Sarah S. 27/02/2024

« Je n’ai pourtant pas l’impression d’être folle »

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Victime d'inceste à l'âge de 11 ans, Sarah a été hospitalisée en psychiatrie, chez les adultes, à seulement 18 ans. Une période faite de solitude extrême et de souvenirs flous.

Petite fille, j’enchaînais les rêves. J’ai pris un ippon de Teddy Riner. À 18 ans, je suis internée dans un hôpital psychiatrique pour adultes. Loin d’avoir la maturité pour comprendre ce qui m’arrive, je subis cette hospitalisation. 

À mon arrivée, on me dit que je vais être dans une chambre double. Une dame de 60 ans est déjà dedans. Moi qui aime être seule, je commence à baliser. 

On m’explique que, pendant deux semaines, je ne pourrai plus avoir mon téléphone, afin de me couper du monde extérieur. Alors je m’isole dans cette chambre, partageant les ronflements de ma colocataire. L’insomnie ne me lâche pas ! Je ne sors que pour manger ou prendre un traitement que je ne connais pas vraiment et dont je ne me rappelle plus. Je n’ai pourtant pas l’impression d’être folle, ni l’impression d’être faible !

Mon enfance a été gâchée par un père pédophile et alcoolique. Il m’a agressée sexuellement à l’âge de 11 ans. C’était dur de dire ce que je ressentais. J’ai dû choisir de parler de moins en moins. J’ai gardé le silence. Jusqu’au moment où ma maman a découvert mes scarifications. 

Mon médecin traitant de l’époque a su décrypter ce qui m’était arrivé sans que le son de ma voix ne résonne. Seulement avec des gestes de la tête. Je me libérais du poids que je portais depuis des années, mais pas complètement. 

Le cœur balafré de rage

Ma maman a capté, par les paroles de mon médecin, qu’elle n’allait pas pouvoir sauver sa fille. Même si, à mes yeux, maman est une guerrière, qui combat sa fibromyalgie et la douleur qui la met plus bas que terre. Il lui a fait comprendre que j’avais besoin d’une aide psychiatrique. Vint ensuite la question de l’hôpital, où je serais en sécurité face à mes pulsions de scarification. Même si c’était loin et cher. Moi, je ne savais pas ce qui se passait vraiment. Mon cerveau saturait. Mais ça a été ma première décision afin de me protéger. 

Une semaine passe avant mon internement et me voilà à Guérande, une si belle cité médiévale, à plus de 100 km de chez moi. Dans une clinique psychiatrique privée : ça fait moins rêver ! Là-bas, les journées passent et se ressemblent.

Au bout de deux semaines, je peux enfin voir maman et retrouver mon téléphone. Mais je n’ai pas vraiment de soulagement. Malgré les activités sportives, il fait sombre tout en bas quand tu es seule sans lanterne pour éclairer ton cœur balafré de rage. Je m’occupe comme je peux. Les journées se transforment en semaines. On ne vit plus entre ces murs ! 

Rythmée par les horaires des repas et des prises de traitement, je déambule dans cette clinique, bercée par la musique dans mon casque. La mélodie me fait penser à autre chose, me libère de mes angoisses. Je fais des tours dans le parc, avec la solitude et le cerveau qui va exploser. Je suis névrosée. Je cherche à tenir debout, à ne pas flancher. L’hôpital psychiatrique, ça éteint le feu dans les yeux.  

Arrive Noël. Certains patients rentrent pour passer les fêtes en famille. Moi, je dois me faire à l’idée que je vais être, pour la première fois, seule à Noël, en HP. J’en ai ma claque. On m’a trop détruite. Toute seule avec mes pensées qui me paralysent, je ne parle plus. Ma vie en pause, je n’arrive pas à savoir si je vais m’en sortir. Sortie pour le premier de l’An, je ne me souviens pas vraiment de cette première hospitalisation. Le traitement prescrit m’a sûrement rendue amorphe. 

Un regard vers le large

Douze jours plus tard, je fais ma première tentative de suicide. La suite s’annonce très difficile, un combat de longue haleine. Round 2, retour en HP ! Je suis transportée vers un autre hôpital psychiatrique pour trois jours d’observation et d’évaluation. Désormais, il va falloir se battre dans l’espoir de devenir une femme souriante, heureuse, même balafrée à vie. 

À 17 ans, Charles découvrait l’hôpital psychiatrique. Révolté par les surdoses de médicaments et l’absence de consentement, il cherche maintenant à se soigner ailleurs.

Après des moments où tout semblait sombre, où chaque pas était un effort, je sens que les choses commencent à changer. Je réalise que cette sensation n’est pas le fruit du hasard. Elle est le résultat de mes efforts, de ma persévérance à ne pas me laisser submerger par l’angoisse. Même si, quand je pense trop, la dépression me fait des signes. 

J’ai des séquelles, un traitement à vie, avec un suivi par un psychiatre. C’est une réalité dure à encaisser, de savoir que la maladie sera toujours là. Beaucoup de chemin reste à faire. Une route, un destin, un rêve, un voyage, un regard vers le large. L’espoir meurt en dernier !

Sarah, 25 ans, en formation, Ille-et-Vilaine

Crédit photo Pexels // CC RDNE Stock project

 

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