June G. 17/02/2021

#MeToo : de la conscience à l’action

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Avec #MeToo, June a compris les violences qu'iel a subies. Suite à quoi iel a organisé plusieurs actions pour casser les tabous.

Octobre 2017, j’avais tout juste 16 ans, je découvrais le mouvement #MeToo ou #BalanceTonPorc pour la France. Ces mouvements m’avaient fait réfléchir sur les expériences des personnes de mon entourage assignées femmes à la naissance (afab) et moi-même. Je commençais enfin à pouvoir poser des mots sur des événements que je n’avais jamais réussi à expliquer. J’ai compris que j’avais été victime de violences sexuelles et que je n’en avais pas pris conscience. Parallèlement, j’ai pris conscience de quelque chose d’encore plus déconcertant : je ne connaissais presque pas de personnes afab qui n’avaient pas été victimes.

Venant de la campagne, ce sujet était pire que tabou. Les seuls souvenirs de discussions que j’avais, c’est quand ma mère m’avait dit de ne pas monter dans la voiture d’un·e inconnu·e, ou cinq minutes de cours d’éducation sexuelle en cours de SVT au collège. Ma prof avait tenté de parler de consentement et de violences sexuelles en parlant de « flou sexuel ». Un bien joli terme banalisant ces violences encore trop peu comprises à l’époque.

Ça soulevait en moi des émotions assez inédites : la peur d’une sorte de domination ancestrale masculine sur les femmes, la colère contre ces violences, et un désespoir immense de voir tous ces visages amicaux révéler en eux une blessure jamais traitée.

Féministe et militant·e

Mon militantisme féministe a commencé. Pas seulement contre les violences faites aux femmes, mais pour tout ce qui touche à l’égalité entre les genres. J’étais décidé·e à vouloir casser les tabous autour de ces traumatismes par des mots et des actions. En commençant par m’aider moi-même, afin de mieux pouvoir aider les autres ayant vécu des violences et des discriminations.

À partir de 2016, je me suis lancé·e dans plusieurs projets : des collages d’autocollants représentant un petit cochon sur fond jaune avec inscrit « Balance ton porc » (confectionnés maison sur Photoshop) dans toutes les grandes places de Lyon pour dénoncer le harcèlement de rue avec mes ami·es ; la participation à des rassemblements et manifestations féministes comme ceux organisés par Nous Toutes et Collages Féministes Lyon.

Mon témoignage aux yeux de tout le monde

Mon engagement le plus émotionnel et hurlant, c’était lors de l’événement « J’avais » organisé en 2020 par Collages Féministes Lyon. Il consistait à envoyer par mail son témoignage relatant notre expérience des violences sexuelles dans le but d’être collé·e dans toute la France. Je leur ai envoyé le mien, qui a été collé à Lyon, aux yeux de tout le monde :

[Trigger warning : viol]

« L’été dernier, j’ai aidé mon meilleur ami et sa copine à emménager dans leur tout premier appartement. […] Je suis resté·e dormir le soir dans leur nouvel appart. En sachant qu’ils vivent dans un studio, je dormais au sol et eux dormaient sur leur clic-clac. Vers 5h du matin, la copine de mon meilleur ami […] est partie au travail.

Mon meilleur ami m’a alors proposé gentiment de le rejoindre dans le lit. On se rendort. Je suis légèrement réveillé·e un peu plus tard car je sens que mon ami m’attrape pour m’enlacer, je ne percute pas grand chose et me rendors. Plus tard, je me suis réveillé·e, bloqué·e entre le mur et la masse que représentait son corps, en train de subir ce que je ne saurais retranscrire. J’étais tétanisé·e, incapable de faire sortir un son de ma bouche, j’avais l’impression d’être tout·e étourdi·e et je suis retombé·e dans un profond sommeil.

Je me suis réveillé·e avec les idées très peu claires et il m’a fallu du temps pour vraiment réaliser ce qui m’était arrivé. Plus exactement, au moment de me doucher, j’ai remarqué des traces sur mon corps qui m’ont ravivé des souvenirs et ont confirmé mes peurs. Le pire, c’est qu’après ça j’ai fait comme si de rien n’était avec lui, et lui n’a jamais rien mentionné. Nous avons passé le reste de la journée ensemble, comme si de rien n’était. Quand sa copine est revenue du travail dans l’après-midi, j’ai prétexté avoir une urgence pour repartir.

Je suis sorti·e de chez eux, complètement paniqué·e, et j’ai eu le réflexe d’appeler ma copine qui a tout de suite réagi pour me venir en aide et m’aider à éclaircir mes idées. Après cette journée, je suis entré·e en contact quelques jours plus tard avec sa copine pour lui parler de ce qu’il m’avait fait, elle a nié en bloc et lui en a parlé, ce qui l’a rempli de rage et il a lui aussi nié en bloc. Depuis je ne leur parle plus, et je dois vivre avec ça.

J’avais 17 ans, c’était mon meilleur ami, il emménageait avec sa copine, il m’a violé·e dans leur lit, et nie en bloc. »

Ce fut pour moi à la fois d’une grande douleur et d’un grand soulagement de savoir que j’étais écouté·e et compris·e, et que ce témoignage pouvait potentiellement éveiller des personnes, voire même aider certaines touchées par ces violences.

Aider, rassurer

Je me bats aussi à mon niveau. J’essaie d’aider mes proches victimes à prendre conscience de ce qu’iels ont vécu·es. Par exemple, un des souvenirs de détresse qui m’a le plus marqué·e : c’est quand une amie s’est effondrée lors du tournage d’un court-métrage d’ami·es. Je l’ai prise à part afin de la rassurer. Elle m’a parlé de ses tracas. Notamment un : un ami à elle avait abusé d’elle. Elle ne savait pas que c’était un viol et ne savait absolument pas quoi faire. J’avais alors fait de mon mieux pour l’accompagner dans son processus de guérison.

Cet événement m’a conforté·e dans mon envie de mener des actions sur le sujet. Il m’a fait prendre conscience de la nécessité de communiquer sur l’égalité des genres. D’abord, pour expliquer l’existence et la gravité des violences sexistes et sexuelles. Et ensuite, pour ne plus laisser passer ou refouler, ces violences, sous peine d’en être marqué·e encore plus douloureusement à vie.

Des actions concrètes

En ce moment, je suis en service civique en EMI (éducation aux médias et à l’information) dans une bibliothèque. J’en profite pour créer des animations et des événements. Le but est de lever le tabou à propos des violences sexuelles et parler des discriminations de genre et de sexualité, même à petite échelle. Actuellement, j’essaie d’organiser un événement sur l’image de la femme dans les médias à travers le temps. Ça soulèvera énormément de sujets comme la sexualisation de la femme, ou sa sous-représentation dans certains types de média.

Pour Valentine aussi, #MeToo a été l’élément déclencheur d’une prise de conscience, pour se souvenir de ses propres expériences de harcèlement et de violences sexistes, pour questionner son éducation au consentement

Capture d'écran d'un autre article de la ZEP. On voit un ensemble de papier en forme de tourbillon sur lesquels il est écrit "NO"

La lutte contre les violences faites aux opprimé·es, mais aussi pour l’égalité entre les genres et entre les sexualités me rend furieu·se, parfois extrêmement triste, ou parfois juste désolé·e pour la société dans laquelle on vit. Société dans laquelle je m’efforce de m’épanouir malgré mon genre et mon orientation sexuelle encore trop stigmatisés aujourd’hui. Je me battrai aussi longtemps qu’il le faut. Mon combat est, d’abord, pour mon intégrité. Ensuite, je le mène pour que l’on reconnaisse les violences et qu’on les considère. Je me bats pour que les personnes victimes sachent qu’elles sont écoutées, comprises et accompagnées. Pour que la culture du viol ne soit plus.

June, 19 ans, volontaire en service civique, Lyon

Crédit photo Unsplash // CC Mélodie Descoube

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