Yanice S. 14/05/2025

Ministères amers

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Pour booster son CV avant de se lancer dans les concours de la fonction publique, Yanice a décroché un job de contractuel au ministère de l'Intérieur. Il y a surtout appris la patience... et l'ennui.

J’ai longtemps pensé qu’il ne pouvait exister plus ennuyeux qu’être assis dans un amphi à écouter un enseignant raconter quelque chose de chiant. Mes expériences dans les ministères m’ont prouvé le contraire.

Pour un étudiant se destinant à passer les concours de la fonction publique, je me suis dit qu’il serait bien vu d’avoir des expériences professionnelles à mettre dans mon CV. 

À l’été 2023, je me lance. Me voilà agent contractuel au ministère de l’Intérieur ! Je m’attendais à quelque chose de prestigieux et de sérieux. Une semaine avant le début de mon contrat, on m’appelle un lundi à 8h20 pour me dire de venir le jour même à 9 heures. Moi, j’étais encore au lit. Je me prépare en un quart d’heure et je saute dans le RER, puis dans le métro, direction le site, situé rue des Pyrénées, dans le 20e arrondissement de Paris.

J’arrive devant un énorme bâtiment au style futuriste. J’entre dans un hall immense après avoir passé différents portiques de sécurité. Je suis complètement perdu. On m’oriente, me réoriente. C’est comme dans Les Douze Travaux d’Astérix, la parodie de l’administration où Astérix et Obélix doivent passer des épreuves pour obtenir un laissez-passer. 

Pas de PC, pas de travail 

Après avoir été redirigé trois fois, on appelle la RH pour m’aider. Je suis enfin présenté à l’équipe avec qui je vais bosser cet été. Je peux démarrer mon travail. Enfin bon, c’est ce que je crois. Il n’y a pas de PC disponible pour moi. « Il devrait arriver dans la semaine », m’annonce le service informatique. Le ton est donné. 

Retour au bureau. Pour temporiser, on me donne de la documentation à lire et on me laisse « en observation » avec mes collègues. Rien de plus pour aujourd’hui.

Les jours se suivent et se ressemblent. Au bout de quatre jours, mon PC arrive. Je vais enfin pouvoir bosser ! Ma tâche principale m’est confiée : élaborer un questionnaire sur les applications financières comme Chorus. 

En quatre jours, c’est bouclé. Prochaine étape, attendre la validation du chef. Sauf qu’il est en vacances pendant deux semaines. Entre-temps, je n’ai aucune tâche à me mettre sous la dent. Je m’ennuie comme un rat mort. Et c’est accentué par le fait que je ne discute pas avec des collègues. C’est l’été. L’équipe n’est pas au complet et dans mon bureau, je suis seul. 

Pour tuer le temps, je me balade sur l’intranet du ministère. Plus ça avance, plus c’est long. J’ai même fini toutes les formations en ligne mises à disposition. Je demande de nouvelles tâches, mais aucune ne m’est confiée. Lorsque je comprends que mes journées ne vont pas se remplir, je finis par venir le plus tôt possible pour partir le plus tôt possible pour sauver ma journée.

Deux semaines passent. Mon chef revient. Le questionnaire est enfin validé. Je me dis que je vais enfin pouvoir passer à la suite. Le questionnaire est lancé. Il faut maintenant attendre les réponses… Me voilà de retour dans le vide et je me demande déjà comment je vais le combler. L’été touche à sa fin tout comme la fin de mon contrat. Je vois enfin le bout du tunnel. 

« Qu’est-ce que je me suis fait chier ! » 

Un an après, l’été revient. Rebelotte. Cette fois-ci, j’atterris à Bercy, au ministère de l’Économie. « Avec 3 000 milliards de dettes, ça doit bosser là-dedans. » C’est ce que je me disais avant de commencer mon job. Cette fois-ci, j’ai essayé d’anticiper l’ennui. Lors de l’entretien pour mon poste, je leur ai demandé d’élargir ma fiche de poste, histoire d’avoir des choses à faire.

Premier jour : grand bâtiment, hall immense, plusieurs lieux de restauration et toujours pas de PC ! Comme un sentiment de déjà vu. C’est même pire ! Mon PC n’arrive qu’au bout d’une semaine et demi. En attendant, encore de la documentation. 

On me dit de prendre des pauses, de ne pas aller trop vite sur les tâches. Les pauses-déjeuner sont de plus en plus longues, jusqu’à atteindre deux heures. J’ai tellement rien à faire qu’on me laisse partir plus tôt. Le code de la route devient mon bouquin préféré.

La fin du mois d’août arrive et bilan : qu’est-ce que je me suis fait chier ! Ces expériences m’ont donné une bonne leçon. Je ne peux pas travailler dans un endroit où je me dis que je vais m’ennuyer avant même d’y aller. 

Printemps 2025. Voilà que je vais devoir y retourner pour un stage. Encore un nouvel endroit : la préfecture de police de Paris. Je n’y vais plus avec enthousiasme et j’ai déjà préparé comment ne pas m’ennuyer. Je ferai mon mémoire de master. 

Yanice, 23 ans, étudiant, Vitry-sur-Seine 

Crédit photo Pexels // CC Edmond Dantès

 

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