Mes maraudes avec la Croix-Rouge
J’avais 19 ans quand j’ai intégré la Croix-Rouge à Aulnay-Sous-Bois. Je me suis d’abord concentrée sur les actions sociales, les maraudes, les distributions alimentaires, les vestiaires. J’ai ensuite décidé de passer mes formations pour pouvoir faire du secourisme.
Ma première maraude fut assez spéciale. J’ai demandé à un sans-abri comment il allait, s’il avait besoin de quelque chose. Il m’a juste demandé un café et m’a dit de prendre bien soin de moi, par politesse. Je lui ai retourné sa parole et il est parti. Quelques secondes plus tard, je l’ai entendu crier. Il jetait tout ce qu’il avait à la main sur moi. Le bracelet de l’hôpital qu’il avait au poignée aurait dû m’interpeller. Je pense qu’il était fou car j’ai appris plusieurs semaines plus tard qu’il avait été arrêté. Il avait tenté de tuer (oui oui, il a osé !) un autre bénéficiaire de la Croix-Rouge. Je n’ai pas failli mourir, mais c’est tout comme.
Parfois, c’est dangereux. Parfois, c’est difficile.
Au chaud, chez moi, je culpabilise
Une fois, nous nous sommes arrêtés à l’hôpital Jean Verdier. Nous sommes allés jusqu’à la salle d’attente des urgences où les vigiles laissent parfois quelques personnes se reposer pour la nuit. Une femme était là. Sandra elle s’appelait. Je ne sais pas pourquoi sa situation m’a touchée plus que d’autres. Je voulais la prendre dans mes bras et lui dire que tout irait bien un jour, que tout cela n’était qu’une expérience passagère. Mais impossible. Dans ce milieu il faut rester neutre : ne pas montrer ses sentiments, ne pas prendre parti à un débat politique ou religieux, en bref, être un bon petit soldat.
J’ai aussi passé de bon moments, à rigoler, à parler de films et de séries. J’ai même envié ceux qui avait eu la chance de voir des grandes légendes de la musique en concert, à l’endroit même où ils passent leurs nuits.
Mais (puisqu’il y a toujours un « mais ») en rentrant chez moi, souvent vers 2 ou 3h du matin, je ne peux toujours pas m’empêcher de culpabiliser d’avoir un toit sur ma tête et de retrouver mon lit, au chaud.
J’ai surtout voulu faire ça pour aider une personne que je considère comme une deuxième figure parentale. Je l’ai poussée à faire ça avec moi pour lui montrer que même si elle passait par des choses difficiles, à ce moment-là, il y avait toujours pire dehors. Dis comme ça, ça paraît égoïste. Ça l’est un peu en vrai… en partie. J’ai décidé de l’aider pour me donner bonne conscience.
Je suis maintenant responsable Jeunesse de l’action sociale, et je compte évoluer là-dedans. Faire carrière dans le social et continuer à aider en apprenant aux autres.
Yasmine, 19 ans, lycéenne, Le Bourget
Crédit photo Flickr / Conseil Départemental des Yvelines