Mon meilleur copain et moi contre la maladie
Léo, c’est mon meilleur copain. Je le connais depuis que j’ai 3 ans. C’est avec lui que je partage mes meilleurs moments, même s’il a une très grosse maladie depuis qu’il est né. Il souffre de la mucoviscidose. Tous les jours, il doit prendre des médicaments et aller chez le kiné. Quand j’étais près de lui, je m’en occupais. J’allais avec lui pour ses rendez-vous médicaux. Je l’accompagnais chez le kiné.
Maintenant, on ne se voit plus, sauf pendant les vacances. Je suis passé devant un juge aux affaires familiales pour dire si je devais vivre chez mon père ou chez ma mère. Il a dit que je devais aller vivre chez ma mère alors que ce n’était pas mon choix. Je n’ai pas pu dire quelque chose car j’étais trop jeune.
Cette séparation m’a rendu triste et un peu en colère. J’en veux à ma mère de nous avoir séparés et de m’avoir emmené aussi loin de la Normandie. J’ai l’impression que la vie n’est plus pareille.
Chaque moment ensemble est précieux
Avant, je ne pensais pas à ce que pouvait faire cette maladie. Plus ça va, plus je me suis renseigné. Je sais maintenant ce qu’elle veut dire. Elle est très grave. Il ne peut pas courir comme moi. Ses poumons ne sont pas pareils que les miens. Il y a des choses que moi je peux faire et que lui ne peut pas faire. Moi je peux aller à la piscine, pas lui. Il est allergique à la poussière, pas moi. Quand on va faire du motocross et qu’il y a trop de poussière, il met un masque.
Le fait de savoir tout ça me fait dire que chaque moment est précieux et qu’il faut que j’en profite avec lui. C’est ce qui renforce la sensation de tristesse d’être parti de Normandie. On a encore moins de temps ensemble. Du coup, pendant les vacances scolaires où je suis chez mon père, j’en profite pour aller voir ma famille et Léo.
Je m’inquiète pour lui. Je prends souvent des nouvelles, je lui envoie des textos. On ne parle pas de la mucoviscidose quand on se voit, car quand on se retrouve c’est pour vivre des bons moments, en profiter, faire des choses ensemble.
Le tabou de la maladie
Les quelques fois où il m’en parle, c’est quand il sort de l’hôpital ou quand il a passé des examens. Il me dit tout ce qu’ils lui ont fait pour savoir comment guérir la maladie ou savoir quel médicament il doit changer. Il ne dit jamais que cette maladie est mortelle et qu’il peut en mourir. Parfois il le dit à ses parents mais pas à moi, jamais. Ce n’est pas un truc qu’il aborde facilement, parce que ce n’est pas très heureux, je dirais même que c’est tabou.
Avant, quand on habitait à côté, on faisait du vélo ensemble tout le temps dans des chemins ou sur un terrain de BMX. J’allais chez lui, on jouait à la console tous les deux. Je dormais même là-bas. On allait voir des courses de motocross ensemble presque tous les week-ends, et pendant les vacances on faisait plus de 10 km en vélo par jour. Tout ça me manque beaucoup.
Chez ma mère, j’ai l’impression de n’avoir personne. J’essaie de négocier avec elle et la mère de Léo pour qu’il vienne une semaine ici à Pau pendant les vacances, mais le trajet reste très cher, donc il ne peut pas venir tout le temps. Aujourd’hui, ce qui me rend heureux, c’est qu’on peut jouer à la PlayStation à distance avec Léo. J’en profite pour prendre de ses nouvelles, savoir si sa maladie s’aggrave. J’espère revivre un jour chez mon père pour passer plus de temps avec lui. Cette séparation, c’est comme si quelqu’un de ma famille était décédé. Léo, je le considère comme un frère.
Mohamed, 14 ans, collégien, Pau
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