma sœur et un de mes collègues m’ont également incitée à le faire. J’ai donc fait ce choix pour ces élections, comme la majorité des habitants du 93. Je suis partie voter avec ma mère dans ma ville, Rosny-sous-Bois. En Seine-Saint-Denis, on côtoie des gens de différentes nationalités, de différentes cultures, mais il y a aussi beaucoup de misère sociale. Donc voter pour lui était le choix le plus pragmatique.
Déconnectée avec une partie des Français
Quand j’ai vu les résultats du premier tour, je me suis sentie déconnectée avec une partie des Français. Je pensais que l’écologie et la justice sociale auraient pu suffisamment nous rassembler. Personnellement, je me sens directement impactée en tant que jeune car je veux vivre dans une planète encore habitable dans trente ans. Mais le rapport du GIEC montre que ce ne sera pas possible si nos modes de consommation ne changent pas.
Depuis le lycée, par exemple, je n’achète plus de vêtements car j’ai conscience que la surconsommation entraîne beaucoup de pollution. Même si j’essaie de faire des efforts à l’échelle individuelle, mettre en place des politiques serait beaucoup plus efficace. C’est ce que voulait mettre en place Mélenchon en inscrivant la « règle verte » dans l’environnement, pour préserver la nature.
Visiblement, ce ne sont pas les priorités de tout le monde et j’ai l’impression que, de toute façon, les choses ne vont pas changer vu qu’on a le même scénario qu’en 2017.
Aucun candidat ne me donne envie
Je comprends encore mieux les personnes qui ne votent pas et ce sera probablement mon cas. Dans mon département, le taux d’abstention au premier tour était de 30 % et je pense que, parmi les abstentionnistes, certains avaient compris que c’était perdu d’avance.
Pour le second tour, j’en ferai partie parce qu’aucun des candidats ne me donne envie de voter. D’un côté, on a Marine Le Pen, qui a une vision de la France identitaire que je trouve dangereuse. Elle pense à une partie de la population au détriment d’une autre. Son rejet des étrangers et son islamophobie assumée est problématique pour moi et, surtout, je considère que c’est loin d’être une priorité. Cela risque de créer encore plus de divisions. Imaginons qu’elle soit présidente. Rien que dans mon quartier, il y a beaucoup de personnes qui portent le foulard et qui n’ont pas la nationalité française. Dans quelle atmosphère vont-ils pouvoir vivre dans ce pays ? Le rejet ? L’angoisse ?
Je ne suis personnellement pas concernée car mes parents ont fini par avoir la nationalité après avoir travaillé pendant plusieurs années en France, mais je pense à ceux qui viennent d’arriver et qui essaient de s’intégrer comme mes parents ont dû le faire en venant ici. Je pense à ceux qui contribuent à la société française et qu’on va réduire à leur religion ou leurs origines.
En tant que jeune ça ne m’arrange pas du tout
La priorité devrait être de trouver un moyen de vivre correctement sur cette planète sans l’endommager. Mais que ce soit elle ou Macron, je ne pense pas que l’un des deux mettra des politiques en faveur de l’écologie. Ce n’est sûrement pas l’ultralibéralisme de Macron, qui voit la France comme une start-up, qui fera des choses en faveur du climat.
En plus de ça, il veut décaler l’âge de départ à la retraite. En tant que jeune ça ne m’arrange pas du tout, d’autant plus que ce sont les plus âgés qui ont voté pour un président qui va impacter le futur des personnes de mon âge. Ça, on l’a bien compris. C’est pour ça que Mélenchon était en tête chez les 18-34 ans.
Macron – Le Pen , pour moi, ce n’est pas un affrontement, je les trouve complémentaires : on a un mec qui pense surtout à l’argent et une meuf qui se préoccupe avant tout des personnes de nationalité française. « Faire barrage à l’extrême-droite » ne m’intéresse pas si ça profite à Macron.
J’aimerais faire barrage aux deux
Je ne me vois pas voter pour un président qui considère que l’université devrait être payante. J’avais écouté un extrait où il disait que le système des bourses ne fonctionne pas et que l’université devrait être payante. J’étais choquée. Si c’était le cas, je n’aurais sûrement pas pu faire d’études, ou sinon j’aurais fait un job étudiant qui m’aurait empêchée de m’y consacrer pleinement. Voter pour un président qui favorise les plus aisés après deux ans de pandémie qui ont accentué les inégalités, c’est inconcevable pour moi.
Quelques mois avant l’élection présidentielle, Irina, 18 ans, se posait plein de questions sur le vote. Elle ne se sentait ni prête, ni préparée pour une telle responsabilité.
J’aimerais faire barrage aux deux et, pour ça, je compte voter aux législatives, pour qu’il y ait un maximum de députés de gauche à l’Assemblée. Je pense que c’est la seule manière de contrer toutes les lois qu’ils voudront faire passer. Mais, le fait que Marine Le Pen veuille changer la Constitution est un risque qui pourrait me faire changer d’avis.
J’espère qu’à la prochaine élection, on pourra enfin voter pour un candidat qui nous parle vraiment, et non par défaut.
Naïma, 21 ans, volontaire en service civique, Rosny-sous-Bois
Crédit photo Hans Lucas // © Arnaud Paillard
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