Les écrans, partout, tout le temps
La première chose que j’entends en rentrant chez moi, c’est le bruit du jeu de foot de mon père. Un brouhaha de supporters mêlé aux voix des commentateurs sportifs. Avant même d’avoir franchi la porte, je sais déjà qu’il est à sa place habituelle sur le canapé, en train de jouer à la PlayStation. Et c’est pareil pour le reste de la famille.
J’hésite une seconde avant d’entrer. Pas le choix. Je pousse la porte, je dis bonjour à tout le monde. Mon petit frère est dans l’angle du canapé, une console dans les mains et son téléphone posé à côté. Ma mère, elle, colorie en écoutant une série sur son téléphone posé devant elle. Seule elle me demande comment s’est passée ma journée. Mon père est trop concentré sur son jeu.
Face à ça, je n’ai qu’un réflexe : faire pareil. Je me mets sur mon téléphone avec mes écouteurs pour faire abstraction du reste.
Chacun son écran
Quand l’heure du dîner arrive, il faut aider à mettre la table pendant que mon père finit son match. On mange devant la télé. Au programme : Les Simpsons, comme à chaque repas. À table, il n’y a aucune discussion. Quand j’essaie de raconter ma journée, la réponse est toujours la même : « Tais-toi ! On n’entend pas la télé. »
Mon petit frère, qui n’a que huit ans, est déjà accro à son téléphone et à sa Switch. Dès qu’on lui enlève, il devient irritable, il boude. Quand j’en parle à mes parents, ils répondent que c’est normal, que « ce n’est pas la même génération ».
Le week-end et les jours fériés, je respire un peu. Comme mon père travaille, je sors souvent avec ma mère chez des amies. Mais même là, elle garde son téléphone à portée de main pendant les repas. Pendant les vacances, le temps semble long, même si on essaie de faire des sorties ou des jeux de société. Il y a parfois des moments sans écrans, mais c’est très rare. Mon père ne sort presque jamais.
J’ai souvent envie de leur hurler que j’ai besoin de parler, de me confier, pas de rester face à un mur. Je sais que les écrans sont partout, dans toutes les familles. Mais parfois, j’ai l’impression d’être l’une des seules à vivre comme ça.
Mathilda, 17 ans, en formation, Questembert
Crédit Pexels // CC cottonbro studio
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