Jeff R. 07/02/2019

J’ai pris mon indépendance à 8000 km de chez moi

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Guadeloupéen, j'ai débarqué seul à Paris. Les lessives, le ménage, les transports, l'indépendance, c'est plein de nouvelles choses à gérer. Et la solitude à affronter.

A 18 ans, le bac en main, j’ai eu envie de nouveauté, d’indépendance. J’ai décidé de m’installer à Paris, seul. Plus d’assistanat, maman n’est plus là. Le ménage, les factures, les courses, les tâches du quotidien, tout est pour moi.

Une page s’est tournée en Guadeloupe et une autre s’est ouverte. Une grande, une belle. À Bois-Colombes, dans le 92. J’en ai eu de la chance ! Dire que pendant les grandes vacances précédant mon départ, je n’avais toujours aucune perspective de logement. Résidence U : négatif, il fallait s’y prendre plus tôt. Finalement, j’ai trouvé un 15 mètres carrés. « Ça n’a pas l’air bien grand », a estimé ma mère. C’était tout ce qu’il me fallait.

Fini la chambre à partager, fini l’attente pour se doucher, enfin mon intimité. Prochain objectif : être autonome, ne plus dépendre financièrement de personne. 500 euros par mois, ça fait beaucoup quand même. Mais je tiendrai ma parole. Je rembourserai en intégralité ma mère comme je le lui ai promis en partant.

Pour l’instant, je n’ai pas de travail, et donc pas d’argent, faudra repasser pour l’indépendance. Même à 8000 kilomètres, je reste épaulé.

Beaucoup de choses à gérer !

Petit-déjeuner, brossage de dents, douche, gourde dans le sac… Je prenais de l’avance à mes débuts. À présent, je sais que je suis large. Je prends le train de 8h20. À 8h31, j’arrive à Saint-Lazare. Je slalome et fais la course jusqu’à la ligne 12 du métro. À 8h52, je suis à Clignancourt. J’entre en amphi. À 18h, je quitte la fac. Fidèle à moi-même, je fais en sorte de battre mon record de 21 minutes et 33 secondes pour me rendre à Saint-Lazare et prendre le train de 37. Me voilà servi, moi qui n’aime pas le contact physique. Qu’est-ce que l’on est serré sur la ligne J ! Je m’y ferai. 12 minutes plus tard, j’arrive à Bois-Colombes. Ce n’est que le deuxième arrêt et pourtant, plus les jours passent, plus j’ai l’impression de passer les 12 minutes les plus longues de ma vie.

Arrivé en ville, j’achète le pain qui me servira de petit-déjeuner le lendemain et le surlendemain. Qu’est ce qu’on mange ce soir ? Le grec, c’est bon un moment, mais ça ne dure pas longtemps. Pour rester en forme, mon programme, c’est légumes tous les soirs. Enfin, en réalité, les légumes, c’est chiant à la longue. Et j’ai un gros appétit. Bon, je verrai au fil du temps. Mais de toute façon, cuisiner le soir, ce n’est pas génial dans un 15 mètres carrés : impossible de dormir la fenêtre ouverte pour aérer, elle donne sur la cour d’en face.

Indépendant, mais seul

Venu de Guadeloupe, à Paris, je suis vraiment seul. Je ne connais personne. Ça change de là-bas, j’y étais bien quand même. Ma vie était paisible mine de rien.

Mais je ne dois pas décevoir ma mère, elle compte sur moi et c’est important pour moi. Je ne suis pas très bavard. C’est difficile de se faire des amis à la fac. Mais je reste fort. Heureusement que j’ai le sport pour rythmer mes journées. Je n’ai pas le temps de glander et bienheureux, je dors à poings fermés.

Léana, elle, c’est à 15 ans qu’elle s’est mise à habiter seule ! Pas évident de gérer en parallèle du lycée, mais elle va y arriver !

Un jeune fille tient son casque qui entoure son cou de la main gauche. On ne voit pas son visage. Sur son tee-shirt, on aperçoit le mot rêve écrit en capitales. En arrière plan, on voit une route.

Alors l’indépendance, qu’est-ce que c’est ? Pour un jeune Antillais, aux traits de personnalité ensoleillés, plongé dans la grisaille de Paname, l’indépendance, c’est un concentré d’émotions nouvelles : se sentir seul, éprouver de la mélancolie et du chagrin par rapport à une décision que l’on a prise seul et en toutes connaissances de cause. L’indépendance, c’est aussi murir, grandir. Quand on n’a plus ses parents, sa famille, on passe un palier dans la vie.

Jeff, 18 ans, étudiant, Paris

Crédit photo Flickr // CC Alexandre Abrial 

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4 réactions

  1. Je suis très admirative du courage et de la détermination de ces jeunes, qui ont à cœur de réussir leur vie. Ils ne baissent pas les bras devant l’adversité, les obstacles. Ils sont combatifs, ils puisent leurs ressources dans leurs racines, leurs origines, l’éducation que leur a transmise leur parents à qui il sont tellement reconnaissants.

  2. j’ai l’impression qu’il parle de moi ! c difficile au début mas aprés on s’adapte

  3. super article, la réalité de la vie d’un étudiant qui vient s’installer en france !

  4. J’ai l’impression qu’il parle de ma nouvelle vie.

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