Depuis que ma mère est absente de ma vie, je sais ce que je lui dois
Je me suis souvent dit : « Je serais perdue sans ma mère ! » Savoir qu’on a une personne qui nous attend à la maison, à qui on pourra raconter sa journée, c’est sans doute l’une des meilleures sensations au monde. Aujourd’hui, je me sens perdue et seule sans elle. Je passe des heures à me rappeler les souvenirs passés. J’aimerais remonter le temps pour être à nouveau dans ses bras. Depuis notre séparation, je vis un gros manque en moi. Une grande tristesse me submerge.
Camerounaise et fille unique, je suis arrivée en France en 2012, grâce au regroupement familial. J’ai vécu à Saint-Cloud avec ma mère et mon beau-père. Je n’ai eu que ma maman comme repère, exemple et soutien. Lorsque je suis née, j’avais beaucoup de problèmes de santé car j’étais prématurée et en Afrique, la médecine est très approximative. Ma mère avait déjà perdu un bébé, prématuré comme moi. Alors, quand je suis venue au monde, elle a voulu me protéger de ces dangers, parfois de manière maladroite. J’ai été très couvée.
À l’adolescence, nos relations sont devenues plus complexes et difficiles à gérer. Je voulais un peu de liberté, je pensais savoir ce qui était bon pour moi, mais surtout, je voulais qu’elle me laisse trouver ma propre voie. Ma mère, elle, voulait tout contrôler et décider pour moi. J’ai pourtant pris l’initiative de faire du volley-ball et très vite, j’y ai pris goût, au point de développer une véritable passion. En 2014, je jouais la coupe de France avec mon équipe à Saint-Cloud ! J’ai alors eu envie de faire sport-études, mais ma mère n’a pas été d’accord. Elle voulait que je me concentre sur mes études.
Sans ma mère, je ne serais pas cette fille forte de caractère
Nos relations sont devenues de plus en plus compliquées… Jusqu’à ce qu’en 2015, ma mère me renvoie en Afrique pour me punir ! J’y suis restée trois ans. Quand je suis revenue en France, ma maman a eu des soucis de santé… Le juge a alors décidé de me placer. J’ai intégré le foyer Tandou en décembre 2018. Je ne savais pas à quoi ressemblait la vie en foyer, mais j’ai appris à m’y faire et à m’adapter. Ce n’est pas évident de dormir dans un petit lit, de voir des éducateurs différents à chaque fois, de cohabiter avec 40 personnes, de subir leur humeur, de ne pas pouvoir manger mon repas préféré ou regarder ma série favorite quand je veux. Mais je ne dirais pas que c’est un endroit où on maltraite les jeunes. C’est plus comme un internat. Si je vis des moments joyeux ou si je fais des nouvelles rencontres, j’ai aussi parfois le blues. Mais j’ai fini par comprendre pourquoi j’étais là et à l’accepter avec philosophie.
Entre 13 et 20 ans, Carine a vécu au Bénin sans sa mère qui était partie en France. Une séparation longue et douloureuse. « Sept ans sans ma mère, c’était trop long »
J’aimerais pouvoir à nouveau dire à ma mère que je l’aime. On ne dit pas assez aux gens qu’on aime ce qu’ils représentent pour nous. On ne leur montre pas assez notre gratitude. Depuis que ma mère est absente de ma vie, je sais que tout ce que je suis, je le dois à sa ténacité. Sans elle, je ne serais pas cette fille forte de caractère, ambitieuse et intelligente. Quand les doutes m’envahissent et que la peur du futur me saisit, je l’entends encore me répéter : « Moi je crois en toi et je sais que tu vas t’en sortir. » Et tout de suite, je reprends du courage. Je me sens plus confiante.
Erika, 17 ans, lycéenne, Paris
Crédit photo Grown-ish de Kenya Barris et Larry Wilmore (série, 2018)