Inès Z. 04/06/2024

« Je ne voulais plus attirer les regards »

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Inès a été harcelée et agressée par des garçons. Au collège et en dehors. Pour y échapper, elle a décidé de perdre du poids, jusqu’à devenir anorexique.

« Inès, t’es bonne ! » Ce genre de parole m’a fait tomber dans l’anorexie mentale. J’ai eu des « formes » très tôt. Vers mes 11 ans, j’ai eu mes premières règles, contrairement aux autres filles de ma classe. Ça a fait que j’ai eu des remarques, des blagues, des surnoms – comme « gros cul » – des regards déplacés, et très souvent des attouchements de la part de camarades. J’ai très rarement parlé de ce qu’on me faisait. Et quand j’en parlais, la personne n’était jamais sanctionnée. Ça continuait aussi en dehors du collège. Dans la rue, on me demandait souvent mon Snap, les regards étaient assez déplacés et il y avait encore des attouchements.

Suite à tout ça, j’ai voulu perdre du poids. J’étais à 52 kg au départ. Je suis descendue jusqu’à 37 kg en quatre mois. Je ne voulais plus attirer les regards. Et ça a fonctionné. L’été, en maillot de bain, personne ne me regardait, contrairement à avant. J’ai donc changé mon régime alimentaire, jusqu’au point où je ne mangeais que des légumes non caloriques, et seulement en petite quantité.

Nouvel An à l’hôpital

Mon alimentation était au centre de ma vie. Je passais mes journées à regarder des recettes peu caloriques qu’au final je ne mangeais pas. Ma médecin m’a prévenue que je devais prendre du poids avant la consultation suivante. Cela n’a pas été le cas et j’avais même encore perdu. J’ai donc été à l’hôpital de Meaux. Ma famille l’a mal vécu mais elle me soutenait pour que je m’en sorte, surtout du côté maternel. Mes parents sont séparés. Ma mère aussi a été touchée par l’anorexie mentale. Elle savait comment réagir.

J’ai été dans le service pédiatrique de l’hôpital de Meaux du 12 décembre 2022 au 14 février 2023. Dès la première semaine, j’ai repris 500 grammes. C’est peu, mais les médecins m’ont dit que c’était très bien. Les premières semaines étaient très dures pour moi. Ma famille a l’habitude d’aller à Colmar pour Noël. J’ai eu une autorisation de sortie, exceptionnelle car le fait de marcher risquait de me faire perdre du poids. Pour le Nouvel An, j’étais à l’hôpital, sans ma famille.

Je ne voyais mes parents que deux heures par semaine. Je n’avais pas de téléphone. Aucun contact avec l’extérieur. Les médecins voulaient me mettre dans une sorte de « cocon ».

Au fur et à mesure, j’allais de mieux en mieux. La sortie approchait, j’ai eu plus d’autorisations, comme pouvoir aller à la cafétéria, avoir mon télélphone, etc. Le 14 février, c’était le jour de la visite de ma mère. Ma médecin m’a dit qu’aujourd’hui je pouvais sortir. Ça m’a surprise de ouf.

« Qui provoque ces traumatismes ? »

Le retour à la vie « normale » n’a pas toujours été facile. Je n’ai pas tout de suite repris les cours normalement. Au départ, j’avais mon repas fait par ma mère. Je commençais les cours à 10 heures et les finissais à 16 heures. Et je ne passais pas de contrôles. Le fait de reprendre du poids me fait toujours un peu peur mais j’ai trouvé des solutions. Je suis toujours suivie par une psy, ma pédiatre me voit encore et mon médecin généraliste aussi.

Ce n’est pas toujours facile pour ma famille. J’ai encore des sautes d’humeur si je trouve que j’ai trop mangé, par exemple. Le fait de faire un sport qui me plaît, le foot, m’aide aussi.

En tout cas, depuis que je suis sortie de l’hôpital, je n’ai plus jamais été la même. Je me suis promis que si quelqu’un me faisait des attouchements, j’en parlerais et je ne me laisserais plus faire. J’entends souvent que ce serait de la faute des filles, parce qu’elles s’habilleraient de façon « provocante ». Mais la plupart s’habillent de façon non-provocante et subissent aussi des violences. Et dans tous ces cas, qui provoque ces traumatismes ? Donc remettez-vous en question, et éduquez mieux vos fils !

Inès, 14 ans, collégienne, Coulommiers

Crédit photo Pexels // CC Oleg Ivanov

 

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