Junior J. 18/01/2022

Je veux rentrer au pays

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La famille de Junior pense qu’il aura un meilleur avenir en France qu’au Gabon. Mais lui veut tout faire pour que son père craque et le laisse rentrer.

C’est ma famille qui m’oblige à rester en France. Moi, j’aimerais bien repartir dans mon pays, le Gabon, mais je suis contraint de rester ici. Si seulement ils pouvaient être à ma place et comprendre que ce que je vis est très dur, mais ce n’est pas le cas… Ils me disent : « Reste ici, ton avenir va être meilleur qu’au Gabon. »

Au Gabon, c’était la belle vie

Un jour, mon père a pris la décision de me garder en France sans me le dire, sans mon avis. Pour moi, c’était comme un enlèvement. Ma mère, elle, est restée au Gabon. Je suis né là-bas, je venais ici depuis longtemps mais je n’ai jamais voulu rester, parce que la France m’ennuie grave. Au Gabon, je sortais tout le temps, c’était la vida loca ! Une belle vie, une vie chaude. J’ai envie d’y retourner, avec mes amis, mes parents, l’ambiance de mon quartier en mode H24, entre frères ou entre amis…

Tous les jours, on s’appelle avec ma famille, mais j’explique à personne tout ce qu’il se passe ici. Sinon, mes parents, ils vont débarquer vite fait pour tout régler. Mes amis par contre, je leur dis, mais pas tout : je ne rentre pas dans les détails, mais ils savent que ça se passe mal.

Ici, je vis dans le risque

En France, la majorité de mes amis, c’est des bicraveurs… Je suis obligé de me retrouver dans l’illégal ! Ça m’est arrivé plusieurs fois, c’est mon quotidien. Je fais des livraisons de cité en cité – comprendront ceux qui pourront comprendre. Ça se passe très bien, frère, je me fais des sous… Mais c’est vrai que des fois les condés pètent certaines personnes. Je n’ai jamais été arrêté par les flics, zéro fois…

Ce n’est pas une bonne vie, tu vis dans le risque. Ma famille ne va jamais être au courant : frère, je ne veux pas voir ma mère pleurer. Je pense que si elle le sait, elle va me demander d’arrêter et je serai obligé de le faire, car c’est la seule personne qui peut me calmer. Le reste du monde, je m’en bats les couilles. Je fais juste ça dans le but de faire craquer mon père, comme ça peut-être qu’il va me renvoyer au Gabon… Je dis « peut-être » parce que je sais que lorsqu’il dit un truc, il ne revient jamais sur sa décision.

Mon corps en France, mon esprit au Gabon

Lorsque vous liez des liens avec certaines personnes et que, du jour au lendemain, on vous annonce que vous allez passer plusieurs années sans vous voir, ce n’est pas facile. Ça me manque : mes vrais amis, mon frère, ma mère… et le fait de voir mon père avec ma conne de belle-mère, ça me casse les couilles !

Parce qu’elle fait des choses bizarres : elle fait une différence entre les enfants. Tu vois, mon père m’a fait avec ma mère, et elle, ma belle-mère, elle a deux enfants, un avec mon père et l’autre avec un Camerounais.

Quitter son pays natal est douloureux pour beaucoup de personnes exilées. Abdallah, aujourd’hui en France, cherche depuis plus de dix ans sa famille disparue au Tchad.

Quand mon père est là, tout se passe bien, elle se fait passer pour une bonne femme, mais quand il n’est pas là, en voyage, ça devient l’enfer. C’est la guerre ! Je ne sais pas si vous avez déjà regardé Tom et Jerry, sinon allez voir comment ça se passe. Moi, je me définis un peu comme Jerry parce que je déjoue tous ses plans : elle va me balancer des mauvaises paroles, alors je vais mal lui répondre, je l’insulte, etc.

Pour ma mère, je suis obligé de me forcer à rester ici, c’est tout. Jusqu’au jour où je vais travailler et me trouver une maison. Ce sera déjà mieux, sans ma belle-mère. Mon corps va rester en France mais, quoi qu’il arrive, mon esprit sera toujours au Gabon.

Junior, 16 ans, lycéen, Villejuif

Crédit photo Unsplash // CC Brian Lundquist

 

Le mal du pays

Le mal du pays, c’est quoi ?

C’est un sentiment de manque ou de regret de son pays d’origine. Il est provoqué par la perte brutale de repères lors d’un déménagement à l’étranger ou d’un exil. Comme la dépression, le mal du pays peut aussi se manifester par des maux physiques.

C’est un phénomène ancien

Avant, le mal du pays était appelé « nostalgie ». Il a été diagnostiqué et nommé pour la première fois dans un hôpital suisse en 1688, mais apparaissait déjà dans l’Odyssée d’Homère ou encore… dans la Bible !

Avant, il était soigné

Jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, la « nostalgie » était traitée par les médecins et prise au sérieux. Et pour cause : beaucoup de soldats en souffraient en partant au front et se laissaient mourir. Aujourd’hui, le mal du pays est plutôt vu comme une petite déprime passagère.

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1 réaction

  1. Bonsoir,
    J’apprécie beaucoup l’honnêteté de Junior.
    Par expérience, je me permets de lui proposer de rentrer au Gabon, car son esprit s’y trouve réellement.
    Mon petit-frère a le même parcours que celui de Junior.
    Personne ne le comprenait après plusieurs années. Le pire lui est arrivé. Cela a été un miracle qu il survive sur le lit de l’hôpital. Il avait juste besoin de vivre aux côtés de notre mère, bien que nos parents étaient convaincus qu il avait tout à gagner en restant en France.
    Alors, je me suis battue pour convaincre mes parents afin de venir le récupérer en France, car mon petit frère devenait un cercueil ambulant dans la ville de Nantes. Il était éteint et le sourire ne le reconnaissait plus. Il se laissait mourir à petit feu. Aujourd’hui il est très épanoui au Gabon. Le plus dure c est de quitter la France malgré le NON de la famille et d’avouer réellement la vie que Junior mène ici.
    Ton avenir réside où tu te sentiras le mieux !

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