Lucia F. 07/04/2023

Une première tequila pour me consoler

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En soirée, Lucia boit pour oublier tous ses problèmes. Consciente que c'est mauvais, elle s'est promis d'arrêter.

Le jour de mon quatorzième anniversaire, j’étais chez ma mamie à Saint-Pierre. J’avais choisi de le fêter chez elle parce que je l’aime vraiment, ma grand-mère. Il y avait aussi ma tante est mes trois cousines. Elles ont 8 et 14 ans et on s’entend bien, on passe tous nos week-ends ensemble. Pour fêter mon anniversaire, elles ont décidé de faire un apéro. En fait, c’était l’idée de ma mamie : il y avait des bonbons piments, des samoussas, une salade et à boire bien sûr.

On s’est rejointes en début de soirée. Ce n’était pas un anniversaire important. 14 ans, ça rime à rien. En plus, j’étais un peu triste parce que mon père ne m’avait pas appelée de toute la journée alors que je n’attendais que ça… Normalement, il m’envoie un message pour mon anniversaire, et là rien. Ça m’a donné l’impression que je n’étais pas importante pour lui, qu’il s’en foutait et pire, qu’il avait carrément oublié.

Il y avait ma tatie qui était en train de boire une bière. Là, je me suis dit que je voulais vraiment tester l’alcool. Alors, j’ai demandé si je pouvais boire un verre, elle m’a dit oui « juste pour goûter » et m’a proposé une tequila frappée. Elle a versé un peu de tequila dans un verre à shooter et nous a donné du citron et du sel à moi et à mes deux cousines de 14 ans. On a frappé trois fois sur la table et on a bu toutes en même temps. PAF.

Ma première réaction a été de me dire que c’était bizarre, le goût était fort. Mais je me sentais normale, pas saoule et je n’ai pas spécialement aimé la sensation. C’était moins bien que ce que j’avais imaginé. Après ça, j’ai dansé avec mes cousines, on a chanté et rigolé. Je me sentais très bien. Puis, on a mangé et on est allées dormir. RAS. Mais depuis ce jour-là, quelque chose a changé dans ma tête.

C’était fort, c’était bien

Depuis, l’alcool c’est comme mon médicament. Quand j’ai des problèmes, ça m’aide. Ça m’aide à oublier, juste une soirée, tout ce qui ne va pas dans ma vie. Oublier ma tristesse, ma relation compliquée avec mon père. Et puis on ne va pas se mentir, ça me permet d’aller davantage vers les autres. D’autant plus qu’à toutes les soirées où je vais, il y a toujours de l’alcool. Du Next, c’est de la vodka. On boit ça avec du jus, n’importe quel jus. Tout le monde boit, fille, garçon, c’est normal, ça ne choque personne.

Il y a des adultes qui sont là, les parents et tout. Ils voient bien qu’on boit de l’alcool, mais ils ne disent rien, juste « ah ça, c’est la génération de maintenant » et ils ajoutent qu’eux aussi buvaient quand ils étaient jeunes. Moi, je me limite à un verre ou deux parce que je sais que ce n’est pas bon pour la santé. Parfois, malgré tout, je me sens malade, j’ai des haut-le-cœur et je pense que c’est à cause de ça.

Un jour, on était tranquillement avec mes copines à Saint-Pierre, on mangeait une glace près de la plage, et je leur ai dit que je buvais en soirée. Elles ne m’avaient jamais vu faire parce qu’elles vont très rarement en soirée. Elles m’ont dit qu’il fallait vraiment que j’arrête, que ce n’était pas bon pour la santé et que ça allait me causer des problèmes. Ma mère, elle, m’avait vu faire et m’avait dit d’arrêter. Elle n’avait pas été choquée ou énervée, elle avait juste dit : « Ça suffit ! »

Ce qui m’a vraiment convaincue d’arrêter, c’est que, depuis un mois, je reparle à mon père. C’est comme avant. Alors depuis, j’évite l’alcool parce qu’il ne résout pas les problèmes, il t’en donne d’autres.

Lucia, 14 ans, collégienne, Saint-Louis (La Réunion)

Crédit photo Pexels // CC Xuân Thống Trần

 

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Je bois pour fuir mes problèmes, par Emma, 19 ans. Elle est peu à peu devenue accro aux effets que l’alcool lui procure, malgré les dangers, pour pouvoir mieux se fuir elle-même.

 

Pour la génération Z, sobriété is the new cool ?

Fini les préjugés sur « les jeunes » et l’addiction : elles et ils boivent et fument de moins en moins.

En 2022, plus de la moitié des jeunes de 17 ans n’ont jamais fumé de cigarette. Seuls 17 % d’entre elles et eux fument quotidiennement, contre 25 % en 2017. De plus en plus d’ados ne boivent pas d’alcool : la moitié des jeunes de 17 ans n’ont jamais été ivres, et 19 % d’entre elles et eux n’ont même jamais goûté d’alcool. La tendance qui recule le plus, c’est celle du cannabis : 70 % des ados n’en ont jamais fumé.

Les seules consommations qui augmentent chez les jeunes comme auprès de toute la population, c’est celles du CBD et de la cigarette électronique, qui sont souvent perçus comme des alternatives moins nocives pour la santé que le cannabis et le tabac.

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