Je photoshope mon nez sur Insta
Mes premiers complexes sont nés en sixième, lorsque j’ai commencé à utiliser les réseaux sociaux… Il n’y avait pas un seul jour où je ne me regardais pas dans le miroir en me disant que ce n’était pas juste que toutes ces filles sur Instagram aient une taille fine, des lèvres pulpeuses, une peau parfaite ou un nez parfaitement droit. Moi, j’étais tout l’inverse. Je détestais tellement mon physique que je finissais tous les soirs dans mon lit à pleurer et à me détester.
Je voulais faire une rhinoplastie
À force de traîner sur Insta, j’ai développé un complexe du nez. Je le trouvais moche, bossu et pointu. Je voulais à tout prix faire une rhinoplastie à mes 18 ans. J’ai commencé à m’intéresser à Photoshop, et je me suis entraînée à modifier des parties de mon corps. Par-dessus tout, mon nez. Je le photoshopais sur absolument toutes les photos où on me voyait de profil… C’était devenu un rituel. Ça a duré un mois, un an… et à l’heure actuelle, ça fait cinq ans.
Cinq ans que je continue de complexer. Cette année, j’ai commencé à parler à mes parents du fait que je voudrais faire de la chirurgie. Ils trouvent ça dommage que je détruise mon nez. Selon eux, il est beau et tout à fait normal, mais je pense qu’on n’a pas le même point de vue. Je garde tout le temps mon masque car, durant mes dernières années de collège, certaines personnes s’étaient moquées de mon nez. Par peur, je ne l’enlève plus, sauf avec ma famille. Finalement, je pense que je suis la seule que ça arrange, le Covid…
Une image « plus que parfaite »
Sérieusement, à l’époque où on n’avait pas le masque, au collège, je couvrais mon nez avec mes cheveux ou je gardais tout le temps ma main près de mon visage, pour essayer de le cacher. Maintenant que je suis au lycée, j’ai l’impression que les gens ont une mentalité bien différente. J’ose enlever mon masque à la cantine, à la récré… et personne ne fait de remarques ou de réflexions. Ça m’aide un peu à avoir confiance en moi.
Certain·e·s osent être elles et eux-mêmes sur les réseaux. En y parlant de ses complexes physiques, Youmna s’est construit une communauté d’entraide.
J’avais commencé à utiliser Photoshop sans aucune arrière-pensée, je voulais juste être belle et plaire aux autres. Mais je ne me rendais pas compte que les personnes sur Instagram m’avaient influencée négativement, pour me donner envie de leur ressembler. Elles, elles faisaient ça seulement dans un but marketing, pour gagner de l’argent…
C’est inquiétant, parce que l’image que les gens se créent sur les réseaux sociaux est « plus que parfaite » et reflète rarement la réalité. Par leur faute, à force de visionner les profils de femmes que je considère comme attirantes, je me sentais insatisfaite de mon corps, de mon visage, de mon apparence physique. Alors que derrière ces photos se cachent des heures de retouches et de modifications.
#Nofilter, les réseaux bienveillants
J’ai compris qu’il ne fallait pas oublier que les réseaux sociaux étaient un miroir déformé de la réalité. Même s’ils permettent de divertir mes journées, les personnages qui mettent en scène tout ça affichent un quotidien souvent fantasmé. On ne se rend pas compte que ces plateformes ont aussi tendance à avoir un impact négatif sur la santé mentale des ados. Ils peuvent créer de l’anxiété, et même de la dépression.
Il y a certains influenceurs bienveillants et honnêtes que l’on retrouve avec le hashtag #nofilter, ce qui signifie qu’aucun filtre n’a été ajouté sur la photo. Je trouve ça sympa de leur part de montrer leurs imperfections et la réalité. Ils rassurent les jeunes, en montrant que tout n’est pas rose ni parfait dans la vie. Mon nez ne rentre pas dans les normes de beauté, mais je sais qu’un jour ou l’autre je l’aimerais sans chirurgie, sans filtre, sans Photoshop, sans aucune modification : juste au naturel, tel qu’il est.
Tessa, 15 ans, lycéenne, Toulouse
Crédit photo Pexels // CC ShotPot
La dysmorphophobie sur les réseaux
La dysmorphophobie, c’est quoi ?
C’est un trouble, basé sur un complexe physique, qui déforme la vision de son propre corps. Selon une enquête interne, Instagram contribuerait à détester son corps chez 32 % des adolescentes, principalement à cause des retouches photo et des filtres.
Ce trouble reflète les stéréotypes de genre
Sans surprise, ce phénomène est très genré. Non seulement il touche surtout les filles, mais les opérations de chirurgie esthétique qui en découlent portent principalement sur les zones du corps les plus sexualisées, et donc les plus scrutées : les lèvres, les seins et les fesses.
Les pouvoirs publics semblent impuissants
Les réseaux sont très difficiles à encadrer par la loi. La seule solution proposée par la France, c’est d’obliger à préciser les retouches sur les pubs. L’Angleterre va plus loin en interdisant aux influenceurs et influenceuses d’utiliser des filtres dans le cadre d’un partenariat.