Mon identité est multiple : aux États-Unis j’ai laissé tomber les étiquettes
Comme beaucoup d’enfants d’immigrés, je me suis toujours questionnée sur mon identité. En Italie, mes camarades de classe me demandaient souvent : « T’es née où ? Est-ce que t’es italienne ou marocaine ? » J’étais enfant, c’était plutôt difficile. J’essayais de trouver un équilibre entre ces deux entités qui me constituaient. Née en Italie de parents marocains, j’ai déménagé en France à l’âge de 11 ans, et les choses sont devenues encore plus complexes.
Une transition au moment de l’adolescence, période de questionnements. Pour se forger une identité, on a tous tendance à se baser sur nos origines et nos héritages culturels. J’ai donc essayé de faire pareil. Je suis passée de la case « Italienne » à la case « Marocaine ». Puis j’ai fait des allers-retours entre l’une et l’autre. « Française », cela ne me venait jamais à l’esprit au début.
Quand je retournais en Italie, je ne pouvais plus être « l’Italienne d’origine marocaine », parce que j’étais désormais perçue comme « la Marocaine qui est devenue française ». Puis, lorsqu’en été j’allais au Maroc, on me demandait : « Alors, t’es italienne, française ou marocaine ? » Et je ne savais pas vraiment quoi répondre. Alors, en fonction de mon humeur, je me collais une des étiquettes au hasard. Il est plus facile de forger sa personne en se donnant une étiquette, cela nous évite de passer par les tourments intérieurs qu’entraîne la quête d’identité. Toutefois, se mettre dans une « case » ne fait que repousser le moment fatidique où l’on est obligé de faire face à cette question : « Qui suis-je vraiment ? » Et là, les cases n’ont plus de sens. J’ai compris que, parfois, il fallait faire un mix entre nos différentes « étiquettes » pour trouver un équilibre.
J’ai réfléchi à ce que veut dire « être française », à mon identité
Mon séjour aux États-Unis a été un moment décisif dans cette quête d’identité. Je m’y suis rendue dans le cadre du programme des Jeunes Ambassadeurs. Ce programme comportait un séjour de deux semaines, dont une en famille d’accueil dans laquelle nous devions « représenter la France ». En ayant ce titre et ce nouveau rôle, cela m’a permis de réfléchir à ce que voulait dire « être française ». Je crois que c’est croire aux valeurs « Liberté, Égalité et Fraternité » et les mettre en pratique chaque jour. Et en ce sens, j’ai commencé à me sentir française.
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Aux États-Unis, lorsqu’on me posait des questions sur la France, je savais y répondre. Néanmoins, lorsqu’on me demandait mon avis personnel, j’étais confrontée à un dilemme : est-ce que je devais parler en tant qu’ambassadrice de la France ou donner mon opinion personnelle façonnée par un vécu teinté de différentes cultures ? Parfois, ce dilemme ne se posait pas, parce que ma vision des choses était en complet accord avec la « vision française ». Par exemple, lorsque je parlais avec des jeunes lycéens américains du système éducatif et qu’ils me disaient que chez eux les cours nécessaires pour recevoir le diplôme de fin d’études dépendaient de chaque État. Là, je n’avais aucun mal à parler du système français, du programme et des examens nationaux, car je trouve que les enseignements de l’école publique devraient être les mêmes, peu importe l’endroit où l’on est scolarisé.
J’ai appris à sortir de ma zone de confort
Mais il m’est arrivé de devoir faire la distinction entre « l’opinion française » d’un côté, et mes opinions personnelles de l’autre. Lorsqu’on a parlé de laïcité par exemple. Je leur ai expliqué qu’en France, la religion devait être réservée à la sphère privée et qu’à l’école, les enfants ne devaient pas porter de signes religieux. Si je suis d’accord avec la laïcité à l’école, pour empêcher d’éventuelles discriminations liées à la religion des élèves, ça peut créer des problèmes. Ma famille américaine m’a répondu qu’ils avaient l’impression qu’en France, on devait cacher ses origines et sa religion, car on était français avant tout alors qu’aux États-Unis, on n’hésitait pas à montrer son héritage culturel et sa religion : on peut très bien se considérer comme « jewish-american » (juif-américain) ou « african-american » (afro-américain) tout en se sentant 100% Américain.
Cette discussion m’a fait beaucoup réfléchir, et je pense préférer l’approche américaine. On pourrait mieux s’épanouir en tant qu’individus pluriels, ce qui éviterait une certaine frustration quand on ne sait pas à quel groupe on appartient. En France et en Europe en général, j’ai l’impression qu’on doit d’abord s’assurer d’être français pour ensuite pouvoir parler de ses origines, mais en aucun cas ce sera quelque chose qu’on mettra en avant. Une laïcité plus « ouverte » pourrait par exemple aider les femmes musulmanes à qui l’on interdit plusieurs postes dans le secteur public à cause de leur voile, considéré comme ostentatoire.
Jasmine c’est en France qu’elle l’a compris ! Avec ses quatre cultures, elle n’a jamais vraiment trouvé sa place. Une identité multiple qu’elle essaie de comprendre.
Avec mon voyage aux États-Unis dans le cadre des JA, j’ai compris que pour savoir qui l’on est vraiment, il ne suffit pas de se replier sur soi-même et sur ses origines. Il faut accepter les tourments incessants, les questionnements récurrents et les doutes. Il faut savoir sortir de sa zone de confort, pour mieux se connaître, car les actions seules comptent. « Qui suis-je vraiment ? » J’ai compris qu’il n’y avait pas de réponse définitive, que cela évoluait en permanence.
Aux États-Unis, j’ai pu me familiariser avec le monde associatif et y trouver ma place. Ce programme m’a permis de voyager de l’autre côté de l’Atlantique ainsi que de voyager à l’intérieur de ma personne pour mieux me connaître.
Imane, 17 ans, lycéenne, Bordeaux
Crédit photo Unsplash // CC Denerio Watkins
Ton article sonne très juste. Merci pour ce témoignage Imane ! Je suis si fière de toi !!!