Mes premières soirées, sans limites
L’été de mes 18 ans, j’ai fait mon second glow up. Avec une amie, nous avions prévu de sortir en soirée. Je me suis habillée de façon coquette, mais avec un pantalon et un t-shirt assez simple. J’avais tout misé sur le maquillage. Avec un grand sourire, une jupe et un joli crop top dans les mains, elle m’a dit : « Ça te dirait d’essayer un autre style de vêtements ? Juste pour tester. »
J’ai accepté et, une fois l’essayage terminé, j’ai ressenti une vague de confiance en moi. Je ne m’étais jamais sentie aussi jolie. Mon amie m’a dit : « Tu es juste magnifique Fatou ! Ça te va très bien, c’est un truc de fou ! » J’ai tourné sur moi-même devant le miroir, j’ai souri, je me voyais comme une princesse.
Je me suis demandé pourquoi j’avais caché mes jambes tout ce temps. Les regards des gens posés sur moi dans la rue et à la soirée étaient si intenses et flatteurs. Les remarquer fut une deuxième découverte de mon corps : il se dévoilait au monde. Évidemment, je ne me souciais pas des regards pervers. J’avais une assurance si prononcée, comme si j’avais des supers pouvoirs. Je me suis dit : « Je peux faire ce que je veux. »
Mes vêtements, mes armes
Mon premier glow up, c’était à mon arrivée au lycée, quand les réflexions comme « planche à pain » ont cessé. La puberté était là et les changements du corps qui vont avec. Mon corps semblait beau aux yeux des autres (surtout chez les hommes). Même si j’étais flattée, certains regards semblaient malveillants. Pour le protéger, je m’habillais « mal » : les vêtements étaient mon bouclier.
Au moment de mon second glow up, une fois le lycée terminé, j’ai senti que mon corps était convoité. Intriguée, curieuse de savoir quel pouvoir il avait, j’ai commencé à m’habiller « mieux », plus court. Je portais des décolletés, des chaussures à talons, beaucoup plus de maquillage et des robes, quand je sortais dans les bars, les boîtes de nuit et les afters chez des gens que je connaissais à peine. Mes vêtements étaient devenus des armes.
Consommer à en finir malade
À travers le sexe et la prise de substances, j’ai cherché mes limites. J’acceptais toutes les propositions d’alcool et de drogues sans oser dire non. Je me suis fait quelques frayeurs, j’ai blessé mon corps et d’autres l’ont fait aussi. Les lendemains de soirées, je me sentais salie par tout l’alcool bu, les drogues ingurgitées et les violences vécues.
Les drogues « dures », comme la cocaïne et la kétamine, m’ont entaché la santé en me coupant l’appétit, en me faisant maigrir et en abîmant ma peau ; les excès d’alcool aussi, en me faisant vomir. Je buvais l’équivalent de plusieurs pintes de bière, plus plusieurs verres d’alcool fort. Au final, je ne passais pas de bonnes soirées car je finissais souvent en pleurs, parano et effrayée dans un coin.
Souvent, je reprenais de la drogue en sachant très bien que j’allais finir malade et, à chaque gorgée d’alcool, je me disais que c’était celle de trop, sans pouvoir m’arrêter. Les autres personnes ne le remarquaient pas, s’en fichaient ou étaient bien trop occupées à faire comme moi. Je sortais tous les soirs et, à force, je n’arrivais plus à me détacher de certains groupes qui semblaient être les seuls moyens de consommer des drogues sans passer moi-même par un dealer.
Des black-out et des violences
Lorsque je me sentais désinhibée, je séduisais et acceptais la séduction venant des autres sans forcément faire attention. Je dépassais mes limites, quitte à regretter le lendemain. J’ai eu des rapports non protégés, et je ne souhaite à personne de se retrouver nu·e à côté d’un·e inconnu·e un lendemain de dérouillage à huit alcools différents sans se souvenir de sa soirée…
Sexuellement, j’ai vécu des situations qui ne me plaisaient pas avec des hommes et des femmes avec qui je n’avais aucune complicité et qui, pour la plupart, n’étaient pas à mon écoute. Un soir, après avoir vomi au-dessus des toilettes, un « ami d’ami » que je ne connaissais pas est venu me réconforter. Après avoir discuté du mieux possible avec lui et pleuré, il m’a essuyé la bouche, m’a attrapé les cheveux et forcée à lui faire une fellation.
Je n’arrivais pas à retenir les leçons de ces expériences et ce tutoiement du risque me rendait accro. Je me disais des phrases classiques du style « plus jamais je bois autant », ou bien « ouh là là, ce gars-là était chelou, plus jamais je ne lui parle ». Bien entendu, je recommençais sans réellement savoir pourquoi.
Mon troisième glow up
J’ai pris conscience du danger auquel je me frottais et du respect que méritaient ma personne et mon corps quand j’ai commencé une relation saine avec mon compagnon actuel. Mon consentement est respecté lors de nos rapports sexuels et il ne m’incite à aucune consommation dangereuse. Avec lui, j’ai appris à communiquer, et à reprendre soin de mon allié de toujours. J’arrive à dire « non » quand cela me semble utile : lorsque j’ai la flemme de coucher avec lui, par exemple.
C’est le Covid-19 qui a été le déclic pour Charlie : elle a profité de la pandémie pour prendre du recul et mettre un terme à ses soirées riches en excès.
J’ai réduit du mieux que je pouvais l’alcool en passant de « tous les jours » à « une fois par semaine » en quantité raisonnable, et j’ai quasiment stoppé les drogues. Mon corps est plus en forme, ma peau plus belle et ma santé plus stable. J’ai repris le sport, je remange sainement et je continue à peaufiner mon style vestimentaire. Je souris de nouveau à mon corps.
J’ai même découvert qu’il a des pouvoirs cachés et que je peux les utiliser sans me mettre en danger. Comme les orgasmes lors des rapports sexuels, que mon corps occultait sous influence de substances. Je me sens encore plus belle qu’avant : je vis un troisième glow up à 21 ans. Je connais mes limites et je les respecte, tout en arrivant à m’épanouir sainement. Comme quoi, jamais deux sans trois !
Fatou, 21 ans, salariée, Paris
Crédit photo Unsplash // CC Frankie Cordoba
Violences sexuelles et alcool
En France, au moins 5 % des étudiantes ont déjà été victimes de viol. Parmi ces victimes, 54 % déclarent avoir subi ces violences lors d’une soirée. 24 % étaient alcoolisées au moment des faits. En ce qui concerne les agressions sexuelles, le chiffre double : au moins une étudiante sur dix en a déjà été victime.
Plus les étudiant·es sont jeunes, moins elles et ils sont sensibilisé·es à ces risques.
Petit rappel (utile) : l’alcoolisation de la victime est une circonstance aggravante en cas de viol, et l’alcoolisation de l’auteur ne le rend pas moins responsable.