Maya G. 06/11/2024

« La froideur de la dame du Samu m’a traumatisée »

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À 26 ans, Maya a perdu la sensation d’une partie de sa main après un banal accident domestique. Depuis cette expérience traumatisante, des phobies lui empoisonnent la vie.

8h30. Un verre tombe. Dans la précipitation et pour éviter que mon fils ne se blesse, je le ramasse, le pose sur la table et le drame arrive : je m’ouvre la main. C’était une journée normale de mère au foyer avec trois enfants en bas âge qui commençait. Nous prenions le petit-déjeuner tous les quatre.

J’appelle mon conjoint, parti au travail. Il demande à ses parents de venir me voir. Je perds énormément de sang. J’appelle le Samu. Je tombe sur une femme. Je lui explique que je me suis ouvert la main au niveau de la base du pouce et que je ne le sens plus.

Elle me demande si c’est une tentative de suicide et si je suis toute seule chez moi. Je lui réponds que non. Que je suis avec mes trois enfants. Froidement, elle me dit de me rendre à l’hôpital, à environ 3 km de mon appartement. Par mes propres moyens.

Mes beaux-parents arrivent. Je leur ouvre, puis plus rien ! Le trou noir. J’ai la sensation d’être au-dessus de mon corps. Tout est calme. Puis, le brouhaha environnant revient. Ma fille hurle. Mes garçons pleurent. Mon beau-père m’emmène à l’hôpital. Je me souviens avoir vomi dans sa voiture. 

Arrivés sur place, on m’annonce que deux artères et un nerf ont été sectionnés. Ils m’ont recousue partiellement. Je me suis fait opérer le lendemain dans un autre hôpital que celui de ma petite ville bretonne. Je ne retrouverai jamais la sensation de mon pouce, de mon majeur, et d’une partie de ma main. 

Une réadaptation difficile

Aujourd’hui, je suis incapable d’appeler le 15, tellement j’ai perdu confiance. Je suis en colère contre eux. Si le Samu m’avait prise en charge lors de l’appel, ils auraient compris que j’avais perdu énormément de sang. Que j’avais perdu connaissance et que ma tête avait cogné le sol quand je suis tombée. 

La froideur de la dame du Samu m’a traumatisée. Je ne veux plus retourner dans l’hôpital de ma ville. Il me fait froid dans le dos. Me rappelle cette journée. Mon conjoint a peur qu’il m’arrive à nouveau quelque chose de grave. 

Pendant longtemps, j’en ai fait des cauchemars. Je suis toujours traumatisée par le bruit du verre qui casse. J’ai développé une hématophobie [peur irrationnelle du sang, ndlr]. Je ne me sens plus en sécurité dans mon appartement et j’ai toujours des douleurs dans ma main et mon bras. J’ai beaucoup de séquelles. J’ai gardé des cicatrices. Mais je suis en vie. J’ai fini par demander un suivi psychologique.

Depuis, j’ai suivi des séances de kinésithérapie pour réapprendre des trucs bêtes comme tenir une fourchette ou un crayon. En même temps que ma fille de dix mois…

Maya, 28 ans, en recherche d’emploi, Ille-et-Vilaine

Crédit photo Hans Lucas // © Estelle Ruiz – Photo issue d’un reportage sur le réveillon aux urgences et au Samu du centre hospitalier universitaire de Rennes, le 31 décembre 2023.

 

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