Sophie B. 13/01/2025

Mon grand-père, Alzheimer et moi

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Quand son papi a commencé à perdre la mémoire, Sophie a redoublé d’inventivité pour essayer de lui rendre ses souvenirs. À seulement 21 ans, elle est devenue aidante, en prenant aussi tout l’administratif en charge.

Pour mon grand-père, tout a commencé par des petits oublis, des questionnements étranges… Toutes ces petites choses nous ont interpellées, ma mère et moi. C’est pour cette raison que nous l’avons accompagné à son rendez-vous chez le médecin, au groupement médical de Vitré, en Bretagne.

La docteur nous a indiqué que nous ne pouvions pas faire les tests officiels pour détecter la maladie d’Alzheimer, compte tenu de son âge avancé : 91 ans. Mais il y avait de fortes chances qu’il s’agisse bien de ça. Je n’avais aucun doute. Malheureusement, aucun traitement ne pouvait lui rendre ses souvenirs.

Pendant l’été 2022, j’ai pris la décision d’aider mon grand-père, pour me rapprocher de lui. J’avais des connaissances sur les structures et les dossiers administratifs grâce à mon bac pro Sapat (Services aux personnes et aux territoires). Je me suis investie corps et âme pour l’accompagner et faire travailler sa mémoire.

Pour lui, j’ai créé un cahier d’exercices intitulé « Papi, mon roi ». Je dessinais. Il essayait de reconnaître ce que je dessinais. J’écrivais. Il lisait. Il recopiait. Ce cahier renferme des tas de souvenirs créés malgré la maladie. Je l’ai fait dans l’optique de stimuler un maximum sa mémoire pour tenter de limiter la progression de la maladie.

En mettant ça en place, j’ai constaté qu’il avait du mal à comprendre et entendre ce que je lui disais. Ça m’obligeait à lui parler fort. J’ai donc pris l’initiative de prendre rendez-vous chez un audioprothésiste pour l’appareiller afin de faciliter notre communication. Grâce à ça, j’ai vu une amélioration lorsque l’on faisait ses exercices tous les deux.

Le calendrier

Je lui ai aussi concocté un magnifique cadeau de Noël rempli d’amour qui, je l’avoue, me permettait de faire travailler encore sa mémoire. C’était un calendrier personnalisé avec plein de photos. Chaque début de mois, je passais le voir pour lui demander qui étaient les personnes présentes dessus et pour lui rappeler les événements qui avaient eu lieu. J’étais immensément fière de cette réalisation.

Avant la maladie, je n’étais pas très proche de lui. Je me rappelle pourtant de photos peu après ma naissance sur lesquelles il me tenait dans ses bras et me regardait avec amour et admiration. J’avais envie de lui rendre une partie de cet amour.

Ensuite, son état s’est dégradé et il a eu besoin de plus d’aide. Je me suis rendue au point d’information de proximité pour les personnes âgées et leurs aidants pour obtenir des informations et des documents. À partir de ce moment, ça a été la spirale administrative. J’ai tout fait seule.

En attendant, il est venu vivre avec ma mère et moi. On a pu se rendre compte qu’il ne parvenait plus à se repérer dans le temps et dans l’espace. À contre-coeur, j’ai commencé à remplir le dossier pour l’Ehpad. Quelque jours plus tard, il a fait comme une crise. Il était désorienté. Je l’ai fait hospitaliser.

J’ai poursuivi les démarches auprès de l’Ehpad pour qu’il y soit admis à la sortie de l’hôpital. Quelques semaines après son arrivée, il est tombé et est retourné à l’hôpital. La chute et la maladie l’ont rendu de plus en plus agressif. Je ne le reconnaissais plus.

Les premiers événements sans lui

Après sa chute, mon grand-père est retourné à l’Ehpad quelques temps, puis il nous a quittés. Quand j’ai reçu l’appel, je n’y ai pas cru. Il ne pouvait pas avoir abandonné le combat. Notre combat.

Du haut de mes 21 ans, j’avais déjà été confrontée à la mort, mais son décès m’a anéantie. J’avais commencé une formation en apprentissage dans le but d’obtenir le diplôme d’État d’accompagnement éducatif et social. Je comptais travailler auprès de personnes âgées ou d’enfants en situation de handicap.

Quand mon grand-père est mort, j’ai arrêté la formation. J’ai voulu préserver ma santé mentale et me concentrer sur mon deuil et sur moi. Je me suis consacrée aux seules activités qui me faisaient plaisir : la couture et la broderie. Il y a eu la colère, la peur, la tristesse et la culpabilité, puis l’acceptation et les premiers événements sans lui.

Grâce à ces moments passés à ses côtés, j’ai eu la chance de créer des souvenirs uniques que je suis la seule à détenir. Ça les rend encore plus chers à mon cœur.

Sophie, 22 ans, en recherche d’emploi, Balazé

Crédit photo Unsplash // CC Janosch Lino  

 

France Alzheimer sort les aidant·es de l’isolement

Si vous souhaitez apporter votre soutien à l’un·e de vos proches atteint·e de la maladie d’Alzheimer, vous pouvez vous rapprocher de l’association France Alzheimer.

Elle propose notamment une formation pour les personnes souhaitant devenir aidant·es, des entretiens individuels pour celles et ceux qui se sentent dépassé·es, ainsi que des webinaires et des ciné-débats.

Cette même association organise aussi des rencontres pour les proches ayant besoin d’être entouré·es. Les aidé·es, aidant·es et les proches peuvent se retrouver autour de cafés-mémoire, d’actions de convivialité pour lutter contre l’isolement social que peut entraîner la maladie ou encore lors de séjours de vacances.

France Alzheimer fédère 101 associations départementales que vous pouvez contacter directement grâce à votre code postal sur leur site.

Il est aussi possible de les appeler en journée au 0 800 97 20 97 (service et appel gratuit) ou en soirée entre 20 heures et 22 heures au 0 970 81 88 06 (coût d’un appel local).

 

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