Exploration à l’intuition sur les toits
Un soir, en été, je me suis retrouvé en galère à Paris. Je cherchais une solution pour combler mon ennui et, d’un coup, mon pote m’a proposé d’aller sur les toits. On est rentrés dans un immeuble, on est montés, on a activé un levier de trappe d’accès pompiers et elle s’est ouverte. Arrivé là-haut, je suis resté bouche bée.
Je voyais Paris du ciel la nuit pour la première fois. Je me rappelle la brise qui traversait mon corps. Ça me donnait des frissons. Je regardais le plus loin que je pouvais les bâtiments haussmanniens. Je regardais la rue, les lumières, et le ciel, bleu marine à la limite du rose clair. Ça a été une révélation. C’était tellement magnifique que j’ai versé une larme. Je suis resté jusqu’au lever du soleil. J’étais collé aux toits. Le début de ma passion pour l’urbex !
L’urbex, c’est mon sport. C’est de l’exploration. Je grimpe tout ce que je peux. Les petites maisons des enfants dans les parcs, les loges des gardiens, les grillages des parcs, les toits d’immeuble et le Lidl de mon quartier… Je fais des parcours dans la dalle des Olympiades, où j’habite. Le truc le plus dingue c’est de monter sur le toit d’un immeuble de ma cité qui fait 27 étages.
Passion : beauté des paysages
C’est au jour le jour. À l’instinct. Je ne prends pas la peine de me préparer. J’y vais en jogging ou dans n’importe quelle tenue. C’est l’intuition qui me dit qu’il y a quelque chose à explorer. Je ne fais pas de repérages. Je sors du métro, je me balade, je vois le quartier tellement beau que je me dis qu’en haut il doit être encore meilleur. Je rentre dans un bâtiment derrière une personne et je monte sur les toits. C’est un mélange d’excitation, d’adrénaline et de passion pour la beauté des paysages.
Les toits de Paris, j’en ai une obsession. Chaque toit est différent. Tout le monde peut grimper mais il y a des choses à apprendre. Il faut savoir se réceptionner avec les jambes, sur les doigts de pied, pas sur les talons, bien orienter ses mains, gérer sa force, analyser la distance. Ce sport me fait dépasser mes limites. C’est individuel. Mon seul partenaire ce sont les murs et tout ce qui s’agrippe, se grimpe et qui a une prise.
« Si tu fais de la merde c’est toi qui récoltes »
Je fais ça toujours avec le même ami. Mais je ne me filme pas. J’ai le vertige. Je me suis souvent fait peur. Si je penche trop ma tête vers le vide, je sens que mon corps tombe. Aller dans l’interdit ça fait partie de l’excitation. Mais c’est entre toi et toi. Si tu fais de la merde c’est toi qui récoltes. Tu marches au mauvais endroit, c’est toi qui vas tomber, pas ton pote. Alors dès que j’ai peur je fais plus attention. Je ne dérange personne et je ne heurte la sécurité ou la sensibilité de personne. Plein de fois, on m’a pris pour un voleur. Je me suis déjà fait attraper par des gardiens. Mais pour l’instant j’ai réussi à esquiver la police.
Le sport c’est fait pour libérer d’un poids intérieur. Là je vais à la recherche. Je vais chercher l’endroit qui me permettra de voir l’horizon, pour découvrir un point de vue, un angle de bâtiment. Je suis comme un montagnard de Paris. Mais les prises ne sont pas les mêmes qu’à la montagne. D’ailleurs, j’ai envie de monter les Alpes. Je n’ai jamais été à la montagne.
Yasser, 19 ans, étudiant, Paris
Crédit photo Hans Lucas // © Clara Chichin
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«Le kayak, ma pause nature », par Shu, 15 ans. Dans ce récit, il n’est pas question de la beauté du paysage urbain comme Yasser nous en parle si bien ici, mais de la beauté saisissante de la nature dans laquelle on glisse, au fil de l’eau.