Nourhane C. 29/07/2019

Je remercie mon père, malgré son éducation stricte

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Après avoir été élevé par un père particulièrement sévère, Nourhane a fait l’expérience de la liberté en vivant chez son grand-père. Un excès de liberté auquel il a finalement renoncé.

À l’adolescence, j’habitais en Côte d’Ivoire. Je n’étais pas comme tous les enfants de mon âge. Moi, mon père était un peu trop strict et sévère. Je n’avais pas le droit de jouer à certains jeux parce qu’ils les trouvaient salissants ou non éducatifs. Je n’avais pas le droit de faire comme les autres. Cela m’énervait, je ne comprenais pas pourquoi je ne devais pas être comme eux. Mais quand on est « ado », on veut faire des trucs d’ado. On ne réfléchit pas pareil à 15 ans et à 20 ans.

Les sorties détente avec eux ou en milieu scolaire, je ne les ai pas connues car, selon mon père, l’hygiène et la sécurité n’y étaient pas. J’y allais à condition que les parents soient présents. Je n’avais pas le droit de rester dehors au-delà de 18 heures. En retard d’une ou deux minutes, j’avais droit aux coups de chicotte. Il me sortait un dicton : « L’amusement que tu n’as pas dans la journée, ce n’est pas la nuit que tu le feras. »

D’un autre côté, j’avais certaines choses que mes camarades ne possédaient pas : j’ai eu mon premier ordinateur en CM2 ce qui a créé en moi un amour pour l’informatique, les jeux éducatifs et de société. J’avais même le luxe d’avoir de l’argent de poche et de gérer les dépenses de la maison.

Mon déménagement, ma libération un peu chaotique

Pour les études et après un événement politique tragique, j’ai déménagé dans le nord du pays, à Korhogo. Résident chez mon grand-père, j’ai connu un peu plus de liberté. Je pouvais sortir tard et rentrer tard, je me suis fait de nouveaux amis, certains dans des bails pas trop corrects. Et je traînais avec eux pour ne pas encore me sentir à l’écart. Sauf que je me suis senti pousser des ailes. J’ai fait tout ce que je n’avais pas le droit de faire avant : sortir dans les boîtes de nuit en sautant tardivement la clôture de la maison – parsemée de morceaux de bouteilles – consommer de l’alcool pour faire le mec cool, fumer des cigarettes, toucher à la drogue, découvrir le mysticisme, « me farcir des filles » comme on dit dans le jargon.

J’étais comme une pièce à deux faces : calme, courtois, poli et timide devant la famille, ceux que je respectais et qui ne me connaissaient pas. Et ce petit diable, créé hier par toutes ces frustrations et interdictions, qui n’attendait que d’être dans son élément pour foutre la pagaille. Au point que même les aînés du quartier, les caïds me collaient la paix et cherchaient plutôt à m’avoir avec eux.

Puis, j’ai quitté cet environnement et, après maintes réflexions et en cherchant à connaître ma religion, je me suis remis en cause. Je ne voyais pas vraiment le positif dans toutes ces libertés même si des fois, j’y revenais quand j’étais tenté et perdu. J’ai compris pourquoi mon père avait été dur dans mon éducation : lui aussi était sûrement passé par là. Il avait fait sa rétrospective et tiré un bilan de son parcours. Avec le recul, l’éducation dite « militaire » prônée par mon père m’a été bénéfique car quand j’ai approché la majorité, je n’avais pas la même manière de voir les choses et de réfléchir que mes camarades.

Avec le recul, je comprends l’éducation qu’il m’a inculquée

Inculquer des principes et des valeurs dans l’éducation de nos enfants, c’est important. Mais il faut leur laisser un peu de liberté afin que ceux-ci puissent s’affirmer. Si mon père avait ajouté la communication à ses principes d’éducation, je n’aurais peut-être pas fait toutes ces choses même si j’avais vécu seul ! Il ne suffit pas de donner à l’enfant tout ce qu’il désire, lui interdire des choses, inculquer des valeurs pour être proche. S’il n’y a pas de communication entre parent et enfant, il existera toujours un fossé.

Anna a 18 ans et aimerait bien avoir son indépendance, comme sa sœur avant elle. Mais ses parents ne la trouvent pas assez mature pour quitter le nid.

A travers les baies vitrées du rez-de-chaussée, on voit une jeune femme en robe en train de crier, les mains posées sur la vitre.

Aujourd’hui, j’ai bientôt 24 ans, responsable, un peu introverti, je remercie mon père pour l’éducation qu’il m’a donnée. Malgré quelques déboires, elle a fait de moi la personne que je suis à ce jour. Et si demain le créateur me fait la grâce d’être père, je me comporterai avec mes enfants de la meilleure des manières possibles en réduisant au plus les coups et en semant le sens de la communication. Comme on dit dans ma langue : « Ni ma bô ité koyé. » Celui qui ne part pas à la découverte de nouvelles choses n’apprendra rien et ne sera pas plus sage !

Nourhane, 23 ans, volontaire en service civique, Paris

Crédit photo Unsplash // CC Kay

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