Solène A. 03/04/2016

Nous sommes éveillés, réveillés ! #nuitdebout

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Avec les manifestations contre la Loi Travail naît Nuit Debout le 31 Mars. Un mouvement populaire et citoyen qui a essaimé partout en France. Beaucoup de jeunes y participent. Série de témoignages.

Le 31 mars, j’étais dans la rue pour marcher mon mécontentement, comme tous les jeudis précédents. La pluie tombait en torrents,  traversant mon manteau, mes pulls, mes chaussures. Mouillée et sans possibilité de rentrer chez moi, je suis tout de même allée sur la place de la République noire de monde, un peu sceptique. Cet évènement allait-il devenir une simple fête de village ? Le mouvement s’épuiserait-il comme il était né, comme pour les retraites en 2010 ? Allait-on continuer, comme depuis des semaines, à ne centrer le débat qu’autour de la loi du Travail ? Après trois nuits passées sur cette place, je crois aujourd’hui que ces craintes ne se vérifieront pas.

Peut-être le début d’un mouvement de masse

C’est un nouvel espoir qui grandit sur cette place. Il ne s’agit plus d’assembler des « moi », mais de créer un « nous », même si ce « nous » diverge, même si ce « nous » a mille avis, même si ce « nous » n’est pas d’accord. C’est un « nous » qui pense, qui discute, qui s’écoute. C’est l’espoir d’un mouvement naissant, la volonté de milliers voix tues trop longtemps qui s’élèvent et s’expriment aujourd’hui. S’exprimer, c’est ce dont nous avions tous besoin. Mais avant tout, nous avions besoin d’action, besoin de savoir que les choses pouvaient bouger, les gestes s’associer pour lutter et que les oppresseurs n’allaient pas continuer à créer un monde contre leur peuple. Les luttes ne font pas partie que de l’histoire : elles sont une réalité. Les luttes du passé faisaient partie du présent en leur temps. Pourquoi pas les nôtres ? Pourquoi faudrait-il croire et appliquer cette pensée hélas trop commune que l’histoire s’est arrêtée et que nous ne pouvons plus agir ? Emine Sevgi Özdammer, auteure turque-allemande, avait une vingtaine d’années en 1968. Cet esprit de révolte et de solidarité émane d’elle aujourd’hui encore. Et j’aimerais qu’on arrive, nous aussi, à nous fédérer autour de ce mouvement, que les luttes convergent pour n’en créer plus qu’une. Parce qu’enfin le peuple en a marre, et le dit. C’est le rêve que 2016 devienne une date clé dans l’histoire de France qui donne envie de revenir, tous les soirs, et qui donne le courage de rester éveillé.

ZEP - Rêve généralDans l’assemblée, les discussions s’enchaînent, les paroles se libèrent, tous ont droit à l’écoute. Il n’y a pas de chef, seulement des modérateurs volontaires et changeants. Des avis très divers s’expriment. Tout le monde est d’accord sur le fait qu’il y a un problème mais… maintenant, que faire ? Déjà, des places ont été occupées dans le monde : USA, Egypte, Espagne,… Deux Espagnols sont là, parlent, conseillent, heureux qu’enfin Paris se lève aussi. Il y a beaucoup d’émotion dans ce discours, et celle-ci se propage dans les rangs de l’AG. Le 31 mars, à République, nous étions plus nombreux que le premier soir d’occupation de place à Madrid. Et je suis heureuse de vivre ces moments et de contribuer à l’élaboration de quelque chose, à l’organisation d’un mouvement, avec le rêve que ce début puisse devenir un mouvement de masse.

On parle, on échange…

Malgré les deux semaines de travail en amont du comité d’organisation, nous n’avions rien le premier soir : ni chaleur, ni avenir, ni suffisamment à manger. Mais nous avons su, dans un calme et une motivation surprenante, nous organiser : en allant chercher du bois pour faire un feu (qui s’est avéré bien plus tard avoir été illégal), en organisant des AG, en faisant de la musique et tant d’actions que je n’ai pas pu toutes les suivre. Nous savons tous que ce que nous faisons pourra servir aux autres. Alors on partage son repas, on prête pulls et duvet. Et on parle, on échange.

Le contraste entre l’ambiance de la place et le reste de Paris témoigne d’un fossé entre deux mondes : l’un individuel, l’autre collectif. Et la frontière entre ces deux mondes qui peut-être un jour fusionneront est une rangée de CRS qui prend plaisir à nous déloger à 5h30 du matin. Hier, cette frontière est tombée : « CRS avec nous », CRS partis.

J’espère que ce mouvement va durer, que ce nom voté vendredi en AG à la quasi-unanimité sera à la hauteur du souvenir qu’il rappelle : La Commune. J’espère surtout ne pas me tromper et que mon euphorie n’est pas qu’illusion. Il dépend de l’engagement de chacun que ce mouvement progresse, s’étende et prospère

#NuitDebout. Nous sommes éveillés, réveillés, nous ne dormons plus. On se lève, et on marche. On n’est pas voués à l’échec.

 

Solène, 21 ans, étudiante, Paris

Crédit photo + illustration : ©Charlotte Christiaen

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