Alya C. 02/10/2022

Personne ne pouvait nous séparer, sauf nos parents

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Alya, arménienne, est tombée amoureuse d'un Comorien. Ses parents n'ont pas accepté cette relation, contraire aux règles de leur communauté.

Je suis née dans une famille arménienne, et j’ai grandi avec l’idée qu’on ne pouvait pas se mélanger, peu importe la situation. C’est comme ça dans notre culture. Avec mes parents, on n’en a jamais vraiment parlé, car c’est très tabou chez les Arméniens.

Quand on est une fille, on doit se marier avec un Arménien, chrétien. Il n’est pas question de déroger à cette règle. Quand on est un garçon, par contre, on a le choix des origines, à condition de choisir quelqu’un de la même religion.

Je trouve cette règle injuste mais je n’ai pas le choix : je ne peux pas choisir un garçon contre l’avis de mes parents. Je veux préserver à tout prix ma relation avec ma famille.

Pas de métissage dans ma communauté

Mes parents ne m’ont pas privée de liberté pendant mon adolescence. Ils ont toujours essayé d’être compréhensifs et de m’aider dans mes choix. Mais une chose ne change pas : leur point de vue sur le métissage. C’est une évidence que « c’est hors de question ». En grandissant, j’ai commencé à avoir mon propre point de vue sur le sujet, et à avoir des préférences ou des attirances envers des personnes d’autres origines. J’en ai parlé à ma mère, elle ne l’a pas pris au sérieux, sans forcément me donner de réponse.

J’ai fait la rencontre de Moussa, il y a un an. Il est comorien. On s’est rencontrés par hasard, grâce à une amie en commun. On a commencé à parler le soir-même sur les réseaux, on avait un bon feeling et de bons délires. C’était moi en garçon !

Personne ne pouvait nous séparer, sauf mes parents

Notre relation a duré un an. Et durant toute cette année, on a eu beaucoup de problèmes. Beaucoup de personnes ont essayé de nuire à notre relation en essayant de nous monter l’un contre l’autre, avec des fausses rumeurs, peut-être par jalousie ou je ne sais quoi – je n’en ai jamais compris les raisons.

Des amies de Moussa essayaient de faire pression sur lui : « Pourquoi tu es avec une Arménienne ? » ; « Tu sais très bien que ça ne va jamais marcher. » Mais lui, il s’en foutait, il ne voulait pas laisser les autres se mêler de sa vie. Il détestait qu’on parle de nous deux, il trouvait que notre relation était plus importante que tout le reste.

Tout cela m’a fait beaucoup de peine et m’a beaucoup énervée, mais personne n’a réussi à nous séparer. Les seules personnes qui pouvaient, c’était mes parents, et je savais qu’ils allaient le faire s’ils apprenaient notre relation. Pour eux, c’était une honte que leur fille de 17 ans fréquente un garçon d’origine et de religion différentes.

Le choc quand ils ont su

Le jour où ils l’ont appris, j’ai eu droit à toutes sortes de discours, et à beaucoup d’insultes. Mon père était hors de lui, ma mère était triste, mon frère ne me parlait même plus. Ils m’ont privée de sortie, privée de voir et de parler à mes amies, à ma famille, et surtout à Moussa. Ils m’ont dit qu’ils ne méritaient pas d’avoir honte de moi, et qu’ils étaient déçus alors qu’ils me faisaient confiance. Il y a eu des moments très durs avec eux.

Pendant deux semaines, j’ai cessé d’aller en cours, j’ai pleuré, je n’étais pas bien. Décevoir mes parents, c’était très difficile. Je ne voulais pas qu’ils se sentent mal devant les autres Arméniens à cause de moi. Je comprends ma famille, je comprends ce qu’ils vivent. Une fille arménienne ne doit pas faire d’histoires. Mes parents se retrouvent jugés par la communauté, et ce n’est pas ce que je veux.

On a arrêté de se voir

Un mois s’est écoulé. Ça va mieux, je suis retournée en cours, et je vois certaines de mes amies. Avec Moussa, ce n’est plus comme avant : on est toujours attachés l’un à l’autre, mais je lui ai demandé qu’on arrête de se voir. C’est la première fois que j’ai aimé quelqu’un à ce point, au point d’avoir des problèmes avec ma famille, au point de mettre ma vie en danger pour nous.

Aujourd’hui, c’est dur de lui dire d’arrêter de me parler, et de me dire à moi-même qu’il faut passer à autre chose. Même si on est bientôt tous les deux majeurs, notre relation restera impossible de mon côté comme du sien – sa mère non plus n’est pas d’accord avec cette relation. Je ne pourrai jamais choisir entre lui et ma famille. Même si on s’aime toujours, je préfère en finir sans faire plus d’histoires et sans lui faire plus de peine. Moussa a compris, mais il ne veut pas l’admettre, il ne veut pas comprendre. C’est dur.

Islem est musulmane. Sous la pression de sa famille, elle ne s’imagine pas épouser un non musulman, ni même un non maghrébin.

Capture d'écran de la miniature de l'article "Me marier avec un non musulman, c'est dead". L'image est extraite de la série Bold Type.

Maintenant, j’essaie de ne pas trop penser à l’amour et aux sentiments. J’essaie d’être à fond dans mes études, ma religion et ma famille. Souvent, ce n’est pas facile, je ne sais pas comment ça va fonctionner avec ma famille dans le futur mais je ne compte pas faire passer leur « fierté » et leur « réputation » avant ma vie. Mes parents ne sont pas en train de me chercher un mari, ils veulent que je prenne mon temps.

Dans ma famille, les filles se marient vers 23, 24 ans. J’ai encore le temps. De toute façon, je n’accepterai jamais de me marier avec une personne qu’ils choisiraient. Ils sont persuadés que je vais trouver quelqu’un de bien dans la communauté arménienne. Moi aussi j’y crois. Peut-être qu’un jour, je pourrais rencontrer quelqu’un que j’aime autant que j’ai aimé Moussa. Mais il faudra du temps, il va falloir d’abord que je l’oublie.

Alya, 17 ans, lycéenne, Marseille

Crédit photo Pexels // CC Keira Burton

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