Yann Q. 25/08/2022

Haut potentiel intellectuel : tout est plus intense

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Yann est HPI et dans sa tête, tout va très vite : il retient, ressent et comprend tout, tout le temps. C'est impressionnant, mais un peu fatigant.

J’ai été diagnostiqué HPI (haut potentiel intellectuel) à l’âge de 5 ou 6 ans. En réalité, je n’ai jamais lu le rapport du psy qui m’a suivi de 4 à 10 ans par refus pur et simple de mes parents. Ils pensaient que je pourrais frimer avec… Au départ, j’ai vu la chose comme tout le monde : « Cool, je suis super intelligent. » Oui… mais non en fait.

« Pourquoi ? »

Les plus grosses différences se remarquent à l’école. En fait, mon cerveau est en permanence au maximum de ses capacités. Je peux comprendre en lisant ou en écoutant une seule fois. Les cours où on finit par répéter les mêmes notions pendant un mois, c’est très long. Aussi, j’ai constamment besoin de tout approfondir. Donc, un mois sur une notion que l’on ne fera qu’effleurer alors que je voudrais la comprendre en profondeur… il y a de quoi se dégoûter d’une matière.

Petit exemple. En SVT, on parle de l’ADN, mais on ne parle pas de ce qu’est l’ADN en totalité. L’ADN est une chose, mais on ne sait pas ce qu’il y a dedans alors que je voudrais savoir. Pareil pour toutes les choses en cours. C’est comme ça que Wikipédia et Encyclopediae Universalis sont devenus des aides précieuses pour que j’arrête d’embêter mes profs, tellement ils en ont marre de mes « pourquoi ? » incessants.

Mon prof de maths de cette année doit quand même en avoir marre que je lui demande pourquoi on ne peut pas diviser par zéro. Je comprends qu’on ne peut pas le faire, mais POURQUOI ? La réponse se fait rarement attendre. Soit « c’est comme ça », et là je bous un peu à l’intérieur, soit « on n’a pas le temps ». Là, je ne peux rien dire. Ou sinon « tu verras en études sup. » Eh bien, il ne me reste plus qu’à faire un doctorat en tout. Il n’y a pas une formation en deux-cent-cinquante ans qui le permet ?

Ma tête est une calculatrice

Découle de cet esprit survitaminé une pensée fulgurante que je ne peux pas suivre moi-même. Je pense très rapidement et avec beaucoup d’idées différentes dans la tête. Ça m’amène aussi à résoudre des problèmes sans pouvoir l’expliquer, étant donné que je n’ai pas pu suivre ma pensée dans son truc. J’ai le résultat tout frais comme avec une calculatrice, mais c’est ma tête.

Une autre petite caractéristique : la mémoire qui retient TOUT, surtout les choses inutiles d’ailleurs. Alors, avec les autres, c’est compliqué. Comment justifier que tu retiens tout ce qu’ils disent, tout ce qu’ils font ? En disant « je suis comme ça », c’est un peu l’ironie de l’histoire, non ? On m’a déjà fait sentir que c’était bizarre au début. Enfin… on me l’a clairement dit. Alors, la solution est la même pour tout le monde : il faut juste trouver les bonnes personnes qui sauront comprendre.

Étudier chaque détail

Passons à l’hyperesthésie. Oui, bon, c’est juste une exacerbation des sens. On ne voit souvent que le grand intérêt, qui est de pouvoir saisir tous les sons, les odeurs, etc. Mais cela amène surtout un gros problème : tout rentre dans mon esprit en même temps et je dois tout assimiler. Actuellement, je suis en train d’écrire mais j’ai un peu de mal à me concentrer avec les ticiticitic des claviers, les cris des primaires, les voix de tous les autres. Et je n’ai fait que l’ouïe !

Comment survivre dans une discussion en groupe avec cinq ou six personnes si je dois étudier longuement le ton de la voix, la direction des yeux, les traits de chaque muscle du visage, la position des mains ? Et c’est encore pire si une personne a du parfum ou a un petit truc pas droit sur lui. Ah oui, et parler et réfléchir pour ne pas être largué. Imaginez étudier tout cela sur cinq personnes en même temps. Alors, devant les trente-six personnes de ma classe… l’horreur. Du coup, je dois toujours fixer quelqu’un lorsque je passe à l’oral.

Aristide a vu pendant longtemps son haut potentiel comme un obstacle : il était insolent, solitaire et refusait toute forme d’autorité. Mais il a appris à gérer.

Un jeune homme a le visage recouvert de papier d'aluminium froissé, qu'il tient avec ses doigts sur ses tempes. Le fond est multicolore et se reflète sur le papier d'alu.

Mes émotions et mes sentiments sont aussi plus intenses. Mon humeur pourrait être représentée par une courbe sinusoïdale. Pendant tout mon collège, et encore un peu aujourd’hui, j’ai vécu un phénomène commun chez les HPI qui est la froideur omniprésente. En gros, le flot émotionnel qui vient vers moi est trop fort, alors je bloque toutes mes émotions et je deviens complètement froid. C’est une carapace pour me protéger.

Être HPI, c’est difficile quand on grandit, parce que tout est différent. Mais, en réalité, c’est une force. Et c’est aussi une fierté de ne représenter que 2,3 % des 7,8 milliards d’êtres que nous sommes !

J’aimerais que ceux qui me connaissent et qui lisent ce texte puissent me découvrir réellement ; et que cela puisse aider certains HPI plus jeunes que moi à croire en eux. Parce qu’on a d’incroyables capacités !

Yann, 14 ans, lycéen, Rennes

Crédit photo Pexels // CC Ron Lach

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