Agathe M. 22/07/2024

Le tir sportif, comme une séance de psy

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Agathe s’est mise au tir sur les conseils de sa psychologue. Atteindre sa cible lui permet de gagner en sérénité. 

Tous les jeudis soir, je vois ma thérapeute. Son cabinet situé dans un bâtiment haussmannien du 12e arrondissement de Paris est dans une petite chambre de bonne délicatement décorée. La pièce est chaleureuse et paisible. On y parle de mon vécu, de mes ressentis et de mon adoption. Ces moments de vie que j’ai du mal à surmonter et qui hantent parfois mon sommeil. Pour me soulager, de nuit comme de jour, ma psychologue m’a conseillée de faire du sport. Je l’ai regardée, dubitative.

Quand j’étais petite, je jouais à la balle au prisonnier pendant les récréations, je faisais du tennis en club après l’école, j’allais au ski avec mes parents. Mais suite à une blessure aux genoux, j’ai ralenti le rythme jusqu’à arrêter complètement. Depuis, je pratique la mollesse, c’est-à-dire que mon sport se résume à marcher vite quand il pleut et à sauter au-dessus des flaques d’eau. Entre deux rires discrets, ma psychologue m’a orientée vers le tir à l’arc. J’ai alors pensé au tir. J’ai toujours voulu en faire, un peu comme dans les séries policières américaines, un peu comme mon frère qui possède une arme. C’est ainsi que mon histoire d’amour avec le tir sportif a commencé.

Mon refuge

J’ouvre la porte et le courant d’air habituel me claque à la figure. Vite, je me dépêche d’entrer. J’entends le silence que je suis venue chercher, dans cette salle fermée, froide et silencieuse qui va devenir mon refuge. Ici, loin du chahut. Je rejoins le pas de tir destiné à tirer à 10 mètres de distance et je choisis un poste de tir éclairé de sorte que la lumière ne soit pas trop éblouissante. Je sors mes cibles en carton que j’envoie contre le mur à l’aide d’une petite machine appelée «  rameneur de cible ». Je visse la bouteille de gaz sur la carabine, j’ouvre le chargeur et j’insère un plomb. Je soulève la carabine. Je suis debout, je cale l’arrière de l’arme dans le creux de mon biceps droit et je pose l’avant sur ma main gauche. Mes épaules sont relâchées. Je respire un grand coup comme je le fais quand je médite. Puis, je ferme les yeux et j’aligne les différentes parties de mon corps afin de prendre conscience de ma position, bien ancrée dans le sol.

À travers le viseur, la cible paraît loin, mais je me sens prête. Je bloque ma respiration, index sur la gâchette. J’appuie et le plomb part. J’expire. Et je recommence. Un coup, deux coups, trois coups. Je ramène la cible vers moi pour observer le résultat. Suspense. J’ai réussi le tir groupé, les plombs ont été tirés proches les uns des autres. Cela traduit beaucoup de régularité, de concentration et de persévérance. Je suis fière de moi, je me sens soulagée.

« Je me canalise »

Les entraînements durent plus d’une heure mais je ne vois jamais le temps passer. J’ai toujours mes AirPods dans les oreilles avec la même playlist dédiée au tir. Les musiques et leurs paroles défilent dans ma tête en concordance avec mes émotions. Elles font écho à cette partie de moi, perdue, qui n’attend qu’à être accueillie. Je me rappelle des souvenirs, des réussites et des échecs, du bonheur et de la tristesse, des questionnements sans réponse, des contradictions, de la solitude.

Lorsqu’on me demande en rigolant qui je vise lorsque je tire, je réponds bien sûr que je n’imagine personne. Aucun visage, aucune identité. Je ne ressens aucune colère, ni rancœur, ni agressivité. Au tir je ne me défoule pas, je me canalise. Lorsque j’appuie sur la gâchette, chaque tir est une manière pour moi de gagner en sérénité. Comme après une bonne séance de psy, je suis plus apaisée après une séance de sport.

Agathe, 25 ans, étudiante, Paris

Crédit photo Pexels // CC Karolina Kaboompics

 

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