La maison des adolescents, mon refuge
C’est mon médecin de famille qui m’a conseillée d’aller consulter à la maison des adolescents. C’est une unité spéciale à l’hôpital pour les problèmes psys des 12-25 ans. On peut parler du viol, du harcèlement, des problèmes dans nos familles et de plein d’autres choses.
En début de troisième, j’ai pris rendez-vous chez mon médecin pour lui dire que j’étais à bout. J’avais des idées suicidaires. Des idées noires persistantes, jour et nuit. J’ai essayé de lui en parler. C’est compliqué de parler des soucis qu’on rencontre dans la vie de tous les jours. Mais j’y suis un peu arrivée. Il a vu dans quel état j’étais et il a fait un courrier pour l’hôpital, en expliquant qu’il fallait vite faire quelque chose pour moi.
Dès le lendemain, à l’hôpital, on m’a conseillée d’aller à la maison des adolescents. On m’a expliqué ce que c’était, qu’il y avait des infirmières, une éducatrice, un psychologue, et un psychiatre. J’ai pris rendez-vous pour la semaine suivante. Rien que ça, ça m’a rassurée, je me suis dit qu’enfin je pourrais parler de mon mal-être à quelqu’un qui peut l’écouter. Quelqu’un de spécialisé.
Pas besoin de parents pour y aller
J’ai préféré aller toute seule à mon rendez-vous. Mes parents étaient au courant, mais on peut y aller sans qu’ils le sachent et ça, c’est génial. En arrivant, je me suis installée dans la salle d’attente. Il n’y avait que des jeunes, et une musique relaxante. C’était une ambiance calme, apaisante. Voir d’autres jeunes, ça m’a permis de me sentir moins seule.
J’avais plein de questions qui tournaient dans ma tête, en mode : « Comment je vais réussir à parler de ce que j’ai ? Est-ce qu’ils ne vont pas me prendre pour une folle malade ? » Enfin bref, que des trucs comme ça, parce que je n’avais jamais vu de psychiatre ou même de psychologue.
Une infirmière est venue me chercher. Elle s’est présentée et m’a amenée dans une petite salle. Au début, c’était assez compliqué de parler de ce qu’on a dans la tête à une inconnue, mais elle m’a mis tout de suite en confiance. Habituellement, je n’ai pas confiance dans les gens que je ne connais pas, mais j’avais vraiment envie de m’en sortir, alors j’ai pris sur moi. Et puis c’est une professionnelle, je savais qu’elle n’allait pas me juger. Elle m’a posé plein de questions sur moi, ma famille, pourquoi j’avais ces idées-là… Elle était vraiment à l’écoute, on sentait qu’elle était habituée aux problèmes des jeunes.
Par la suite, les rendez-vous sont devenus de plus en plus fréquents. J’en avais un tous les mois, et après deux fois par mois. Puis, l’infirmière m’a orientée vers un psychiatre.
Respect du secret médical
Aujourd’hui, je suis toujours suivie à la maison des adolescents par un psychiatre. Ça fait sept mois. Durant cette période, j’ai fait plusieurs tentatives de suicide, je me suis scarifiée et j’ai été hospitalisée.
On peut y parler, et les professionnels ne vont pas aller le dire à nos parents. Il y a le secret médical. S’ils le font, c’est toujours en accord avec le jeune. On me l’a expliqué et je l’ai vécu. Quand ma psychologue et mon psychiatre voulaient rencontrer les miens, ils m’ont toujours demandé mon avis et on en a discuté lors des entretiens. Mes parents ont pu les rencontrer, et ils ont eu aussi une consultation pour eux.
Sophie aurait aimé être mieux entourée lors de ses tentatives de suicide. Elle n’a pas trouvé l’écoute qu’elle attendait chez les adultes autour d’elle.
Là-bas, j’ai croisé des gens que je connaissais, je ne savais même pas qu’ils avaient des problèmes.
Je parle assez librement de ma prise en charge, et sans tabou. Je pense que c’est super important de raconter les obstacles qu’on a pu rencontrer, pour pouvoir tous s’aider mutuellement et se dire qu’il y a toujours une solution. J’aurais aimé que des personnes partagent leurs expériences, pour que moi je puisse me dire : « Je ne suis pas toute seule avec ce problème, je ne suis pas folle, je vais bien. »
Laure, 15 ans, lycéenne, Brest
Crédit photo Hans Lucas // © Chau-cuong Lê – Moment de détente entre ados dans la pièce de vie commune de la maison des adolescents de Caen, le 9 décembre 2009.