Français sans pièce d’identité, je veux voter

Avant les épreuves du brevet blanc, je devais présenter ma carte d’identité au surveillant. J’ai vu mes camarades présenter une carte d’identité bleue, tandis que la mienne était jaune. C’est à ce moment-là que j’ai compris que j’étais différent. Je me sentais bizarre et j’avais comme honte… J’ai caché instinctivement ma carte.

Le soir, j’ai demandé à ma mère pour quelle raison j’en avais une différente. Elle m’a répondu que les étrangers venant de pays différents ou qui ont des origines différentes avaient, au début, une carte d’identité différente des autres.

Être d’une autre nationalité, la galère

Par la suite, j’ai dû effectuer plusieurs démarches administratives que mes amis, eux, n’avaient pas à faire, car ils avaient les papiers français. Et j’ai compris les inconvénients de la nationalité étrangère, comme les démarches administratives excessives.

Je me souviens, quand ma famille prévoyait de partir en vacances, on avait l’obligation de tout prévoir plusieurs mois en avance. On devait se démener pour avoir un rendez-vous à la préfecture, préparer plusieurs documents… pour seulement partir quelques jours ! Pour voyager dans certains pays, les gens de nationalité étrangère ont l’obligation de faire un visa sinon ils ne pourront pas voyager où ils veulent. Tandis que mes amis n’avaient pas besoin de faire tout ça. Eux, ils n’avaient qu’à acheter les tickets pour pouvoir partir.

Je me sens français

À part pour les vacances et les épreuves scolaires (brevet, bac), ma différence, je l’ai surtout ressentie dans le regard des autres. Un regard insistant. Même si, après cette première fois lors du brevet, ça ne m’a plus trop affecté.

Alors que moi, je me sens français ! Maintenant que j’ai 18 ans, j’aimerais avoir le droit de voter, même sans la nationalité. On peut tout à fait se sentir français sans avoir la nationalité si on aime ce pays, et qu’on est prêt à le soutenir. S’il y avait une guerre, je serais prêt à me battre pour la France. Je sais que je finirai mes jours ici. Ça fait quatorze ans que je vis dans ce pays. Je devrais au moins avoir le droit de voter, après autant d’années. Mais les gens de nationalité étrangère n’ont le droit de voter à aucune élection, même les locales [seul·es les étranger·es venant d’un pays européen peuvent voter aux élections locales et européennes, ndlr].

Objectif, la double nationalité

Obtenir cette nationalité, ce serait un moyen fort pour montrer mon appartenance à la France. La naturalisation me permettrait de changer ma carte. Pour l’avoir, quand on est adolescent, il y a deux moyens. Si on est né en France, on peut faire une demande de naturalisation à 13 ans. Si on est né dans un pays étranger, on doit faire la même démarche, mais il faut avoir 18 ans.

Abdou a bientôt 16 ans et voudrait pouvoir voter. Il se sent prêt à exprimer ses idées, à agir pour la communauté.

Avec le temps, j’ai commencé à comprendre que je ne devrais pas avoir honte et, au contraire, être fier. Ma culture d’origine est quelque chose qui fait partie de moi, et je l’assume pleinement. Mais je souhaiterais énormément avoir la nationalité française pour prouver que j’appartiens à la France. Une fois naturalisé, ma nationalité sri-lankaise va sauter. Je devrais alors contacter l’ambassade pour refaire une demande et avoir, enfin, la double nationalité.

Thambi, 18 ans, lycéen, Le Bourget

Crédit photo Hans Lucas // © Marie Magnin

Le droit de vote des personnes étrangères

Pour voter à la présidentielle, il faut avoir la nationalité française.

Les personnes étrangères venant de pays membres de l’UE (Union européenne) ont le droit de voter en France, mais seulement aux élections locales et européennes. Celles qui viennent de pays hors UE n’ont pas le droit de voter du tout.

Si tu n’as pas envie d’aller voter dimanche, tu peux donner ta voix à une personne étrangère grâce à @altervotants (sur Facebook). Cette plateforme te mettra en relation avec quelqu’un qui n’a pas le droit de vote.