Mikaela N. 16/06/2023

À la mémoire de mon grand-père

tags :

Mikaela a appris à lire sur ses genoux. C'est son grand-père adoré qui lui a transmis l'amour des mots et des livres.

Si vous me demandez ce que j’aime faire dans la vie, il y a 99 % de chance que je vous réponde « j’aime lire ». Ma grande histoire avec les livres se déroule en deux étapes. La première, je n’étais pas encore née. Ma mère me lisait des histoires pour calmer mes coups de pied. Eh oui, j’étais un vrai numéro 10 ! La deuxième, c’était le jour de mes 6 ans. Mon grand-père avait passé l’été à m’apprendre à lire et m’avait offert mon premier livre. MON LIVRE À MOI. Je ne l’avais pas hérité de mes grands frères et sœurs comme tous les autres, ni emprunté à la médiathèque. Non… celui-là il était rien que pour moi. C’était Le Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry.

« Le pe-tiii prin-CE Antoine de Saint E.X… Papy, comment on lit ça stp ?

— Saint-Exupéry. »

Je repris mon souffle et à nouveau : « Le Petit Prince, Antoine de Saint-Exupéry. » Je vis dans son regard beaucoup de fierté, le genre de fierté qu’on ressent après avoir passé deux mois à apprendre à une fillette de 6 ans à lire. « Bravo ma petite princesse ! Joyeux anniversaire, maintenant c’est toi qui va me lire des histoires. »

Apprendre à lire, un défi à relever

Alors je me suis entraînée à le lire, après l’école au moment du goûter, le soir avant de dormir. Il me fallait impressionner « mon gros grand roi », le surnom que j’avais attribué à mon grand-père en raison de sa corpulence, sa barbe, son allure majestueuse et la forte autorité qui émanait de lui.

Vint le vendredi soir, « le vendredi sans les parents avec Papi ». Je lui laisse à peine le temps de s’installer, je commence à réciter la première ligne que j’avais appris par cœur : « Lorsque j’avais 6 ans j’ai vu, une fois, une magnifique image, dans un livre. » Je cours chercher le livre dans le tiroir et s’ensuit une longue lecture avec quelques fautes de prononciation… bien sûr.

À la fin, je fixe son visage à la recherche de son approbation et je vois des larmes. Il me prend dans ses bras et chuchote : « Je suis fier de toi. » Une petite phrase prononcée en quelques secondes mais qui marque à vie. Des jours plus tard, il m’a offert un second livre, puis un autre et un autre et un autre…

Le professeur de plein d’autres enfants

La transmission et son amour des lettres, il en a fait son métier. Il disait souvent : « Je suis professeur de lettres, le meilleur métier au monde. » Et d’aussi loin que je me souvienne, rares sont les fois où j’ai entendu les autres l’appeler par son prénom. C’était toujours « le prof » ou « monsieur Bonheur » car c’était un homme très jovial, qui aimait la vie, toujours prêt à sortir un vers de réconfort emprunté à Confucius.

C’était mon grand-père. J’ai hérité de son sourire, de sa grande taille et de son épicurisme. C’était mon professeur, il m’a appris l’alphabet, à lire, m’a transmis son amour des lettres et de l’écriture. L’amour de l’histoire, de l’actualité, le goût du débat.

Il était aussi le professeur de beaucoup d’autres, j’en ai vraiment pris conscience lorsque, pendant ses obsèques, un bon nombre de ses anciens étudiants étaient présents et ont tenu à lui rendre hommage par un texte rempli de reconnaissance et d’amour. L’un d’entre eux, qui écrit beaucoup à ses heures perdues, nous a raconté que cette passion lui venait de mon grand-père, qui avait été le premier de ses professeurs à l’encourager à écrire pour s’exprimer malgré sa dyslexie.

Mon rêve : transmettre à mon tour

Je continue de lire, deux, trois, cinq livres par mois. Mes moments de lecture sont ceux où je me sens le plus en phase avec moi-même, des moments de détente, d’évasion. Je lis de tout ou presque, mais surtout des contes philosophiques, témoins de l’influence des goûts de mon grand-père. Sans doute la raison pour laquelle mes livres préférés sont L’Alchimiste de Paulo Coelho et Le Mesnevi de Rûmî.

J’essaie de perpétuer cet héritage au travers ma petite sœur, même si elle n’hésite pas à me rappeler sa préférence pour les mathématiques dès que je lui offre un nouveau livre. J’ai toujours eu pour rêve de posséder une grande maison d’édition et de traduction de livres pour enfants. En attendant, je fais la lecture aux enfants de 2 à 6 ans chaque premier samedi du mois à la médiathèque de ma ville, ce qui m’aide à comprendre les différents goûts de lecture. C’est un outil indispensable à la construction de mon projet.

Chez Selena, le style gothique se transmet de génération en génération. C’est toute une culture qu’elle partage avec ses parents.

Capture d'écran de l'article "Gothiques de mère en fille" illustré par un dessin :

Cette maison d’édition sera l’occasion pour moi de transmettre le goût de la lecture à d’autres enfants dans le monde et peut-être, à mon tour, d’avoir un impact positif dans la vie d’autres personnes. J’en ai souvent parlé avec lui, de ce rêve, et il me répétait : « Une pomme par jour éloigne le médecin, un livre dans une vie peut sauver des vies. »

Je remercie le ciel de m’avoir donné un grand-père merveilleux qui savait toujours voir le bon côté de la vie, et de qui j’ai tout appris. Je sais que, même là-haut, il joue au professeur (et au cancre). À la mémoire de mon papi, merci pour tout grand maître !

Mikaela, 20 ans, étudiante, Paris

Crédit photo Unsplash // CC HamZa NOUASRIA

Partager

Commenter